Correspondance LVI

Très cher ami,

Le long de cette route, chemin de vie, nous avons rencontré beaucoup de personnes. Qu’elles soient restées de simples images, ou que leur réalité se soit animée, comme par enchantement, au sein de notre silence, nous avons regardé chacune d’entre elles avec beaucoup d’intensité. Les rencontres commencent très tôt. L’univers danse avec légèreté dans un monde structuré, en dépit même des ruptures momentanées. D’ailleurs, sans elles, aurions-nous perçu l’onde merveilleuse de la paix, celle qui nous submerge, celle qui nous donne à une mystérieuse unité ? Nos plus belles rencontres s’inscrivent dans le champ naturel d’un ordre et nous le sentons, celui-ci, Oh ! oui, comme nous le respirons, simplement. Lors que nos promenades nous mènent le long des rives d’un cours d’eau, les clapotis vibrent, et nous nous métamorphosons. Cela ne nous appartient pas. Les chants de l’eau font écho à une autre mémoire. Les petites herbes s’envolent, les pétales de chaque fleur sont une page, et les arbres murmurent des secrets pour qui s’arrête et écoute. La plus petite chose devient une féerie. Cela tremble, cela pleure, cela rit. Notre âme s’ouvre. Elle accueille tout l’univers. Il n’est aucune opacité, si ce ne sont nos propres abandons. Le corps est translucide et épouse les mots de la cueillette. Les branches frémissent et le léger vent nous fait signe. Cela commence par une évidence. Tout est transparent. La vie clame l’origine jusqu’au bout des branches. Nous notons, un à un, les mots, sur un petit carnet, avec une encre approximative. Nous ne savons pas vivre autrement.

Oui, la vie est une évidence, jusqu’à ce nous nous heurtions à ceux qui cherchent lointainement ou peut-être ceux qui n’ont pas de vie intérieure, ceux qui sont nos failles, notre lecture possible, aussi. Nous restons longtemps hébétée devant cette pseudo opacité. Puis, après de longs séjours parmi eux, après ces marques du temps, l’évidence revient, telle la plus douce des compagnes. Elle nous parle et nous met face à l’essentiel. Elle nous prend dans ses bras et se met à rire. Rire de notre pauvreté, de nos échéances, de nos errances. Pourtant, nous nous laissons faire. Le secret est là. Revenir à l’évidence, la laisser nous extraire du marécage. Aujourd’hui, plus aucun bruit et rien qui ne puisse dissiper cet état. L’eau est limpide, mon ami, et l’eau garde en elle la mémoire de toutes choses. Elle ne m’a jamais trahie. Les rumeurs de la ville, les heurts, les discussions, les polémiques, tout cela disparaît dans le plus pur des clapotis et l’eau ruisselle. Il m’a parlé depuis tout ce temps et je l’ai écouté, oui, en filigrane, obéissant à sa force, à sa réalité et mieux qu’une démonstration, il est plein de lui-même. Il m’a guidée dans les sentiers les plus ardus, les événements les plus cruels, les pensées les plus extrêmes, mais, il a été là, comme révélant l’écriture, la sagesse des mots. Car, tout est verbe, et tout est lecture. Il faut se laisser éventrer pour que les mots de l’esprit soient arrachés de nos ténèbres. Cela vient grâce aux successifs flux de lumière, une abondance luxuriante de petites touches, un lien avec le Tout, la genèse de notre existence, le devenir d’un sentier au milieu du rêve…

Votre B

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8 réflexions sur “Correspondance LVI

  1. Ein sehr starker, ein wahrer Text. Und deine Worte sagen mir, dass ich vor Jahren schon mit dir geschrieben habe. Kann es sein? Ich schrieb früher unter dem Nicknamen Rachel…
    Schreiben macht transparent, Hören, Sehen auch.
    Lieb, Edith

    Aimé par 2 personnes

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