Cher,
Je vous écris un peu à la sauvette, jetant sur cette feuille blanche, les mots que l’on aime ciseler auprès d’un angle de fenêtre. Je vous vis tantôt, dans cette euphorie qui me donne à ces longues méditations et vous savez combien les mots nous ont non pas liés, car le mot est par trop connoté pour que j’en fasse ainsi usage, mais rapprochés. Les mots ont voyagé depuis les temps immémoriaux et nous les avons gravés avant que de pouvoir les extirper de nos magmas. Vous savez que j’aime ce mot : magma. L’on pourrait aussi évoquer ce qui n’est à mes yeux aucunement le chaos, au sens de confusion, mais d’organisation secrète de la vie, agencement parfait. Les mots ne se sont pas inventés mais ont de nouveau jailli, comme lavés de toutes interprétations, jubilants de notre instant. Mais qu’est-ce que l’instant que l’on évoque sans cesse ? Qu’est-ce que la présence ? Qui est présent à qui, ou à quoi ? Vous ai-je dit que votre visage est de vos mots nimbés et jusqu’à l’offrande de cette seule présence qui nous donne à goûter à votre lumière de par l’intensité du regard, non pas inquisiteur, mais tout attentionné par le cœur vibrant ? Ce qui se goûte ainsi, donne à la saveur profonde du magma, puis l’éclaire de son rayon de discernement pour enfin le traduire en mots. Au moment où les mots s’irriguent de cette essence, se gonflent de leur substance, nous restons suspendus à ce qui nous donne à la résonance et là, précisément là, nous devenons nous-mêmes les mots, nous leur donnons vie, et nous les regardons voler, s’étreindre, danser, comme lorsque je vous regarde et que votre visage est la sève de votre cœur et de votre âme. A plus tard, cher, car, je vous rejoins pour ce moment près de la lucarne que vous chérissez. Et nous écouterons ensemble les étoiles chanter.
Bien à vous,
B.