
Je n’ai rien préparé, tout s’est décliné, par les mains qui agissent lentement et doucement. Sur le seuil de la porte, avec notre voisin, diacre de sa fonction, nous avons échangé quelques propos, sur les temps, sur les histoires qui courent, sur notre foi commune et universelle, sur la douceur des jours, les rencontres inoubliables, les instants de lumière. Il m’a parlé de son séjour en Suisse, alors qu’il avait été appelé sur un chantier durant le confinement. Il m’a conté sa merveilleuse anecdote déroulée dans une église, désertée depuis deux mois, et dans laquelle il s’était mis à chanter et prier à voix haute. J’ai failli m’installer sur la chaire, m’a-t-il confié, mais j’ai craint que le curé me surprenne. J’ai déclamé Alléluia, Alléluia... et l’église résonnait joyeusement. Nous avons ri. Il me raconta comment il finit par percevoir un bruit à peine étouffé dans l’église : comme je ne vois pas très bien, j’ai dû me rapprocher et là, j’ai vu une petite dame âgée qui pleurait doucement. Elle était émue d’assister enfin à un office puisque le curé avait déserté son église.
Plus tard, nous allâmes, mon amie et moi-même visiter une chère disparue au cimetière de la ville. Nous empruntâmes l’allée centrale. De part et d’autre, la demeure de chacun, en ce couloir de vie me parlait, comme le vestige d’un passage. Je saluais chacun en silence, uniquement par la présence. Parfois, je m’attardais sur une inscription, sur le nom patronymique d’une famille. Je saluais encore, chacun de ces êtres, dans une révérence intérieure. Malgré tout, si présents, ces disparus, le sont-ils vraiment ? Je percevais comme un souffle soudain et je me sentis bien parmi les morts. Rien de lugubre à cela, rien qui ne soit néant. En traversant le cimetière, je les sentais tous là et je répondais à leur réalité. Le matin fut paisible et intemporel. La mort possède tous les visages. Elle vient comme elle veut. Elle est, simplement. Elle est aussi la vie. Elle a cette douceur de nous rappeler à cela.