
Dans la nuit de l’âme,
Le chemin s’éclaire,
Ne te hâte pas.
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Peinture de Christian Bos
Dans la nuit de l’âme,
Le chemin s’éclaire,
Ne te hâte pas.
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Peinture de Christian Bos
Très cher ami,
Je suis pleinement d’accord avec vous. Les mondanités, quelles qu’elles soient, me sont totalement indifférentes. Les salons littéraires, les exploits de la publication, les prétentions, les outranciers affichages, les postures intellectuelles, les mots sans substance, sans moelle, sans vérité me laissent de marbre. C’est bien à dix-neuf ans que j’ai tout quitté. Je me suis retrouvée dans une sorte de désert. Le vent soufflait. Le soleil était haut. L’on m’a dit : Abandonne tout ! Il s’agissait presque d’un ordre. J’ai regardé avec étonnement l’impérieux signe, avec le cœur, soudain, meurtri, mais j’ai obéi. Je n’ai pas triché. Le vent soufflait, très aride et j’étais courbée dans la poussière du grain immense. J’avais chaud, j’avais froid, mais, j’étais émerveillée d’avoir tout quitté. Je suis restée ainsi durant de longues années. Quand j’étais jeune, l’écriture me servait à vivre d’incisives introspections, des moments suspendus. Le calame bruissait, mais, j’entrais dans les plus abyssales profondeurs. Les mots me burinaient et je devenais leur instrument. J’accueillais cela avec un grand bonheur. Avec les mots, j’allais dans le silence. Mais, l’on me dit : Tu seras absente de la scène publique. Alors, j’acquiesçais. La vie a le goût puissant de la vie. Point besoin de regard, point besoin de compagnon. De toutes les façons, le compagnon arrive, tôt ou tard. S’effacer est un long apprentissage. Alors, mon ami, je suis d’accord avec vous : l’essentiel nous a dépassé. Il nous tient avec vigilance dans le véritable monde. C’est en lui que l’on découvre l’enseignement, la beauté. Nous balbutions, nous tombons, nous nous relevons et nous continuons. En cette intention, notre cœur devient un miroir. Il nous révèle notre être. J’ai vécu ma vie de femme, ma vie de mère, ma vie au sein de la vie. Mais, le milieu était le seul fil conducteur. Il a écarté les branchages. Il a montré le ciel.
Androgynat
Maturation et maturité, le lien indéfectible comme n’ayant jamais perdu son lien fidèle et Ô Ami, plutôt que de discourir, j’ai mis en pratique en L’écoutant, Lui. Comment depuis les verbes Divins, Logos dansant, l’on se retrouve au sein de l’océan ? J’ai rencontré tant d’amis, que mon cœur est plein de leur réalité, ces amoureux de Vérité, hissés et tendus de lumière par leur universalité. L’un me conta comment une scie se mit à parler et je me mis à pleurer et l’autre me fit le récit de la gazelle, et par ses yeux, je fus troublée. Lors que l’océan nous submerge, il se met à danser. L’un me conduisit au centre d’un échiquier et l’autre versa une myriade de roseraies sur mon cœur émerveillé. Si vous considérez ce monde ainsi, tous les verbes se mettent à éclore et les jardins embaument tels des multitudes de mondes singuliers. L’un évoqua son amour pour son fils et le sacrifia plutôt que de ne pas aimer. Je devins muette devant cette évidence. Mon « moi » doit tomber et tomber encore. Lors de la descente, j’ouvris grand les yeux. Je retins les étapes du grand voyage et fis le serment de retrouver le chemin du retour. La vie commença à tournoyer : un verbe, un autre, un mot, un autre, une lettre et une autre. Là-haut, je voyais que l’on me regardait. Je devins la mémoire du Regard. Je vis longtemps deux corps qui s’enlaçaient, mais, ne vous trompez pas, il ne s’agissait pas de corps de ce monde. Les corps d’une multitude de corps. Lors de cette descente, je me tournais simultanément aux directions de tous les points cardinaux et je me promis de ne jamais oublier. Si je vous dis que l’Amour de Lui est plus fort que tout ce monde et ce qu’il contient, comprendrez-vous ? Le soleil rayonne au cœur et le cœur s’accomplit. Pourquoi la lumière rit-elle ainsi ? La joie profonde du retour. Maintenant, je m’assois et le livre s’ouvre. L’univers est éclairé par le chant et le chant se réjouit. Monde ! Univers ! Cosmos ! Monde d’ici-bas, monde de l’au-delà, monde Transcendant. Seigneur, et que j’aime, oui que j’aime notre retour ! La maison ! La maison ! Si je vous dis que l’accompli comprend l’inaccompli, comprendrez-vous ? Il me fallut un bâton, les pieds nus et la poussière du chemin. Mais, que ces hommes peu scrupuleux le sachent enfin : le monde va basculer et règnera la joie des orphelins.
Commencement sans commencement
Naissant dans un certain contexte, quand tout commença, nous sûmes qu’il n’y avait guère de commencement en ce lieu, qu’il n’y avait guère d’espace aussi, que les mots n’avaient plus leur place, car quelque chose avait été bien avant eux et peu à peu, tels des nouveaux nés, notre gorge se déployait et des nues magmatiques, la voix cherchait le couloir pour révéler le son, le sens et la forme. Naissant en ce contexte, nous comprîmes que chacun de notre corps se déployait avec la réalité d’une flûte. Le son s’élevait aux fentes singulières et exprimait le « Bâ ». Faut-il une corde raide à ce langage, une verticale ? Le long couloir s’élève et retrouve son enchantement. Aleph primordial, par tout ce qui subsiste, par tout ce qui se manifeste. Nous pourrions l’appeler Amour. Mais qu’est-ce donc que l’Amour ? D’aucuns pensent qu’il s’agit d’un acte, d’une relation, d’une fusion, d’une attraction. Nous pourrions encore dire que cela se nomme Amour. Mais qu’est-ce donc que l’Amour ? Au-delà, bien au-delà, nous pourrions dire qu’il s’agit de la puissance d’un état, d’un état plénier, d’un état d’extase continue, de lumière irradiante, de Béatitude. Nous sommes suspendue et notre corps disparaît en ce rayonnement. Nous pourrions dire que cet état fend tous les espaces, élargit toutes les conditions, écarte toutes les contingences. Nous pourrions dire que le cœur s’ouvre et s’ouvre et s’ouvre. Alors, nous ne savons plus ce que nous sommes. Nous pourrions dire Amour encore. Peut-être est-ce l’effet d’une envolée, du battement régulier d’un ciel descendu jusqu’au cœur ? Cessons ! Dansons ! Le Miroir rit et je joue. Il est si près et je Le laisse me révéler les reflets miroitants de mille et une pages. Voguons ! Je suis née du seul jour et et je suis née du seul instant. Ni avant, ni après et pourtant tout est là, tout est là qui se déploie.
Je ne sais pas acter ceci ou cela,
L’on nous délivra,
Sans raison ni pourquoi.
Ecoute la femme,
Il est un secret ,
Dont la puissance immanente,
Jaillit et radie,
Le monde entier.
Ecoute la femme,
Son cœur, tel un trésor,
Ses yeux écorchés de douleur,
Rondeur palpable ;
Ecoute son murmure,
La pudeur éthérée,
Ses pas légers,
Ecoute la femme,
Sa fragile beauté,
Son âme aimée,
Mais écoute donc,
Son silence,
Sa discrétion,
Les gestes faits de gracilité,
Dans la lenteur d’un regard élancé.
Ecoute la femme,
Du parfum au souffle inépuisé,
Quand chante la pluie,
Son cœur a pleuré,
Et la terre féconde
Des paroles de sa veillée,
Fendent la lune de ton secret.
Mais écoute donc, te dis-je,
Entends battre ton cœur,
Au mystère de sa présence,
Laisse-toi enivrer,
A la nuit des temps,
Ton épousée,
Celle qui s’endort,
Au creux d’une vague,
S’éveille émerveillée.
Mais écoute donc,
Car l’Amour d’une femme,
Est plus fort que l’étreinte,
Plus fort que ton silence,
Plus dense que ton absence,
Puisqu’il contient l’éternité,
Et son calme de toute évidence,
Son évanouissement à la lumière,
T’ont depuis longtemps fasciné,
Alors vois cette femme,
Elle est ta réalité, ton échappée,
Ta promenade,
Le long voyage, l’épopée,
Ta démarche musquée,
Quand teintent inépuisables,
Les voix de ta destinée,
Alors, écoute le rappel,
Depuis les tréfonds de ta mémoire,
Mon Aimé,
Quand je tournais mon visage,
Le bleu ciel de mon épousé,
L’iris et le châtaignier,
La rose et la roseraie,
Comme je t’ai regardé !
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Peinture de Frank Weston Benson
Depuis l’invitation,
Un écrin sous la voûte,
Est-ce matin nouveau ?
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Peinture inachevée de l’auteur
Plus le monde semblait dériver, plus il errait dans la nébuleuse gigantesque, et plus il s’assombrissait de l’absence, plus il m’emmenait sur les terres d’un royaume illimité. Plus le monde s’évadait du centre et plus il m’y poussait. Plus je rencontrais les ruines de l’âme, plus je cherchais à retourner vers l’Origine. Je n’ai pas su être autrement, ni enfouir les signes prodigieux de la vie. Ni elle ne vous ment, ni elle ne vous trahit. Elle vous plaque contre-vous même et d’une poigne ferme, elle maintient votre regard alerte et lucide. Dans les profondeurs de l’océan, lorsque le tumulte est violent, elle ne vous épargne pas, ni ne vous permet aucun subterfuge. Vous la regardez avec la fascinante hébétude et vous pleurez, oui, vous pleurez de ses chaudes larmes d’Amour. Celles-ci vous submergent, vous inondent, vous ravagent et vous refaçonne à l’image du tremblant baiser virginal. Elle vous parle constamment, ici, ailleurs, dans les détails, dans les grandeurs. Vous ne refusez aucun de ses signes et ils vous transpercent en vous faisant mal du seul bien véritable. Alors, vous ne composez pas, ni construisez, mais vous êtes émerveillée par son Intelligence, par sa sagesse, par ce qu’elle vous enseigne, par ce qu’elle vous révèle. Comment ne pas le voir, comment ne pas en témoigner ? Alors, vous la laissez vivre en vous et vous entrez dans son puissant secret. Sachez-le ! Le silence parle. Le silence révèle son langage. Le silence vous emmène aussi loin que votre cœur est à s’ouvrir, à offrir sa nudité, à tomber à genoux, à saisir ce qui est insaisissable, car l’insaisissable ne vous quitte plus. Vos mots, vos phrases, les lettres qui dansent sont une écriture qui vient d’ici et d’ailleurs. Par son toucher, par sa patiente compagnie, vous accueillez ce qui est à la mesure de votre terre, de votre océan, de votre ciel. Vous l’accueillez et alors, Dieu se révèle à vous. Il prépare Son Jardin. Il prépare Son Royaume. Il ne vous quitte plus comme Il ne vous a jamais quittés. Jamais !
Entre les mots,
L’infini espace,
Du pouvoir des mots.
Tout s’effaçait,
Excepté la présence,
Etourdissante.