Correspondances LXIV

Très cher ami,

S’il fallait redescendre, nous sommes descendus. Certes, qui peut comprendre cela ? Nous sommes à des milliards et des milliards d’années lumière de saisir notre réalité. Notre corps s’est affaibli. Notre mental s’est appauvri. Notre âme se limite à nos cinq sens. Nous nous sommes appropriés un lieu de vie, un lieu de passage et nous l’avons réduit à notre limitative préhension. Nous considérons les choses d’un point de vue uniquement social et à peine psychique. Nous sommes obsédés par un « morceau » d’existence et nous finissons par en perdre le sens, l’essence. Nous n’aspirons pas à la connaissance, parce que la connaissance nous déserte et passe son chemin, s’envolant vers le territoire encore vierge des montagnes. Nous exultons face à quelques gadgets technologiques et nous ruisselons d’égoïsme éhonté. Nous ne supportons ni la critique, ni non plus l’inconfort. Nous pensons comme nous vivons et nous vivons comme nous mangeons. Une poignée d’irréductibles se sont arrêtés et ont considéré la vie sous son aspect entier, mais guère plus. Quant aux autres aspects visibles de l’humanité, cela se manifeste par une névrose, celle d’une « fast fooderie » prenant l’apparence de tous les possibles d’une consommation effrénée. Mais : Nothing before and nothing after. Telle est la devise qui donne les droits à une liberté sans mesure.

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Œuvre créatrice

La Beauté jugule et danse,
Comme l’on est à tendre,
La voilée du Cœur.

Ô monde des signes ! J’aimerais ne plus être, et subrepticement Te voir apparaître, telle une seconde de Ton regard, lui-même apprivoisant la nature créée par Ta propre Volonté. Œuvre créatrice ! Et entre les non-manifesté et manifesté, pleurer, pleurer d’Amour. Pleurer comme le cœur qui ne sait autrement T’aimer. Or, l’Amour s’est agenouillé et fait Alliance avec Ta Réalité.

Mon ami

Mon ami me dit : Viens, asseyons-nous sous cet arbre et partageons notre repas. Je n’avais pas grand chose à lui présenter et m’en trouvai quelque peu attristée. Comme il avait été généreux tout ce temps avec moi, et j’avais pu m’apercevoir, Ô combien était grande sa bonté ! Malgré mes maladresses, mes erreurs, il avait toujours manifesté une patience inégalée, une attitude magnanime. Au moment où nous nous assîmes sous l’arbre magnifique, un chêne lumineux qui nous offrit une ombre douce et salutaire, alors que le soleil se trouvait à son zénith, je me sentis me liquéfier tant mon âme fût soudainement emplie d’une extrême pudeur. Celle-ci m’envahit et me fît même frissonner. Ma besace était vide, implacablement vide. Lui qui avait tout partagé, sans la moindre hésitation, lui qui m’avait couvert de son aile protectrice à maintes reprises et voici que je me trouvai dans le plus grand des dénuements. Je n’osais plus regarder mon ami. Je ne pouvais simplement plus lui faire face. Je venais de réaliser, par ses simples mots, que je lui étais redevable de tout, que j’avais profité largement de sa grandeur et cela sans jamais pouvoir donner quoi que ce fut en retour, hormis ma pauvre présence. Il me tapota sur l’épaule et me sourit. Avait-il saisi ma gène ? Il ouvrit son modeste sac de voyage et en sortit un morceau de pain à la croûte parfaitement dorée. Le chêne frémit et son feuillage sembla nous saluer. Je tenais le morceau de pain comme hébétée par tant de beauté. Était-ce de la gratitude ? De nouveau, mon ami me tapota sur l’épaule et sans un mot, nous savourâmes notre complicité silencieuse, cet havre de paix qui allait au-delà des mots, bien au-delà.

Là où l’on aime s’asseoir et écouter

De mémoire d’homme et de mémoire d’être, voici des propos où l’on aime venir s’abreuver et méditer.

– Je crois, Zorba, mais je peux me tromper, qu’il y a trois espèces d’hommes : ceux qui se fixent pour but de vivre leur vie, comme ils disent, de manger, de boire, d’aimer, de s’enrichir, de devenir célèbres. Puis, ceux qui se fixent pour but, non pas leur propre existence, mais celle de tous […]

Zorba — dandanjean

Ishq*

Du cristallin dont l’azur bleuté,
Trempe au regard de Ta Majesté,
Suspendu à l’iris,
Fit de moi Ta troublée,
Et au vent d’une prunelle,
Scrute la pupille,
S’abreuvant de Ishq*,
Au confluent d’une eau douce,
La cornée d’une source,
Se noyant par Ton océan,
Ô mouvement !
Puis encore mouvement !
Onde sublimée,
Incessante !
D’une oscillation,
En Oscillation,
Ondée de pluie,
Ondée de vent,
Mots subsumés à l’articulation,
A l’Arboré d’une veine,
Jugule la transparence,
Le cœur,
Ô mon cœur !

Sache que je trouve un mot et l’avale, puis une perle et la prends. Je marche dans un royaume qui entraîne le mouvement et, de silence en silence, de temple en temple, de sanctuaire en sanctuaire, Ishq fait de moi ce qu’Il veut. Je t’appelle, Il m’appelle. Ne dites rien ! Je ne volerai pas une seule virgule, ni le moindre souffle, ni n’investirai l’indécente usurpation. Je suis Ta fidèle et goûte au nectar d’une Vision.

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*Ishq : désigne l’Amour Absolu et infini, l’Agape compassionnel.

Erreur et Délivrance

Nous ne naissons pas égaux, quoi que nous disions. Observez le monde. Vous ne verrez pas les mêmes réalités. Observez votre rue. Vous ne verrez pas les mêmes personnes. Nous ne sommes pas une valeur numéraire. Nous ne sommes pas quantifiables. Nous ne sommes pas non plus un seul chemin. Nous ne sommes pas une seule manifestation. Ce que ce monde a oublié, c’est cela : Quoi que l’on fasse et quoi que l’on dise, la semence donnera sa réalité-une et plénière. Elle éclora de sa germination et de nulle autre. Elle libèrera ce qu’elle est. Sa nature s’accomplira, qu’on cherche à l’en empêcher ou non. Elle sera visible ou non. Cela ne lui importe pas. La semence est conforme à ce qu’elle est. Nul n’a le droit de réduire ceci ou cela, de combattre la nature des choses. Chacun nous devons entrer dans la Danse, harmonie des harmonies.

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Jnana

Hourra ! Danse la Voie,
J’embrasse le sol où je suis née,
La lisière a chanté.

Comment ? Enfin Tu es venu m’éclairer et j’irai par tous les chemins Te rencontrer, Te voir, T’écouter, bercée de notre entente. Le sol jonché de Ton empreinte ineffable s’est mis a dansé et le cœur entend et répond : Aime ! Ô mon Aimé !

Engagement solennel (1)

Traversant ce monde, je ne serai pas une égoïste. Je ne penserai jamais à mon seul confort, à ma bohème bourgeoise. J’abhorre toutes formes d’expressions narcissiques, toutes sortes d’égocentrisme éhonté, tout conformisme aveugle. Il m’est impossible de concevoir cette vie comme l’exultation jouissive de ma personne. Jamais je ne me suis inscrite dans cette dimension de vie et jamais je ne m’engluerai dans celle des autres. Cela me semble abjecte, réducteur et inhumain. Je ne puis envisager le monde, l’existence, la manifestation de mon être comme une flambée nerveuse de mes projections. Jamais je ne cautionnerai les comportements aveugles d’un monde enclin, en permanence, à la consommation de l’être, autophagie amorcée comme une légale destruction de l’âme. Jamais je ne m’inscrirai dans l’insouciance effervescente du plaisir immédiat, de l’individualisme surdimensionné.

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