Au commencement, l’évidence qui s’offre sans résistance, sans nom, sans mesure, naturelle, épanouie, enchanteresse, puissante et englobante. Le cœur est étendu, dilaté, englobant, parlant sans mots, se taisant dans le parfait harmonique du Silence, ce Son immutable, lumineux, n’appartenant à personne, s’offrant à tous. Au commencement, les yeux sont ceux du cœur, un lac insondable et inépuisable. Au commencement, l’eau scintille, l’âme fusionne et danse. Les gestes du quotidien s’efface et il n’est que cet instant, lors que s’ouvrent l’univers, les étoiles, la nuit de notre âme, et où quelque chose attrape votre cœur. Je ne dirai pas qu’il s’agit de l’enfant, mais du Soi qui chante. Il est au centre. Je le reconnais et nous nous regardons longtemps, émerveillés de nous retrouver. Je cours vers la colline, j’entends frémir le vent, s’engouffrer par toutes les cellules de mon corps et je tends les mains, et Il se met à rire, à rire, à rire et mon être résonne tout entier de Sa Joie.
Assieds-toi, Ô brise qui vient du lointain dont on ne peut rien dire, toi, belle nouvelle qui touche la nacre des cœurs qui aiment ! Assieds-toi, mon ami cher, qui de sa fluidité virginale, apaise notre cœur et lui ouvre des horizons pléniers ! Assieds-toi sur mon cœur, celui qui se trouve, ni ici, ni là-bas, entre les deux, tel un espace subtil qui dilate notre perception. Toi qui ouvres les portes que l’on ne saurait ouvrir, qui affranchit celui qui ne saurait être prisonnier, et qui donne au Silence, son authenticité.
La crudité est semblable à une viande saignante mais coriace sous la dent. J’ai beau arracher, mastiquer, le muscle s’épaissit. –Il faut cuire et recuire, dit le Maître. –Mais qui donc cuit ? – La crudité.
Nervure de toi, S’entremêlent nos mots, Le feu d’une larme.
Au crépuscule d’une falaise, j’entendis la mouette, puis aux confins d’une étendue, l’océan s’élança dans l’infini. Au silence d’une ombre, l’arbre ouvrit les yeux et tandis que les cyprès gravissaient vers le bleu pur, que le grillon suspendait les lieux, le sommet révéla une pierre tombale, un puits et un sanctuaire de paix. Depuis la cellule d’un méditant, au loin, la vallée offrait sa minuscule paume et la mer scintillante nimbait mon cœur de son silence.
En l’aridité de ton sable, partout où je mets les pieds, du regard depuis l’ombre d’un rocher, le soleil darde ses rayons opales, et sans bouger, l’âme vogue et le désert s’efface, tandis que soudain, je Te vois passer.
Siddhârta souleva presque imperceptiblement l’index d’une de ses mains et ferma les yeux. Il entendait bruisser le son de la plume qui continuait de lui parler. Il avait été plongé dans la plus extrême des solitudes, une solitude abyssale. Il lui fallut s’extraire de l’ouragan intérieur, un ouragan fait des souvenirs mémoriels de la vie, le chaos dansant, les extrêmes s’entrecroisant. Remonter jusqu’ à la Source, puis jusqu’à la Source des Sources, ainsi, de combats en paix, de haine en amour, de ténèbres en lumière, de cris assaillants en silence. Il avait vu en lui, le macabre et la beauté, la sordidité misérable et le faste des nobles pensées. Il avait été submergé par la souffrance, les contritions les plus éprouvantes, et il avait connu les dilatations, les expansions du bonheur et de la joie. La connaissance est inscrite dans l’Être, et sans bouger, Siddhârta était entré dans les dimensions insoupçonnées de l’homme, de la Création tout entière. Il avait lu les mots de la Mémoire. Celle-ci avait jailli depuis la Rencontre intérieure et ces Retrouvailles sont la véritable Union, Source du monde, Source de l’âme, le Commencement et la Destination. Les cellules se transformaient et tout le corps devenait champ de Lumière. Siddhârta avait compris qu’il fallait demeurer immobile, en dépit de toutes les images qui s’assemblaient, se composaient et se décomposaient. Il avait proclamé : J’ai vu l’Ancienne Voie, la vieille Route prise par les Tout-Eveillés d’autrefois, et c’est le sentier que je suis.
La plume de continuer ses révélations : Car, Siddhârta devenu Bouddha, devenu l’esprit pur, délivré des contingences, réveillant en lui les sagesses ancestrales, n’a nullement nié la Voie des Anciens, ayant pénétré la Loi Eternelle, et vérifié par lui-même toutes choses sur la terre et dans le ciel, a signifié ainsi : « Je n’ai rien apporté de nouveau, ni fait acte d’une sagesse qui serait mienne. Car, nul sage, décrète la plume, qui ne soit venu, n’était là pour détruire mais pour accomplir la Loi. Tu as dit : Dieu n’est pas Celui-là. Dieu n’est pas l’image que vous vous faites de Lui. Il n’est ni Ceci, ni Cela. Il n’y a que l’Identité de l’Être suprême, l’Un. Tout homme n’est véritablement homme qu’au moment où il quitte son « moi ».Tout Eveillé nie, assurément, le « soi », cette âme qui n’est pas encore éveillée, afin de proclamer le Soi immortel, Sans Naissance et Suprême. Combien de fois n’as-tu pas fait mention du Soi ? N’as-tu pas proclamé, Ô Noble : « Ceci n’est pas mon Soi ; na mê so attâ ! »
Lors que nous nions quelque chose d’irréel, c’est afin d’affirmer qu’une chose est réelle. »