Au commencement, au milieu et à la fin

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Silence

公案, gōng’àn

Larme

Désert d’Amour

Siddhârta (2)

Siddhârta souleva presque imperceptiblement l’index d’une de ses mains et ferma les yeux. Il entendait bruisser le son de la plume qui continuait de lui parler. Il avait été plongé dans la plus extrême des solitudes, une solitude abyssale. Il lui fallut s’extraire de l’ouragan intérieur, un ouragan fait des souvenirs mémoriels de la vie, le chaos dansant, les extrêmes s’entrecroisant. Remonter jusqu’ à la Source, puis jusqu’à la Source des Sources, ainsi, de combats en paix, de haine en amour, de ténèbres en lumière, de cris assaillants en silence. Il avait vu en lui, le macabre et la beauté, la sordidité misérable et le faste des nobles pensées. Il avait été submergé par la souffrance, les contritions les plus éprouvantes, et il avait connu les dilatations, les expansions du bonheur et de la joie. La connaissance est inscrite dans l’Être, et sans bouger, Siddhârta était entré dans les dimensions insoupçonnées de l’homme, de la Création tout entière. Il avait lu les mots de la Mémoire. Celle-ci avait jailli depuis la Rencontre intérieure et ces Retrouvailles sont la véritable Union, Source du monde, Source de l’âme, le Commencement et la Destination. Les cellules se transformaient et tout le corps devenait champ de Lumière. Siddhârta avait compris qu’il fallait demeurer immobile, en dépit de toutes les images qui s’assemblaient, se composaient et se décomposaient. Il avait proclamé : J’ai vu l’Ancienne Voie, la vieille Route prise par les Tout-Eveillés d’autrefois, et c’est le sentier que je suis.

La plume de continuer ses révélations : Car, Siddhârta devenu Bouddha, devenu l’esprit pur, délivré des contingences, réveillant en lui les sagesses ancestrales, n’a nullement nié la Voie des Anciens, ayant pénétré la Loi Eternelle, et vérifié par lui-même toutes choses sur la terre et dans le ciel, a signifié ainsi : « Je n’ai rien apporté de nouveau, ni fait acte d’une sagesse qui serait mienne. Car, nul sage, décrète la plume, qui ne soit venu, n’était là pour détruire mais pour accomplir la Loi. Tu as dit : Dieu n’est pas Celui-là. Dieu n’est pas l’image que vous vous faites de Lui. Il n’est ni Ceci, ni Cela. Il n’y a que l’Identité de l’Être suprême, l’Un. Tout homme n’est véritablement homme qu’au moment où il quitte son « moi ». Tout Eveillé nie, assurément, le « soi », cette âme qui n’est pas encore éveillée, afin de proclamer le Soi immortel, Sans Naissance et Suprême. Combien de fois n’as-tu pas fait mention du Soi ? N’as-tu pas proclamé, Ô Noble : « Ceci n’est pas mon Soi ; na mê so attâ ! »

Lors que nous nions quelque chose d’irréel, c’est afin d’affirmer qu’une chose est réelle. »