Harmonie

Les yeux font le récit, celui d’une vie entière, celui aussi du grand Voyage. Ils rencontrent une histoire qui vient de naître. Elle remonte si loin dans le temps que les frontières de la fin touchent celles du commencement, se chevauchant dans le silence d’une prompte et pérenne communion. Lors que deux êtres se rencontrent, ils sont vierges d’eux-mêmes, et ils sont simultanément leur vie profuse et parallèle, des milliards de secondes dans l’infinité de leur profondeurs abyssales, et chacun d’y consentir dans la présence, et chacun d’y susciter le prétexte d’un tissage dans l’harmonie des courbes ondulatoires de leur Amour.

Miroir 鏡子

Montagne

Mon cœur est un burin qui cisaille les montagnes, et je ne vois plus que L’Un, saisissant de Ses deux mains toutes les étoiles, les comprimant contre Son Cœur, faisant jaillir des myriades de constellations, des nébuleuses endormies, des nuages galactiques, dans l’immensité intersidérale. La montagne est une plume légère comparée aux sombres voiles de nos images, mais voici que Montagne s’assoit et veut nous parler. Sais-je L’écouter ? Elle attend. La terre palpite et s’émeut. Une sauterelle verte s’envole telle la réalité effervescente d’une féerie. Elle était posée près de moi et je remarquai son ventre qui respirait au rythme étourdissant d’un cœur étonnamment puissant. A qui appartenait cette force ? J’observais cet abdomen vert strié dont la couleur devenait quasi surnaturelle. La vie révélait son intensité présente et je touchais le ventre de cet orthoptère, je le touchais doucement et lui parlais. Montagne souriait. De floconneuses et blanches fleurs dansaient.

Miroir 鏡子

Le centre

Quand je le vis, j’entrai dans une demeure. Elle pouvait être perçue semblablement à l’immensité, dans un lieu si paradoxalement exigu et pourtant, l’espace le contenait tout entier. L’écho vibrait longtemps, révélant les feuillets d’une phrase infinie. En cette résonance, tout s’immobilisait, et tout s’activait dans un bruissement à peine perceptible. Il se passait cette chose incroyable : le coeur éclosait en une myriade de rosées. Chaque rosée était un univers complet. L’image était plus qu’une image. Elle était un corps ; elle était une infinité de corps. Cela ressemblait à des étoiles, mais il s’agissait, en vérité, de larmes hébétées, devenues des constellations de cristaux musicaux. Chaque larme était un son et chaque son était un mot. Cela tintait et riait. Je les suivais et l’enchantement s’étendait sans discontinuer. L’éternité devenait un rire cristallin, un centre concentrique et une spirale épandue de joie et de beauté.