Un cygne d’une blancheur immaculée glissa sur l’eau solitaire. Le lac s’émut de la légèreté grâcieuse du bel oiseau, étendit, soudain, depuis ses profondeurs, deux immenses ailes fluviales et saisit le mouvement translucide du cygne pour le mener, avec délicatesse, jusqu’au ciel. Celui-ci demeura imperturbable. Le lac versa, au miroir de son âme, une larme d’une douceur inégalable. Tous deux s’unissaient en silence.
Si je vivais, Qui étais-je alors ? Mais si je ne vivais pas, Qui parlerait encore ?
La merveille fut de ne pas survivre aux raz-de-marée, ni de prétendre être autre. Mais, si tu n’existais pas, je t’inventais dans une préexistence tissée de nos mains aimantes, et tu fis, sans doute, apparaître notre rêve commun. Tu donnas à l’ombre les pas de notre souvenance et tu me dis combien nous nous aimions. Je vis Amour et Il ne cessa de me submerger, alors que l’océan était une vastité. Nous nous mîmes à chanter. Ce fut une visitation permanente, la joie indomptable, une présence révélée. Plus que tout, tu m’invitas à le clamer et je retins à peine cette étrangeté, car la joie se voulait être partagée. Vivre en Lui, l’Amour, c’est ne point survivre à tout ce qui nous sépare. Je vis une onde tournoyer, alors que la nuit glissait comme une invitée et nous nous mîmes à rire dans le ciel sans nom, le ciel de notre unité. Je l’attrapais au vol, cet instant pérenne et nous nous mîmes à danser. Une infinité de petites ailes au sein d’un ciel émerveillé.
Vivais-je d’avoir été ? L’éclatante lumière, Du miroir de notre cœur, Le monde s’est révélé.
L’art de dresser une table au milieu d’un salon, sans prétention, en posant une simple chandelle. Celle-ci tremble de toute sa flamme dans la nuit éclairée par le petit geste d’un souffle. Mettez-y un capuchon, ou bien une feuille d’érable d’un vermillon prononcé. Grenade émerveillée au-dessus d’une nappe mordorée. Quel est donc ce poussif élan forcené, au-delà des pins sylvestres ? Plait-il à sa majesté de poser son séant à la place indiquée ? Non, par ici, majesté, un fauteuil d’une couleur grenat vous est réservé. Comment faites-vous pour continuer de vivre sans être indigné, sans même vous révolter ? La vie ineffable trace une certaine conformité, et lors que ce monde vous assigne à une résidence, portez-vous bien, innombrables petits numéros dans la vaste machinerie ! Comment faites-vous pour croire aux sornettes des palefreniers, des bas lignages et de certains chimpanzés ? Ah non ! je ne suis pas le moindre du monde contre la race des primates. Ce sont de petits animaux drôles et quelques fois espiègles, pouvant causer, néanmoins, de sérieux dégâts. Comment ? Que dites-vous ? Il me semble que nous tenons depuis quelques temps un fameux discours de sourds et de muets. Veuillez ne pas m’en tenir ombrage. Je suis, vous le savez bien, un enfant gâté.
Sur les ailes blanches de mon Aimé, Le ciel s’est effacé, Tout comme l’hirondelle, Sur la pointe écumeuse d’un océan, Vague suave d’un aimant, Et au bruissement que fit une ombelle, Je renouvelais mon serment ; L’ombre s’éclaira au firmament, Et le temps d’un souffle, Je fus certes conquise, Evanouie à chaque instant. Vision féconde est exquise, C’est ainsi que cognent, à la porte de l’inconnu, Les élans d’un puissant rayonnement, Les geste, Oh combien souples, Mêlant vaillance au sein d’un tourbillon. Lors que le jour devient un verbe éloquent, Je bois sans fin au soleil d’une Vestale ; C’est ainsi que resplendit la douce brise, Dans les tréfonds des pulsions d’un cristal. Comprenne qui pourra, J’aime d’être partie sans revenir, Et bien que je marche seule, étrange ? Contemplant chaque interstice, Si je reviens, c’est bien d’avoir suivi un ange. L’infime côtoie le grand, Et comment voir, Oh comment voir ? Par le trouble d’un éloquent zénith, Alors que trône irrévocable, Le seul sacrifice. Ne rien prendre de ce monde, Goûter à peine à l’offrande, Vivre, puis, ce pont franchir, Pour que demeure le cœur en laitance, Jaillissant, Ô Volans ! Tandis que de l’âme, un océan est à surgir. C’est dans le regard franc d’une biche, Que commence son périple, Et du voyage, elle connut Atlantide ; Depuis les yeux de Neptune et Jupiter, Le ciel devenait une danse, Quel est donc ce Mystère, Une folle arche sertie de semences ? Quand son âme éveillée les écoutes, Elle tremble de quitter ces blancs chevaliers. C’est ainsi qu’une main bienveillante, La tient sans jamais défaillir : Au loin, veille Pluton. L’accueil, certes, d’une autre rive, Voici que s’épanchent les constellations, Et d’une oraison à l’autre, Je vis la Dame s’élever puis revenir, Pérégrination qui dura une seconde, Alors qu’elle lui sembla éternelle, C’est là que s’accomplit la merveille, Entrebâillement d’un autre monde, Dans les entrelacs d’un battant.
Laisse-moi te dire ce secret, Car Amour m’a parlé, Laisse-moi te faire le récit, Que les anges même jalousent, Aux frondaisons des étoiles, Les constellations pâlissent, Devant mon âpre constance. Laisse-moi rire de la tiédeur, Celles de certains passants, Car Amour m’a visitée, Et me serre si fort, Au nœud de ma lune, Enchaînée par les saveurs, D’une goutte de son or ; Mais vois-tu, Des années nous séparent, Des mondes, depuis la naissance, Car Amour m’enseigne. Il rend vivant un désert, Fait couler les rivières, Démonter les mers. Laisse-moi donc te conter L’ivresse de notre séparation, Les joies de notre union, Les appels de notre tourmente, Le feu de notre abîme, La déchirure de nos nuits, Les journées de notre attente. Oh ! laisse-moi te clamer le silence, Qu’un seul instant trahit. Oh ! laisse-moi dire ce que le cœur recèle, Comme il se languit ! Mais ne sois pas injuste, Ô Aimé ! Car Amour m’a saisie.
Il aima porter loin la douceur exquise des vins d’un arbre intérieur et depuis des écorces vives surgissaient des feuillets sublimes tandis que le chemin traçait les profonds sillons d’une terre ancienne et les nuages volaient dans la proximité du cœur. Il prit une sorte d’enclume, mais l’outil appelait son violent marteau, alors, il jeta un regard furtif sur les sculptures de l’émouvante saison et s’empara plutôt d’une plume dont il trempa la pointe au milieu d’un bassin aux couleurs argentées. Il en fit du mercure, puis une ambre devint son livre. Il se mit à chanter, car le chemin formait soudain une roseraie, la pointe d’un Lotus, le chant d’un diamant. Mais il ne s’en tint pas là, car, il comprenait, depuis les brumes balbutiantes de son langage, qu’ainsi son esprit se raffinait. Il en vint à jeter la plume et l’encrier, car tout s’unissait en une seule larme, et de là, il vit poindre une folle herbe, une nervure instable, tandis que le vent soufflait. Il se pencha et de ses deux mains burinées, il forma un écrin protecteur. L’herbe sauvage se transforma en une plante plus vivace, tandis que son cœur était ivre. Il s’émut, car, la délicatesse de cette sage semence lui révélait à chaque étape d’indicibles secrets. Je ne puis vous faire plus récit déployé, car à l’image d’une graine, le semeur est conquis. Il contemple et se tait.