Photo de l’auteure, Bizerte (Tunisie), 13 avril 2024
Très cher ami,
Il est tentant, par moment, de venir vous saluer par le biais de l’écriture et de rendre public, comme un libre témoignage nécessaire, imposé mais subtil, et cela dans le but d’être à la fois très proche, et à la fois « ailleurs », notre profonde et chère amitié, notre indubitable complicité. Ne me me demandez pas pourquoi je procède de la sorte. Sans doute, il n’est aucun « pourquoi ». Je sais que vous reconnaîtrez mes mots et que vous les ferez vôtres. Je chéris silencieusement notre lien. Il me semble qu’il n’est pas de ce monde. D’ailleurs, notre jardin est celui de l’esprit, de la confidence, de la douceur et de l’harmonie.
J’ai aimé marcher jusqu’aux recoins les plus reculés de l’âme, les pas de l’enchantement, la douceur de tout laisser, à l’image de Loth, sans se retourner, vivant le voyage de l’intériorité. Mais sais-tu ce qu’une seconde peut offrir au sein du périple ? J’ai aimé que les ruisseaux puisent à mes yeux la douceur d’une roche éclose. Les mains agissent, le corps se meut, mais jamais rien n’égalera l’effusion enfin réunis des deux mondes. Les murs parlent à la lueur de ton regard ; la petite araignée se plie à la faveur d’une rencontre ; l’oiseau de l’aube prononce un mot ou deux et te voilà à lui répondre. Certaines robes suspendues se transforment en gardiennes, et tu les vois te rendre ton regard. Le pinceau trace une arabesque et voilà que naissent des buissons.
Si le temps ne s’effaçait, Et si l’espace ne s’étendait, Il n’y aurait aucun lieu.
Quand celui-ci vint à parler, il révéla le lieu et le non-lieu. Quand le temps cessa son activité, le souffle devint réel. Vois-tu comme cela est éloquent ?
Il trancha une goutte d’eau ; Jaillirent mille océans ; Je ris encore.
Aux clapotis de l’eau, je vis son sourire et je me mis à écouter la cordée de vie. Il vivifie !Comme Il vivifie, au son de la pierre, des montagnes, des essences de l’eau, au goût du soleil, des brassées de cœur, et toi, écoute donc la palpitation des assemblées, les bestiaux, les animaux, puis du coquelicot !Peut-être y trouveras-tu une phrase !
Les yeux éclos, Fil blanc de l’aube, Firmament si proche.
Il n’est ni temps, ni hors-temps, ni rêve, au cœur qui boit. Tandis que les vagues se superposent, la mouette me transmet des nouvelles. Je la salue ; l’écume du vent consolateur.
Il fallut le temps des gestes. Les longues promenades et l’adolescence comme florescence. Il fallut les gestes du temps, le regard rivé sur une prison gantée de blanc. Il fallut les mains sous l’eau, caressant les assiettes et les couverts. Il fallut le froid du matin et les draps au vent. Il fallut du temps avant de saisir le geste de l’amitié et la découverte étrange des bourgeons. Il fallut le temps du silence alors que les champs frémissent sous les premiers rayons du jour. Il fallut beaucoup de temps pour entrer dans le temps des gestes. Chacun renvoyait aux battements du cœur. Il fallut beaucoup de temps pour être en accord avec les gestes. Il fallut déployer les paumes et chérir leur nacre saisissant. Il fallut beaucoup de temps pour comprendre. Les soleils des saisons et les lunes à foison. La rondeur du temps, l’acuité des mots, le corps immobile, le regard baissé et la marche au sein des sons, l’ouverture d’une voie, le regard du cœur dans l’invisible mouvant.
Où il est question d’une voix, corde sensible d’une cavité, élévation d’un Yang et Yin, lumière, flamme enflammée des tensions du Tout-Possible. Où il est question de la cessation de toute activité au sein de l’Invariable Milieu.Oh ! ta voix telle une flèche en plein cœur !
Là où j’étais, brise devant, braise en effervescence, flamme juteuse, donnant au cœur, le suc d’une bouche, l’haleine de Ton aura, le souffle du Tout Commencement ; là où j’étais, était le brise-temps, la suspension volcanique, le maître de séance, rougeoiement de vie ; là où j’étais, la concentration, dépouillement de l’instant, la seule présence, le Silence, l’acuité, le jus, Ô Jus ! Là où j’étais, je suis ; à la mort, comme éveillée, appelant, appelée, tourbillon de cri, jeté sur les flancs d’une montagne et le ciel qui lance Ses Bras. Ô Ciel, l’étreinte d’une puissance, centrée, centrée, toujours plus centrée et non la mort, mais l’Amour, pur Jus ; le Nectar de Délivrance. Ici ! Mon Amour. A la Présence, l’Arrêt ! Marcher sans marcher. Elévation bouillonnante mais sereine. L’Arrêt ! Sublimité du Secret ! Le temps s’est plié à l’atemporalité. Le seul moment vrai, celui de l’Arrêt, l’apnée et, qui danse ?
Où il est question de certains mondes de l’esprit, de la légèreté des corps, des réalités d’une ascension, des termes voilés de connaissances alchimiques et les mots deviennent incantation, source de vie, fusion et contemplation.Où il est question de l’abandon de tout ce qui est connu et inconnu.Saveur sublime d’un cœur qui se nourrit aux sèves ancestrales de ce qui semble être perdu.Mais, l’est-ce vraiment ?
En ce monde, il était un corps et il n’en était pas. Cela tenait du prodige. En ce monde, il était une parole, et aussi un silence. Mais, tous deux formaient une véritable cohésion. Silence marchait avec parole et se tuteurisaient mutuellement, ayant connu le point de rencontre. Ils se comprenaient. En ce monde, il n’y avait ni terre, ni ciel, ni mer, ni air, ni feu, ni éther. Pourtant, chacun se révélait en une étrange et fascinante ronde. Tantôt, un être étonnamment petit, aussi petit qu’un pouce, conjuguait dextérité et délicatesse et s’embrasait d’un sentier qui devenait étroit et aussi large qu’un mirifique océan, et tantôt, au sein d’un cercle premier, se mêlaient, s’unifiaient les éléments et ils ouvraient les perceptions de l’au-delà. Les lettres, les mots, les phrases s’intensifiaient et devenaient le son absolu des réalités contemplatives. Oh ! s’exclamait un univers éclos ! Oh ! fallait-il être encore sérieux ? La légèreté s’installe devant ces perceptions. Le cœur est devenu le Miroir et là, apparaissent d’autres univers. En ces absences renouvelées, l’esprit côtoie ce qui vient après. Telle la Verticale qui se tisse d’un ciel, aux sept terres, le chemin rejoint l’Amour. L’Amour ? Les cellules célestes d’un corps qui s’unissent et dansent, là-haut, par l’échelle de la conscience. l’Ether ! l’Ether ! C’est là, que de nouveau, le corps renaît et parle, après le long silence du mûrissement embryonnaire. La Verticale ! Oh ! la Verticale ! Pureté des unités du Ciel retrouvé. Ici, tremble le jour, tandis que la nuit est une douce lune, qui patiemment jette l’ancre du Silence dans un cœur éperdu.
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Peinture de JACEK SZYNKARCZUK ~ GATE OF TIMELESSNESS