Insigne

Insignes étreintes,
De mémoire de pluie,
Rive de notre révérence soumise,
De grâce et d’implicite,
Insignes instants,
D’eau gorgée de surprenantes questions ;
Les délicates dentelles,
Infimes dans l’arc-en-ciel,
Que boit un horizon.
Eurythmie du luminaire,
Au diapason crépusculaire,
Insigne bonheur,
Le tison d’un tremblant cœur,
Deux mains qui glissent,
De palpables douceurs,
Sur la terre promise,
Et la beauté nullement ne brise,
Mais par la lenteur acquise,
S’enchante de l’indéfini,
Perpétuel être,
Toi m’as suffi,
Et c’est ici,
Dans le miroitement de notre félicité,
Les luxuriances réponses,
D’une divine beauté,
Sans qu’aucune inconvenance,
Pèse sur ce qui s’énonce,
Plume qui se pose,
D’insignes insignifiances
Sur la jetée qu’écume en silence
Le rouge d’une fleur.

Musicien 音樂家

Je rencontrai le musicien assis sur le sol défriché de son âme. Il chantait la solitude de quelques vieux refrains venus d’Orient. Je le rejoignis en silence.

Jamais ne me quitte, Ô voix !
Comme tu perces mon cœur transi,
J’ai marché longtemps jusqu’à toi,
Eperdue de nuit,
Comment puis-je te quitter alors ?
Sur les versants fleuris du passé
La neige danse encore,
Jamais ne me quitte, Ô voix !
L’éternité parle de ma langueur,
Qu’as-tu fait de moi ?

L’indifférence 漠不關心 (Mòbùguānxīn)

La vie s’empara de l’être
Puis ondoya
Dans les impalpables
Quand de la pensée
L’insoutenable
S’empressa d’apparaître
Le maître m’enseigna
Jusqu’aux confins des ténèbres
Il m’emmena
Puis dans les abysses
Il étreignit l’innommable
Juqu’au parachèvement
Quand des étoiles
Surgit l’enchantement
Poursuivi par l’inlassable
Prédiction
Et l’on vint par deux
Puis par quatre

Dans la cité
Sans que rien n’attente à son âme
Elle perçut les horizons
Éclaboussa les rivages
Qu’un sable fin
Caressa
Je vis sur le front d’un homme
Une goutte suave
Des gemmes d’un pur éclat
Il étendit le rivage
Jusqu’au jour tremblant
Puis ramena le large
Serti d’améthystes sauvages
Et inonda de mille sources

L’obscurité de nos regards
Quand des rêves venus de nos nuages
Il peint le bleu de nos corps
J’entendis le cri
Qui bouscula la raison
Et hagards
Les uns et les autres
Avaient perdu le flambeau
Des dernières vagues
Quand les corps ensevelies
S’étourdissaient
Des mondes de l’indifférence.
Était-ce la folie ?

Les quatre saisons 四個季節 (Sì gè jìjié)

Je t’ai attendu sans t’attendre,
J’ai marché sans bruit,
Refaisant la nuit,
Comme on refait la vie.
J’ai soupiré l’églantine,
La rose et le réséda,*
Les fièvres du mimosa,
Les spasmes du lilas,
Les fleurs de l’oranger,
Les feuilles de l’olivier,
J’ai respiré les sempiternels
Pétales qu’une neige au cœur feutré

Est venue réanimer.
J’ai bercé l’enfant,
J’ai crié sauvage la délivrance.
J’ai porté l’âme à mon âme,
J’ai couru à l’aube de ton corps,
Puis j’ai semé les douceurs,
Que partage ton printemps.
J’ai souri et même mes pleurs
Sont devenus les ruisseaux de ma joie
J’ai brûlé mille fois,
Dans les gouffres du monde,

Puis j’ai quitté l’automne,
Avant que les douze coups ne sonnent,
Dans l’hiver qui me reste,
J’ai vu de nouveau le printemps
Il portait la couronne
Sur les cimes du grand silence,
Puis le chant devint permanent.
Tout avait lissé la campagne,
Le désert,
Les flux de l’océan,
L’écorce du noyau,
S’était fendu
:
La fleur se souvint,
Se gorgea de désir
Le vent dansa,
Dans l’effluve de sa lumière.
Je vins
Te pris les mains.
Viens,
Mon souvenir,
Mon devenir,
Les lucioles du chemin,
Les brises du jeu au souffle ardent,
Quand la paix est le cœur en paix,
Viens !
Je t’aime sans discontinuité
Je t’aime dans le vent léger du retour
Jamais je n’oublie
Je viens quand tu viens et je veux m’évanouir.




*Allusion au magnifique poème de Louis Aragon, La Rose et Le Réséda

Je te vois toujours 我仍然看到你

Tous les pays traversés
Font tempête sage
Et Oripeaux
Sur la grève
Quand du gris
Sort mon fougueux rêve

Plis de l’hiver
Cette heure
Celle qui n’en finit pas
Je te revois
Celui qui vient vers moi

L‘arbre te tend les bras
Je te vois toujours
Le cœur comme la boussole
Du doux trépas
Vif mon amour
Dans la seconde même
Et les feuilles valsent
L’instant à tes lèvres
Songe de notre regard.