L’étoile

Si j’avais été une étoile,
Sans doute serais-je née, il y a fort longtemps,
Et pour descendre tel un soleil,
Je me serais parée de nos cheveux d’argents.
Si j’avais été une brillante étoile,
J’aurais animé de nos remous le ciel,
Fusionnée dans le vaste gouffre de mes affres,
Evanouie dans son intense regard,
Eteinte dans l’océan de mon chaos,
Dissoute dans l’extinction de notre union,
Puis, tremblante des vains mots.
Si j’avais seulement été son étoile,
Au coucher des deux pôles,
J’aurais mis en ébullition l’espace,
Vêtue de mes haillons,
Affranchi lacs et montagnes,
Cime de mes nuits sublunaires,
Les sables de mes cristaux de larmes,
Mes appels dans l’ombre crépusculaire,
Ondes d’une singulière mise à terre,
Indifférent joug de notre resplendissance,
Trépassant encore sous ses pas,
Transpirant de mille et un éclats,
Des lumières d’une aurore clémente,
Pleurant l’anneau de notre mariage,
Froid boréal d’un étonnant voyage,
Jusqu’au grand Nord, l’éternel Amour,
Jusqu’aux blancheurs de nos jours.

Sur les ailes blanches

Peinture de Frederic Leighton

Sur les ailes blanches de mon Aimé,
Le ciel s’est effacé,
Tout comme l’hirondelle,
Sur la pointe écumeuse d’un océan,
Vague suave d’un aimant,
Et au bruissement que fit une ombelle,
Je renouvelais mon serment ;
L’ombre s’éclaira au firmament,
Et le temps d’un souffle,
Je fus certes conquise,
Evanouie à chaque instant.
Vision féconde est exquise,
C’est ainsi que cognent, à la porte de l’inconnu,
Les élans d’un puissant rayonnement,
Les geste, Oh combien souples,
Mêlant vaillance au sein d’un tourbillon.
Lors que le jour devient un verbe éloquent,
Je bois sans fin au soleil d’une Vestale ;
C’est ainsi que resplendit la douce brise,
Dans les tréfonds des pulsions d’un cristal.
Comprenne qui pourra,
J’aime d’être partie sans revenir,
Et bien que je marche seule, étrange ?
Contemplant chaque interstice,
Si je reviens, c’est bien d’avoir suivi un ange.
L’infime côtoie le grand,
Et comment voir, Oh comment voir ?
Par le trouble d’un éloquent zénith,
Alors que trône irrévocable,
Le seul sacrifice.
Ne rien prendre de ce monde,
Goûter à peine à l’offrande,
Vivre, puis, ce pont franchir,
Pour que demeure le cœur en laitance,
Jaillissant, Ô Volans !
Tandis que de l’âme, un océan est à surgir.
C’est dans le regard franc d’une biche,
Que commence son périple,
Et du voyage, elle connut Atlantide ;
Depuis les yeux de Neptune et Jupiter,
Le ciel devenait une danse,
Quel est donc ce Mystère,
Une folle arche sertie de semences ?
Quand son âme éveillée les écoutes,
Elle tremble de quitter ces blancs chevaliers.
C’est ainsi qu’une main bienveillante,
La tient sans jamais défaillir :
Au loin, veille Pluton.
L’accueil, certes, d’une autre rive,
Voici que s’épanchent les constellations,
Et d’une oraison à l’autre,
Je vis la Dame s’élever puis revenir,
Pérégrination qui dura une seconde,
Alors qu’elle lui sembla éternelle,
C’est là que s’accomplit la merveille,
Entrebâillement d’un autre monde,
Dans les entrelacs d’un battant.

Goutte d’Or

Laisse-moi te dire ce secret,
Car Amour m’a parlé,
Laisse-moi te faire le récit,
Que les anges même jalousent,
Aux frondaisons des étoiles,
Les constellations pâlissent,
Devant mon âpre constance.
Laisse-moi rire de la tiédeur,
Celles de certains passants,
Car Amour m’a visitée,
Et me serre si fort,
Au nœud de ma lune,
Enchaînée par les saveurs,
D’une goutte de son or ;
Mais vois-tu,
Des années nous séparent,
Des mondes, depuis la naissance,
Car Amour m’enseigne.
Il rend vivant un désert,
Fait couler les rivières,
Démonter les mers.
Laisse-moi donc te conter
L’ivresse de notre séparation,
Les joies de notre union,
Les appels de notre tourmente,
Le feu de notre abîme,
La déchirure de nos nuits,
Les journées de notre attente.
Oh ! laisse-moi te clamer le silence,
Qu’un seul instant trahit.
Oh ! laisse-moi dire ce que le cœur recèle,
Comme il se languit !
Mais ne sois pas injuste, Ô Aimé !
Car Amour m’a saisie.

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Peinture de Philip Hermogenes Calderon

Cher ami

De la crudité d’une vie sur terre,
Je n’ai pas eu peur, mon cher ami,
D’avoir marché sur les sentiers,
D’avoir entendu le vol d’un épervier,
Je n’ai pas eu peur, mon cher ami,
Lorsque le soleil pleurait des larmes chaudes,
Que les hirondelles s’envolaient vers le sud,
Que nos sangs bouillonnaient sur les touches d’un clavier,
Je n’ai pas eu peur, mon cher ami,
D’avoir bu le matin des prières,
Des parfums de notre légèreté,
Que les passereaux valsent au-dessus de la ville,
Je n’ai pas eu peur, Ô cher ami,
Et je n’étais ni un homme ni une femme,
Puisque je m’étais défaite des vétustés,
Je courais et le vent m’emportait,
Je n’ai pas eu peur, Ô mon ami,
Le cœur juteux et libre d’aimer,
Je partirai dans la joie et je rirai à ma mort,
De cette crudité, en passant par le rêve,
Je me suis amusée ;
Je n’étais plus une femme, je n’étais plus un homme,
Les ailes d’une âme n’ont pas de couleur,
L’esprit s’est détaché du monde entier,
Le cœur ivre, loin de la prison des hommes,
Je n’ai pas eu peur, je n’ai pas eu peur,
Dévalant sur le sentier escarpé,
Te retrouvant dans nos poèmes entremêlés
Qu’une existence entière nous a rapporté,
Et m’en suis étonnée, m’en suis étonnée…

Défi

La joie est le propre du défi,
Paroles du bien-aimé,
Ont ri de l’absurde,
Alors tout disparait,
Telle est la réponse définitive,
Et mille bruits ne sauraient nous nuire,
Et mille autres encore n’y pourraient suffire.
De tout l’amour que j’ai pour toi
Je n’enlèverai aucun point,
Ni même la moindre virgule,
Car si la joie conquiert,
Les montagnes se soulèvent.

Je reviens

Quand la patience a le goût de la nuit,
Quand le jour a la fièvre de notre patience,
Les préambules à la volée,
Font chanter l’alouette,
Secret des buissons,
Et que le vent m’emporte,
Durant la longue marche,
Vers l’étrange horizon,
Que tous mes soupirs,
Au souffle lent de mes pas,
Quand flottent les récits,
Que confisquent nos lignes imparfaites,
Je reviens, je reviens…

Le châle

Portrait de Thomas Gainsborough, Angleterre

J’ai coupé le laurier,
Arrondi la lavande,
Soupiré devant la sauge,
Adouci le romarin,
Effeuillée d’automne fugace,
Un instant bleuie par la montagne,
Quelques morsures involontaires,
Sur la chaste bruyère,
D’une vérité qui m’enlace,
Sans encombrantes treillis,
Je marche seule,
A la lune ombrage,
Quand tremble le murmure,
La solitude m’attrape,
Le châle d’une promenade.

Le froid

Au début, le froid nous surprend,
Au midi de son gel qui fleurit,
Le ciel n’a pas d’ombrage,
Mais le froid ravit la nuit,
Et c’est toute la ville qui s’évanouit,
Dans le silence qui pétrifie.
Puis il bourdonne et m’échappe,
Je n’ai pu déceler son sourire
Quelque part, s’est-il enfui ?

Marronnier

Sers-nous fort ce matin frileux,
Encercle-nous de montagnes fantomatiques,
Quand vient se déverser l’écume d’un ciel bleu,
Viens donc et nous prends pour toujours
Au centre du regard énigmatique,
Libère de légèreté les ailes de l’oiseau,
Quand du brisement d’un rayon,
Le marronnier nous attend avec amour.
Frémit l’effeuillement des frondaisons,
Du clair-obscur des vibrantes parures,
Le doux murmure aux battements du cœur,
Sans peine ni langueur ; être.
Je redescends des côteaux avec lenteur.
La ville s’éveille des gisements de la veille.
Vois-tu les serins éclore des vents marins ?

Automne

J’ai cueilli la lavande.
Sens-tu comme le romarin vif,
Au cœur de mon cœur,
L’aubépine rouge,
A le goût du givre ?
J’ai souri à la rose-thé,
Parfum de solitude,
Les bras chargés de soleil,
Aux confins de la plénitude :
Même souffrir a le jus du groseille
Entre nos mains semées d’émerveille.