Hérésie 異端 (Yìduān)

Du burin des estropiés
Des roches calcinées
Des éventrements charriés
Des puanteurs venues du fiel vengeur
Des meurtrissures équivoques
Du pompeux à l’obscur
Des ravins sinueux et glauques
Quand la gloire est un pourrissement
Sur les enchevêtrements noueux
Des combinaisons purulentes

Des âmes dépravées
Dont la damnation évidente
Poursuit inlassablement
La vénale acidité,
Du heurt de l’amnésie,
Mais quand les temples
Deviennent l’hérésie
Alors annonce au monde
La fin immonde
Des tentacules de l’hypocrisie
Des veules supercheries
Et quand les cœurs mûrissent
Sous les vestiges de l’aspiration
Quelque part, il n’est plus de leurres
Et dans les ténèbres brillent
Les visages émaciés par les larmes
Quand de l’égoïsme charognard
S’inverse le sens et la lueur
Devient beaucoup plus qu’un espoir,
Le véritable bonheur.

L’indifférence 漠不關心 (Mòbùguānxīn)

La vie s’empara de l’être
Puis ondoya
Dans les impalpables
Quand de la pensée
L’insoutenable
S’empressa d’apparaître
Le maître m’enseigna
Jusqu’aux confins des ténèbres
Il m’emmena
Puis dans les abysses
Il étreignit l’innommable
Juqu’au parachèvement
Quand des étoiles
Surgit l’enchantement
Poursuivi par l’inlassable
Prédiction
Et l’on vint par deux
Puis par quatre

Dans la cité
Sans que rien n’attente à son âme
Elle perçut les horizons
Éclaboussa les rivages
Qu’un sable fin
Caressa
Je vis sur le front d’un homme
Une goutte suave
Des gemmes d’un pur éclat
Il étendit le rivage
Jusqu’au jour tremblant
Puis ramena le large
Serti d’améthystes sauvages
Et inonda de mille sources

L’obscurité de nos regards
Quand des rêves venus de nos nuages
Il peint le bleu de nos corps
J’entendis le cri
Qui bouscula la raison
Et hagards
Les uns et les autres
Avaient perdu le flambeau
Des dernières vagues
Quand les corps ensevelies
S’étourdissaient
Des mondes de l’indifférence.
Était-ce la folie ?

Correspondances XXIII

Cher,

Le sujet de la mort est bien souvent tabou dans nos sociétés. Pourtant, je considère que celui de la vie le devrait être au même titre. Si nous renversons les choses, nous comprenons que la vie est sacrée tout autant que la mort. Le fait même qu’aucun de nous n’échappe à cette vérité, nous convie légitimement à nous interroger là-dessus. A l’heure où je vous écris, je suis à même de vous confirmer que la mort ne me fait pas peur. Si nous la considérions comme une compagne, alors nous serions à nous familiariser tout simplement à sa réalité. J’écris bien réalité. J’entends par là, que de nous savoir mortels, devient étonnement, une source de guidée et d’orientation. La mort est la plus puissante des perspectives que contient la vie. La mort est une semence et celui qui a percé son secret rencontre en lui l’éternité. La mort est l’enfant qui se laisse vivre. Rappelez-vous, vous me disiez : vous mourrez une autre fois, et je vous souriais. Dans ce sourire, je vous exprimais tout ce que des mots ne peuvent réellement traduire. Il faut sans doute une vie entière pour parler de la mort. C’est un fait avéré : la mort est une compagne fidèle. Lorsqu’elle vous confie son mystère, vous restez hébété et vous naissez au nouveau monde qu’elle vous offre, alors que vous ne savez plus rien. Je sus que la mort était l’âme. Celle-ci est contenue bel et bien dans la mort. Celle-ci vous la révèle et vous parle. Dans ce sourire, j’étais à vous dire que j’étais déjà morte. Je vous disais aussi que cette troublante réalité est, de fait, une promesse, et non pas une condamnation comme nous sommes à l’envisager le plus souvent, puisqu’elle éclaire chacun de nos moments qui nous font acte de présence. Alors, nous sourions et nous vivons, car nous sommes reliés à notre semence.

Bien à vous,

B.

Les quatre saisons 四個季節 (Sì gè jìjié)

Je t’ai attendu sans t’attendre,
J’ai marché sans bruit,
Refaisant la nuit,
Comme on refait la vie.
J’ai soupiré l’églantine,
La rose et le réséda,*
Les fièvres du mimosa,
Les spasmes du lilas,
Les fleurs de l’oranger,
Les feuilles de l’olivier,
J’ai respiré les sempiternels
Pétales qu’une neige au cœur feutré

Est venue réanimer.
J’ai bercé l’enfant,
J’ai crié sauvage la délivrance.
J’ai porté l’âme à mon âme,
J’ai couru à l’aube de ton corps,
Puis j’ai semé les douceurs,
Que partage ton printemps.
J’ai souri et même mes pleurs
Sont devenus les ruisseaux de ma joie
J’ai brûlé mille fois,
Dans les gouffres du monde,

Puis j’ai quitté l’automne,
Avant que les douze coups ne sonnent,
Dans l’hiver qui me reste,
J’ai vu de nouveau le printemps
Il portait la couronne
Sur les cimes du grand silence,
Puis le chant devint permanent.
Tout avait lissé la campagne,
Le désert,
Les flux de l’océan,
L’écorce du noyau,
S’était fendu
:
La fleur se souvint,
Se gorgea de désir
Le vent dansa,
Dans l’effluve de sa lumière.
Je vins
Te pris les mains.
Viens,
Mon souvenir,
Mon devenir,
Les lucioles du chemin,
Les brises du jeu au souffle ardent,
Quand la paix est le cœur en paix,
Viens !
Je t’aime sans discontinuité
Je t’aime dans le vent léger du retour
Jamais je n’oublie
Je viens quand tu viens et je veux m’évanouir.




*Allusion au magnifique poème de Louis Aragon, La Rose et Le Réséda

Bien faire

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Bien faire, bien lire, bien prendre le temps, sans s’essouffler, parce que c’est impossible de bien faire dans la quantité, parce que lorsque je m’en vais vous lire, j’aime vous rencontrer, dans la douceur du temps, quand l’eau coule sans tourbillon, parce que la vie est faite de cet unique instant, vous voir, vous sentir, comme le plus beau moment. Comment font-ils ceux qui posent un « j’aime » partout, le vivent-ils vraiment ? Ont-ils ce temps de la présence et de la cohérence ? Je vous confie que cela m’échappe totalement et que je ne suis pas en mesure de tous vous lire d’un bloc. Je préfère quelques rencontres, par intervalles, et être dans ce beau moment, comme se posant dans le secret de votre jardin. Je préfère à la quantité, cette possibilité de vous dire, je vis, je vous vis, à la mesure de votre réalité, écoutant ce que vous venez dire et vous le dire dans la magie de la présence. Il faut ce temps pour être l’humanité qui dit « bonjour », mais aussi qui fait quelques pas dans la vie, un soir d’hiver, en écoutant ce qui vient à passer. Merci.

Béatrice, le 25/01/2020

Le lapin

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Quand glissent les mots,
Il n’est plus aucun sursaut.
Sur le givre, j’ai posé mes mains.
J’ai fait deux ou trois pas avec entrain,
Puis j’ai ri au vent marin.
Monsieur le lapin est un farceur,
Mais il porte une robe plutôt blanche.
Quand je sème du foin,
Il revient.
Mais quand c’est de la luzerne,
Il ne comprend rien.
J’ai planté ma lanterne,
Comme on plante du romarin.
Et si de la roche surgit un chemin,
Je continue jusqu’au matin.
Ne riez pas !
Ceci est le saut d’un lapin.
Il n’a pas ouvert encore la besace,
Mais il va bon train.

Liang 亮

Bonne année Xīnnián hǎo 新年快樂

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Pendant près de quinze jours, avec Māmā, la maison était passée au crible. On avait sorti tous les ustensiles ménagers, marmites, casseroles et poêles ; les armoires avaient été vidées, nettoyées ; le linge lavé et séché, puis plié dans les petites malles et commodes qui étaient réservées à cet effet. C’est à quatre pattes qu’elle lavait le sol après l’avoir épousseté à l’aide d’un petit balai. Petit frère patientait devant tout ce remue-ménage et parfois, quand le soleil apparaissait au milieu des nuages, elle se donnait un temps de récréation et le faisait courir dans le pré en face de la maison. Tout le monde riait. Le village était en émulation. On suspendait les lanternes rouges ; on tendait des guirlandes en papier de même couleur. Le rouge prédominait partout. Maintenant, la maison respirait le bon, le frais. Quelque chose de léger flottait dans l’air. Zǔfù et Zǔmǔ avaient préparé les offrandes que l’on plaçait dans une assiette creuse. De l’encens brûlait sur le petit autel. La jeune fille avait découpé de jolis motifs qu’elle avait collé sur la fenêtre du salon. Le soir, elle racontait des vieilles légendes et Petit frère jetait la couverture sur son visage et se cachait sous le moelleux du lit. Alors, elle se mettait à le chatouiller et Māmā lui disait d’arrêter, parce qu’il sera trop excité pour dormir. Bientôt, le grand jour arriverait et la cérémonie serait joyeuse. La famille irait au temple et prononcerait ses vœux pour la nouvelle année. La nuit aura entendu les pétards et un repas serait servi avec joie, car la joie accueille la joie. Mais, la jeune fille avait le cœur serré et secrètement ses pensées s’étaient envolées jusqu’à Pékin, là, où Liang étudiait. Pensait-il encore à sa bonne amie, ou bien l’avait-il définitivement oubliée, noyé qu’il était dans la capitale ? Ô Liang, je fais semblant de rire. Est-ce mal ? Si tu n’es pas là, que m’importe que L’Empereur de Jade en personne entre dans la maison.

Je te vois toujours 我仍然看到你

Tous les pays traversés
Font tempête sage
Et Oripeaux
Sur la grève
Quand du gris
Sort mon fougueux rêve

Plis de l’hiver
Cette heure
Celle qui n’en finit pas
Je te revois
Celui qui vient vers moi

L‘arbre te tend les bras
Je te vois toujours
Le cœur comme la boussole
Du doux trépas
Vif mon amour
Dans la seconde même
Et les feuilles valsent
L’instant à tes lèvres
Songe de notre regard.