L’autre monde

Tu vins depuis un autre monde, et tout de toi me le disait. Nous chantions des volutes de regards et je penchais la tête, si près de ton épaule, tandis que s’évanouissaient les rivages. Tu vins depuis la densité des prairies, et j’écoutais ta voix, hissée jusqu’aux arbres, car d’eux nous fûmes traversés par les brises venues des pays lointains. Les branches devenaient des mâts et des cordes, les voiles d’un navire voguant sur un océan aimanté. J’aimais te déclamer les verbes de l’azurée et tu lisais, oui tu lisais dans le silence qui frémissait de ta voix grave, et nous dansions, ivres, oui nous dansions, entrelacés par le chêne et le platane. Bénis soient ces jours ! Tu vins, Ô étranger, tu vins et le monde s’effaçait tandis que l’univers nous accueillait avec les bras de Cassiopée. Nous remontâmes les déluges, et nous visitâmes les corps célestes. Nous dépassâmes la Terre, le Soleil et la Lune. Nous vîmes les planètes s’aligner en une ronde et nous les saluâmes, tandis que dans la Paume Divine, le monde se tenait en un minuscule point. Le jardin était un autre jardin. Ta lumière inondait l’aurore de mon âme et je découvris une autre Terre, un Eden subtil, une efflorescence d’un vert rayonnant. Les cascades ressemblaient aux cascades, mais, ce n’était pas les cascades. L’eau ruisselait telle une multitude de soleils fondus dans une effusion crépitante de joie.

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Je Te salue, Divin Joyau

Namaskar !

Il avait broyé son âme,
L’avait maintenue dans le noir océan,
Le fracas des pluies déversées sur le cœur,
L’avait broyée durant des heures,
Que dis-je !
Elle avait manqué de souffle,
Il lui tenait la tête au creux des vagues,
Alors qu’elle ne se débattait plus,
Gisait dans le silence,
Les flots s’étaient tus,
Elle regardait les algues,
Elle respirait dans l’eau,
Il avait ri implacable,
Mais elle avait lâcher-prise,
Elle mourait lentement,
Le cœur vide,
Le sang, telle une flamme,
Puis, s’extasia soudain de la mort,
Déchiquetée sur les récifs,
Ramassa les lambeaux,
Il avait tourné le dos.
Sur les hauteurs,
Elle avait levé les bras,
S’était mise à rire,
Les oiseaux sur l’épaule,
C’était, il y a cent ans,
Mille ou plus,
Elle avait surgit de l’eau,
Posée et calme,
La vie était son arme,
La beauté, son flambeau,
La mort sa victoire,
Elle avait vu les assauts,
Des écueils, ces ourlets,
Elle avait confié aux arbres,
Ces soupirs exhalés,
Les peines démesurées
Mais, elle avait crié :
Tout être humain est un joyau !
En lui battent des réserves de Joie.

Namaskar ! Namasté ! Salut ! Salem !

Miroir 鏡子 (20)

L’autre bout du chemin

Le temps s’était figé, le souffle de la forêt, les arbres musqués, le mur de pierre, la clairière dont la vue nimbait le cœur d’un halo de lumière, les petites fleurs ramassées, le goût exquis des feuilles sur le sol, jonchées, le ciel entre deux branches, l’éternité du silence, le souvenir d’un autre souvenir qui nous saisissait et nous basculions dans nos larmes émerveillées, le cœur palpitait et l’Amour s’épanchait. Je L’ai découvert au détour d’une clairière, cet Amour sanglotant comme les pierres, je L’ai trouvé écartelant les arbres, la furtive silhouette d’une biche, le clairon d’un passant, mon corps sur la mousse, le ciel s’entrouvrant. Je L’ai trouvé ce souvenir jaillissant, m’étreignant jusqu’à suffocation. Je L’ai trouvé, à l’autre bout, venant me chercher. Elle était frêle, les yeux écarquillés, le monde valsant autour d’elle. Elle avait les cheveux longs jusqu’aux hanches, les pieds fluets, la robe flottant telle un parterre de lune, le regard étonné.

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Ces airs d’autrefois

Le cœur a toujours eu chaud,
Il avait mille pattes,
Il dansait,
Un air plein d’entrain,
Celui de mes ancêtres lointains,
Ne m’en veuillez pas,
Des airs de balalaïka,
Des couleurs sur les toits,
Le cœur a toujours eu ces sursauts,
Plus cela va vite,
Plus il est léger,
Et des plaines enneigées,
Quand nous dansions,
Avec mes trois bambins,
Nous faisions,
Kaline Kakaline,
Rions aux éclats,
Puis, je leur chantais,
Katioucha,
Sans oublier,
Dorogoï Dlinnoyou*,
Ne m’en veuillez pas,
L’âme slave,
Est remontée, d’un orient lointain,
La robe virevolte,
Et je ne sais pourquoi,
Je revois,
Nos épaules qui font ces entrelacs.

Vol

Ô ce vol, mon cœur,
Tu en as fait un voyage,
Cet indice que tu traces.

Serons-nous délivrés du rêve ? La joie ineffable d’une trêve et le couloir de nos pas, voici la lenteur du geste, le regard s’en va.

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Peinture de Federico Infante

Chaîne initiatrice

Nous avions jeté, aux flots, le vacarme de nos pensées et les rêveries interminables. Nous avions ficelé ces lots avec la corde de nos mots et nous avions oublié les choses que retenait notre mémoire. Assise au bord d’une falaise, nous laissâmes voguer notre esprit. Durant une longue période de notre vie, nous étudiâmes, telle une forcenée, ce qui nous façonna aussi, ce qui ébranla notre âme. Nous pourrions faire le récit d’un étrange moment, lorsque chaque herbe attirait notre attention, ou bien faire part du rire serti de rose, celui d’une Dame qui fut notre mère. Nous pourrions conter le récit réel et même imaginaire de ce que fut notre voyage. La lumière tamisée, les ombres de la cheminée, les flammes incandescentes. Nous pourrions vous raconter les paroles d’un sage, celui que fut notre père. Il avait le regard de ceux qui avaient plongé dans les plus grands précipices humains. Il avait cette façon de prendre votre main et de réchauffer votre âme. Il aimait plus que tout avoir un mot pour rire et chaque événement devenait une boutade. Nous riions jusqu’à en avoir les larmes aux yeux et la maisonnée resplendissait du feu intérieur.

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Paradis des Amants

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Dieu avait ouvert un Paradis aux Amants,
Avait déployé Ses paumes larges,
Le silence tremblant,
S’y posait transparent,
Cosmos de leur âme.
Dieu avait ouvert un espace,
Le cœur y flottait,
La vision d’une nuit étoilée,
Et le soleil arrêtait sa ronde,
Au-dessus de leur ombre.
Dieu avait ouvert une brèche,
Les Amants se consolaient,
Dans le vaste jardin des Cieux,
L’on voyait perler les branches d’un arbre,
L’ondée d’une pluie automnale,
Ils avaient étendu leurs mains,
Et chaque feuille avait bruissé,
Tandis que leur cœur palpitait.
Les Amants se connaissaient,
Dieu avait invité leur âme,
Le zéphyr les enveloppait,
Ils apprenaient la voix,
Ils entendaient le chant,
Submergés.
Dieu avait ouvert un monde,
Les Amants tournoyaient,
Le corps arrosé de rosées,
Et chaque suée devenait un jardin,
Les Amants élevaient leur regard,
Et la nuit leur parlait,
L’Eden, Terre lointaine,
Car des Amants, Dieu aima la douleur,
Le feu suave, l’écorchure de leur peine,
La Beauté de leur sincérité,
L’enlacement de leur cœur,
La poésie semée de mille fleurs,
Le miroir de leur brasier,
Il les tint dans le secret, à l’écart,
Baigna de douceur leur langueur,
Acheva d’élever leur âme,
Dans l’entremêlement de leur souffle,
Dieu réserva aux Amants l’effusion,
Le flottement d’un velours noir,
Les montagnes opales,
L’inspiré et l’expiré d’Amour.