
Ecoute le froissement,
Entre les mots,
Je m’y trouve en silence.
____
Illustration de Alexi Francis
Ecoute le froissement,
Entre les mots,
Je m’y trouve en silence.
____
Illustration de Alexi Francis
Dénoué de Glycines pourpres,
Elevé au-dessus d’un mur,
Echevelé de sentier.
Ne cesse jamais d’aller,
Quand même le Jardin deviendrait étroit,
Jusqu’à ce que ceci soit ton inexistant,
Et par lui,
Jusque cela soit ton anéantissement,
Au point culminant,
Quand ceci sera la pointe du jour,
Lors que le monde cessera,
Alors il sera enfin, ceci et cela.
Si tu me demandes, mon ami, si tu me demandes comment y parvenir, alors je te dirais : ne fraye pas avec ceux qui font commerce des mots, éloigne-toi de la renommée, éloigne-toi des flatteries. Reste avec ceux qui au mur de lumière n’ont rien devancé et demeurent muets.
____
Portrait médiéval de Lucien Victor Guirand de Scévola, 1900
La mouche se cogne à la vitre
Quelle est donc son opiniâtreté ?
Sait-elle qu’elle est enfermée ?
Le premier énonce,
Les ciselures d’une fougère,
Le chant d’un regard.
Comment voir l’autre,
Si le cœur cogne,
En sourdine sourde ?
____
Peinture de Anthony Cudahy
J’étais venue, mon ami, j’étais venue te déverser un flot venu des offrandes de la nuit, te parler de cet entretien, celui de ceux qui se font des confidences, mais, voilà, un vaurien est venu sur mon chemin. Il a frappé des pieds et des mains et je me suis mise à danser. Je ne sais ce qu’il fabrique. Sans doute a-t-il bu de ce vin, vois-tu ce vin qui parle et qui fulgure dans les poitrines et vient transpercer les résistances. Comment puis-je te dire ce que mon cœur entend ? Il faudrait que tu puisses t’asseoir à la table des festivités, et il faudrait que tu entres en connivence avec le monde de l’esprit. Il m’a enivrée et je n’ai plus aucun mot. Je suis la servante d’un fou, et comme je le suis en silence, son ombre s’efface. Le soleil se joue de nous et voilà que cet homme me mène par le bout du nez. Peut-être te parlerai-je tout à l’heure, quand ce fou m’aura lâchée.
Par les profondeurs d’un puits sans fin, lors que l’écume s’évade, qu’ai-je vu, Oh ! qu’ai-je vu ? Et par les profondeurs d’un puits sans fin, je suis devenue le voyageur, tandis que les dunes s’aplanissent et que les rivages forment des préludes, mais, mon ami, oui, toi, qu’as-tu fait de moi, alors que le puits s’ouvre telle la plus improbable des béances et qu’au milieu d’un jardin, j’ai découvert le secret, alors, te dis-je, si soufflent les vents des mondes, je suis encore en chemin. Se sont distillées les connaissances, telles des effluves qui tracent des lignes et j’ai vu un mendiant lire ces mots familiers jaillis de la présence éclose, lors que le cœur devient un luth et que chantent les jouvenceaux. Sais-tu comment l’on devient un homme, Ô Toi ? Je me suis assise sur le sable et j’écoute le poème lyrique de l’affamé. Il a le ventre rauque et les joues enflammées par l’esprit vif. De le voir, je ne sais plus rien, mais soudain, tel l’écho au loin, mon âme reconnaît ce qu’elle n’a jamais perdu.
Je ne suis pas poète,
Mais quelle déconvenue,
Cet appel du jour !
Je ne sais pas ce que cela veut dire et le lancinant crépuscule d’une virgule se met à tanguer entre deux flots. Voyez comme je m’amuse sans manquer de courtoisie. Ainsi est mon âme : défaisant les ourlets.
A mes veines s’écoule la bohême, et c’est ainsi que je vois le monde, dans la pupille d’un rêve. Je suis la bohémienne des cours délaissées, des jours impénétrables, des nuits interminables. Je suis le ricochet et l’éclaboussure. La poésie a fait de moi un ladre, un pourceau, un déchet et je m’appuie sur la paume du jour comme un capitaine tenant la barre de son navire. Je suis les flots de ma traversée et je bois à la giclée des ivresses de mon cœur. Je tangue sur l’océan et la lune fait de moi sa traitresse. Je la salue aux quatre vents, veillant sur les pages encore blanches de mon propre testament. Vas-tu bien finir par sortir de la troposphère et planer dans l’espace ébaubi ? D’une fièvre encore inlassable, je vogue sans destination, mais, là où je suis, je vois l’infini. Mes yeux s’y sont collés et mon âme aussi. Vous ne me croyez pas ? L’ivrogne est né un certain jour, et il est assis, tremblant encore d’avoir goûté au nectar d’un vin qui brise toutes les barrières. Il frémit, et tel un animal sauvage, il explore le ciel. C’est ici, et encore ici. La fêlure est grande. Son cœur a vu naître les autres sphères. N’a-t-il pas rompu alors les amarres ? Avale-t-il sans craindre les rafales, et toutes les infâmies du monde ? Il veille aux brulantes étoiles, scellant sa folie dans les nervures de chaque herbe. Il boit aux césures saisissantes des fines ciselures. Oui, le soleil danse par milliers, en floraison intense, dévalant les splendeurs du temps et de la vie.