Cuisson

Lors que le soleil se mit à parler,
J’entendis au loin les clameurs de l’aube ;
La lumière dansait dans la majesté.
Les larmes hébétées, le cœur sursaute.

La terre brune s’offrit sans fioriture,
Le soleil continuait son noble chant,
Et l’âme, malgré les grandes écorchures,
Souriait au vent, chantait en marchant.

Tu fis de moi un arbre, plaintive danse,
Un cœur à l’agonie, le triomphe incessant,
Les tourments devenus notre confidence,

Le goût d’un fruit mûri, la rose des champs ;
L’éclosion de mille cascades bourdonnantes :
L’Amour cuit et les veines sont bouillonnantes.

 

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Peinture de Robert Burnes

Miroir 鏡子

Rien ne nous appartient

Il s’était tracé un arc de cercle et celui-ci se prolongeait au-delà de lui-même. Il s’était conçu au milieu des oliviers rieurs. Nous étions enfin tous réunis et il nous semblait que nous n’avions jamais été séparés. La véritable féerie s’était manifestée lors d’un unanime et total abandon. Chacun, nous avions appris à ne plus résister face à la force vive de notre cœur. Ensuite, il était apparu une source en nous-mêmes et de cette prodigieuse source, l’eau s’était mise à bouillonner joyeusement. Une texture légère, effervescente et transparente tout à la fois, dansait. Il s’agissait du chant pur d’un parfait accord. L’eau jubilait. Elle débordait même, mais sans nuire. Nos cœurs avaient rencontré le point du basculement : nous n’avions plus rien. Tout autour, nous savions que cela ne nous appartenait pas. Nous étions simplement des hôtes et nous étions tous émerveillés de ce qu’il se passait. Nous étions affranchis de toute forme d’attache, tandis que nous étions à nous aimer aussi dans la plus extrême des nudités. L’Amour était l’être et il n’y avait aucune espèce de mélange dans celui-ci. Nous pleurions en secret parce que l’Amour était puissant. Nous nous mîmes à flotter au-dessus des eaux, alors que nous étions, sans conteste, devenus l’eau. Depuis les nuées, nous survolions des multitudes d’extraordinaires jardins. Pourtant, nous étions toujours assis en arc de cercle et lui se trouvait au centre. Il nous regardait et nous répondions à son regard avec la même intensité. Tout comme rien ne nous appartient, tout comme le soleil se lève chaque jour, nous étions au-delà même de la paix. Vivre ou mourir, tout nous était égal, puisque nous vivions l’Eternel.

Rêve d’un discours

Je fis ce rêve inégal, et tu me visitas.
Le bleu d’une étoffe flottait sur nos deux têtes ;
Tu vins en parlant longtemps ; cela m’étonna.
Es-tu à formuler au coucher cette requête ?

Je t’écoute et je me dis que ton cœur t’échappe.
Mais l’air bleu qui plane est chargé de ton discours.
Les âmes… mystère que la raison inadéquate
Ne peut percer sans briser son âpre parcourt.

J’ai marché sur un chemin semé d’embûches.
Quelle grâce d’avoir pu sortir de l’obscure nuit !
Ce long tunnel de vie, le grand préambule,

Mène, à n’en pas douter, au soleil de minuit,
Là où les terres touchent l’infinité du ciel.
C’est là que nos âmes émues se nourrissent de miel.

 


Peinture de Frank Street (1893 – 1944)

Man and Woman

I was not a woman, but I opened my eyes to this reality when I was born. Life was playing in me and I was playing in life. Sometimes, it was laughing pearls and sometimes a barely perceptible breath. How marvelous to discover a spirit that flies everywhere. The sun tasted like an amazing rose. When the rose shook the morning with its pearls of dew, the sky became a road traced towards the marvelous. I am a woman who likes to be a woman. I like to meet my brother, the side of my flesh, the companion of my soul. And I speak to him by addressing myself to all humanity, and I say to him : O my brother, you my complementary humanity, I love you ! You are the face of my soul, the reflection in a clear mirror.

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Je n’étais pas une femme, mais j’ai ouvert les yeux à cette réalité quand je suis née. La vie jouait en moi et je jouais en la vie. Parfois, c’était des perles rieuses et parfois un souffle à peine perceptible. Quelle merveille de découvrir l’esprit qui vole partout ! Le soleil avait le goût d’une incroyable rose. Quand la rose secouait le matin des perles de rosée, le ciel devenait un chemin tracé vers le merveilleux. Je suis une femme qui aime être une femme. J’aime rencontrer mon frère, le flanc de ma chair, le compagnon de mon âme. Et je lui parle en m’adressant à toute l’humanité, et je lui dis : Ô mon frère, toi mon humanité complémentaire, je t’aime ! Tu es le visage de mon âme, le reflet dans un miroir clair.

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Peinture de Hugh Goldwin Riviere (1882-1958)