Echo au manque

Si tu ne m’avais manqué,
Aurai-je cherché à te trouver ?
Aurais-je pu inventorier les étoiles
Et apprendre le chemin ?

Quelle sagesse dans le manque,
Et quelle sagesse dans le désir !
Une corde à la taille,
Le souvenir de toi.

Je t’aime de tous les présents,
De chaque instant de toi,
Le souffle de l’absence,
Brisé par notre émoi.

Lê Phổ (né le 2 août 1907 à Hà Đông et mort le 12 décembre 2001 à Paris)

Sauterelle

Petite pluie du cœur,
Demande au vent de porter un message,
Dis-lui de venir,
Les roses pleurent de blancheur.

La sauterelle me parle de la lune,
Le saule fait une révérence,
Tandis que les mots luisent,
Dans le ciel des étoiles.

Les nuages froissent une feuille,
J’y écris mille fois,
Des points de suspension,
Que je ne retiens pas.

Rive sauvage

Etourdi, un monde s’efface,
Et l’encre crier,
Sur les vagues,
Algues écumées.

L’inspir d’une seconde,
Tout semble basculer,
Plume d’un nuage,
La pluie étonnée.

Sertis de tes mots secrets,
Les yeux valsent,
Rive sauvage,
Je t’aime à me lier.

Edelweiss

La paix vient du lointain pays.
Un Roi marche,
Le cœur étrangement épris.
Quelle est donc sa rêverie ?

La paix l’enlace,
Ses genoux fléchissent,
Le monde glisse,
Une main le bénit.

Un Roi devenu sage,
Sur le flanc d’une montagne,
Son cœur edelweiss,
Caché dans un écrin.

Bain de lune

Nous naissons, bain de lune ;
Nous rions, soleil se baigne ;
Nous courons, vent d’amour :
Nous chantons, lumière s’éveille.

Nous avons mis du temps :
Parler est un souffle,
Cœur libéré,
Vit de rosée.

Nous vivons, fontaine de jouvence,
Léger, léger,
La voix, une fleur,
L’ai caressée.

 

Temps inaccompli

Dépassement, plus qu’un sursis.
Laisser le temps s’achever :
Déplissement d’un miroir
Au vol d’un nénuphar.

Il a froncé le sourcil,
Puis suivi la libellule,
Au-dessus d’un fil,
L’eau funambule.

Un mot et tout bascule
Pourtant, il est assis.
Je l’entends respirer,
Vent léger.

Maintenant, un seul jour

Hier, nous marchions,
Le sol nous répondait,
Et nous lançait des mots,
Que nous attrapions en jouant.

Les violettes exhalées,
Au milieu de l’herbe timide,
La pâquerette vigoureuse,
Et le crocus émerveillé.

Ce matin, nous lavions notre linge,
A la fontaine du soleil et du vent,
Les mains nimbées,
D’arabesques et d’eau douce.

Sage 明智

Fragments d’un épitre,
Le cœur sapience,
Fusion de l’atome,
Suc du soleil levant.

L’âme s’étonne,
Au réveil frémissant,
Du rougeoiement,
De l’ombre.

Je te prends de mes mains,
Comme l’enfant ruisselant,
L’amour, ce centre ;
Le sage nous enseigne.