La rencontre des lettres écloses
Ceci arriva, alors que le vent soufflait comme l’exquis Ami et nous traversait, par les sentiers, par les étoiles, notre chemin qui éclata de rire, qui déversa des poussières de milliers d’années et cela vint en nous incitant à faire ceci ou cela, ce que vous ne savez pas, quand le plafond des toits s’écroulent et que les yeux hagards nous voient. Ceci arriva, depuis une contrée lointaine, nous donnant à mettre le nez dans la terre et à sentir l’humus, le roussi des feuilles et à puiser jusque-là, ce que vous ne savez pas. Les habitants de l’infini m’ordonnèrent d’entrer dans la terre et de l’avaler jusqu’à trouver les dernières semences et les gens de la pluie célestielle m’ordonnèrent de fusionner avec la chair, avec le corps et je fus rassemblée sous les mains du Façonneur. J’obéis par Amour, et j’obéis encore par Amour. Je n’hésitai qu’une seule fois et toutes les autres furent des valses incessantes, tressant la vie avec le Tisserand. Il me dit : Regarde ! Et je me mis à voir ce que je n’avais jamais vu. J’entrai dans son étourdissant regard. Ce furent nos secrètes noces. Nous chantâmes comme au premier jour. La lumière devint des bras écrasant ma fierté et me fit entrer dans le silence. Et soudain, j’entendis le rire le plus cristallin qui soit. Le rire prit la forme d’un homme d’une beauté à vous couper le souffle. Il riait avec Amour et je fus saisie par cette effusion de Joie. Nous allons enfin nous connaître, me déclara-t-il, et je fus la plus heureuse des personnes que l’on puisse rencontrer. Je me perdais dans son regard et il me fit découvrir ce que l’on n’a jamais découvert jusqu’à présent. Ses yeux était un océan sans commencement ni fin. Les mots ne sont que les ombres d’autres mots, et les mots ont une écorce, tandis que les autres mots sont des lettres écloses.
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Illustration de Barbara Bargiggia