Aspirer

J’aspirais à Le voir,
Il venait et j’aspirais encore plus,
Je compris qu’Il était Le Seul à aspirer.

Le Désir de Lui était si fort qu’il ne pouvait trouver à s’incarner. Il était si puissant qu’il fallût Lui donner un Nom, le graver. Il se nomma. Le désir de Lui était si ardent qu’il fallût trouver un couloir. D’où venais-Tu ? Qui étais-Tu ? Comment m’unir à la force de Ton Appel ? Je pense beaucoup à Toi Siddhârta, et je pense à Toi David, et je pense aussi à Toi, Jésus, et je pense encore à Toi, Muhammad. Je suis entrée dans votre Royaume et la petite fille ose à peine respirer. Quel est donc l’Appel qui nous appelle et fait de nous des cœurs extasiés ? Voici que le peintre jette ses pinceaux, et que l’écolier abandonne son ardoise, et que le poète se met à courir dans les champs. Voici que la mère laisse son enfant, le menuisier déserte son atelier. Ah ! Que se passe-t-il pour que certains deviennent fous et d’autres soient ceux qui parlent et qui parlent, et parlent sans jamais s’arrêter ?

Miroir 鏡子 (26)

Subversion et corruption

Comme se désagrègent les rives, lors que mes pas longent les temps mémorables d’un segment !

Les mots s’entremêlaient et finissaient par se tordre dans les sillons d’une vie que l’on inversait, et que l’on inversait, et que l’on inversait. La subversion avait commencé depuis bien longtemps, s’insinuant dans les corps, au sein des cellules, dans les poitrines, jusque dans les pensées, les actes et les mots. Le cœur était malade. Le cœur saignait. Les hommes s’étaient acharnés – et l’on ne savait plus pourquoi – à tout corrompre, à tout détruire. Ils le faisaient par leur inertie, par leur ignorance, par leur lâcheté. Chaque jour, ils laissaient les tentacules de l’oubli se répandre partout, jusque dans leur souffle. Les hommes périssaient, la nature finissait par s’immoler, par se métamorphoser. Pourquoi ? Parce que la nature était liée à l’homme. Elle en était le poumon, le socle, les eaux fluviales, les veines, les cellules. Elle respirait avec lui. Elle inspirait aussi avec lui. La présence de l’homme à la réalité s’atrophiait. Si l’homme oubliait sa nature primordiale, le monde s’effritait. Il n’y avait plus de souches vivantes. Peu à peu, tout finissait par s’effondrer.

Lire la suite

Histoire de poissons

Je vous préviens : il s’agit d’une histoire vraie.

C’est très difficile de vivre dans un monde pareil.
C’est très difficile de rencontrer des êtres qui sont malades dans leur cœur.
C’est très difficile.
Pourtant, un jour, on rencontre un poisson.
Un poisson rencontre un autre poisson.
Si vous saviez ce que cela a d’émouvant.
Deux poissons qui n’ont pas le même âge.
Pourtant, le plus âgé regarde l’autre avec beaucoup d’attention.
Ils ont les mêmes caractéristiques.
Ils sont extrêmement sensibles.
Ils vivent dans un monde qui n’est qu’un bocal.
Pourtant, tous deux nagent dans des eaux libres.
Mais dans le bocal, il y a de drôles de créatures.
Parfois nous les voyons et parfois non.

Le plus jeune des poissons racontait une histoire. L’histoire de ses rencontres avec d’autres créatures. Il confiait à son ami qu’il s’amusait beaucoup en regardant les autres. S’amuser et apprendre. Le fait de considérer les choses sous un certain angle ne signifie pas se moquer. Ni mépriser. Observer c’est essayer de recevoir l’autre.
Le jeune poisson savait se défendre.
Le plus âgé d’entre eux ne savait pas.
Il écoutait l’exubérance du jeune poisson.
Lui aussi avait appris à voir les choses sous un certain angle.
Mais il avait d’abord appliquer son savoir sur lui-même.
Il avait surtout appris à ne pas se prendre au sérieux.

***

I warn you: this is a true story.

It is very difficult to live in such a world.
It is very difficult to meet people who are sick in their hearts.
It is very difficult.
However, one day, we meet a fish.
A fish meets another fish.
If you only knew what’s so moving about it.
Two fish that are not the same age.
However, the oldest looks at the other with great attention.
They have the same characteristics.
They are extremely sensitive.
They live in a world that is just a jar.
Yet both swim in open waters.
But in the jar, there are strange creatures.
Sometimes we see them and sometimes not.

The youngest fish was telling a story. The story of his encounters with other creatures. He confided to his friend that he had a lot of fun watching others. Have fun and learn. Seeing things from a certain angle does not mean making fun. Nor despise. To observe is to try to receive the other.
The young fish knew how to defend itself.
The oldest of them didn’t know.
He was listening to the young fish’s exuberance.
He, too, had learned to see things from a certain angle.
But he had first to apply his knowledge to himself.
Above all, he had learned not to take himself seriously.

___________________________

Peinture de 平林 孝央(Hirabayashi Takahiro)

Mille et une nuits (4)

Je continuais de marcher dans le désert. Était-ce plutôt un palais aux mille miroirs ? J’avais fui les villes outrancières et le sable chaud avivait les sources de mon cœur. Je tenais une besace faite de cuir et des lambeaux de sueur. Le long voile flottait épars, prenant les teintes du soleil couchant. Parsemés de cristaux, le désert ondulait sous les derniers effets du jour. J’arrivais assoiffée non loin d’un puits. Je m’y adossai dans la solitude de la nuit et levai mon regard vers la voûte céleste. De nouveau me parvint cette éloquente voix. Elle perçait mes dernières résistances et je m’abandonnais à son chant extatique. Je ne sus plus rien. Tout s’était anéanti dans les yeux d’une étoile. Était-elle une Amante ?

Ô Toi qui fis de moi une indigente, dans l’obscurité d’un océan en tourmente, Ô Toi qui fis de moi une errante au matin de Ton voile jeté sur le trouble de mon cœur éperdu, comment trouver mon chemin sans un guide ? La cherté d’aimer quand Tu me révélas le secret d’être aimée. Quel est donc cet enchantement ? Mais, quelle est donc l’emprise de Ta Beauté sur mon âme esclave de l’Amour ? Quelle est donc la magie de l’apparition quand tu fais de moi la délivrée ?

Je voyais le ciel descendre et tournoyer sous l’offrande des bénédictions des anges, alors que je n’osais plus respirer et que mon propre corps devenait la vision élargie au son des vibrantes incantations. Nous avions complétement disparu ; mais quelle était donc cette conscience qui demeurait ?

Révérence

Amis visiteurs, si j’étais face à vous, je vous ferais une révérence. Je regarderais chacun d’entre vous avec le sourire et plongerais dans votre délicate enveloppe d’être. Derrière l’écran se trouve une histoire, des peines et des enchantements. C’est ainsi. Je ne puis agir autrement en écrivant. Je sais que nous ne sommes pas tous semblables, quand même nous appartiendrions à ce que l’on nomme l’être humain. Pour le devenir, il faut du temps et ce n’est, certes pas par la forme que nous le sommes. Tant pis si je vous choque. Pourtant, nous sommes touchée par la présence. Certes, nous ne sommes pas préoccupée par le fait d’être lue ou non lue, appréciée, ou autre. Je dirais même que cela nous fait bien rire. Je dirais aussi que les temps changent, quelque chose arrive et cela nous permet d’être, tous, de plus en plus vrais. Or, qu’est-ce qu’être vrais ? Ah ! N’est-ce pas tout d’abord se préparer à l’être ? N’est-ce pas se libérer de nos illusions ? Je fais révérence à Tout ce qui nous permet d’être. Merci.

Béatrice D’Elché, le 23/06/2023

Te toucher

Ô mon Aimé !
Comment serions-nous séparés ?
Cela ne cesse jamais.

Il toucha mon cœur. Me fit trembler. Insuffla de Son âme. Nos noces sont celles d’un autre monde et la joie de tournoyer ? Comment ? Le Soleil rayonne durant combien de nuits ? Puis à l’aube, je vois Ton regard. Je T’ai demandé : Puis-je Te choyer et Te chérir ? Puis-je courir vers Toi et Te toucher ? Puis-je T’aimer ? La force de Ta présence écartelait le cœur. Au sein d’un lac, le Miroir fait certaines confidences. Le voile tombe sur les lèvres et nous retient.