Correspondances LVIII

Très cher ami,

Quand j’y pense, il me semble que la vie a fleuri tout comme la mort fleurira. Chaque jour apporte son rivage. Un être féerique nous ramène un livre riche de pages et de mots. Il s’assoit auprès de nous et nous fait la lecture. Quelle merveille !

Lors que je regarde la vie d’un point de vue politique, je remarque la pauvreté de ces gens qui s’imposent au monde publique, au peuple, tel un puissant châtiment qu’ils s’affligent, en une quête de faire-valoir ridicule, en l’oubli impondéré de la véritable justice. Ils se comparent toujours aux animaux, mais, ils sont bien moins que cela. L’ordre mondial est une inversion totalitaire. Très vite, nous nous rendons compte que les gauchos-capitalistes (que je mets sur les mêmes plans) et autres balivernes sont des « suggestionnés » comme le dit René Guénon*, « suggestionnés » par les brouillis mentaux des bas-fonds de leur être. Cela fait des siècles que cela dure.

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Chant

Ô Chant !
N’en suis pas revenue,
Mais comme j’ai aimé ne pas me donner le choix !

Je vous le dis sans ambages : Je n’en reviendrai pas et fais fi des conventions de ce monde. Je fais fi de la raison, des cadres sociétaux et tous ceux qui méprisent la foi des mendiants. J’ai entendu Son Appel et je danse avec mon Aimé. Que nous importe un logis, Il est notre Maison ! Que nous importe les refuges, les temples et autres lieux ! N’ai-je pas répondu, un jour, à ce séminariste, qui me demandait où je résidais, alors que je levai le cœur ivre, mes bras vers le ciel : « C’est ici que j’habite. » et lui de me regarder ivre à son tour.

Correspondance LVII

Très cher ami,

Je suis pleinement d’accord avec vous. Les mondanités, quelles qu’elles soient, me sont totalement indifférentes. Les salons littéraires, les exploits de la publication, les prétentions, les outranciers affichages, les postures intellectuelles, les mots sans substance, sans moelle, sans vérité me laissent de marbre. C’est bien à dix-neuf ans que j’ai tout quitté. Je me suis retrouvée dans une sorte de désert. Le vent soufflait. Le soleil était haut. L’on m’a dit : Abandonne tout ! Il s’agissait presque d’un ordre. J’ai regardé avec étonnement l’impérieux signe, avec le cœur, soudain, meurtri, mais j’ai obéi. Je n’ai pas triché. Le vent soufflait, très aride et j’étais courbée dans la poussière du grain immense. J’avais chaud, j’avais froid, mais, j’étais émerveillée d’avoir tout quitté. Je suis restée ainsi durant de longues années. Quand j’étais jeune, l’écriture me servait à vivre d’incisives introspections, des moments suspendus. Le calame bruissait, mais, j’entrais dans les plus abyssales profondeurs. Les mots me burinaient et je devenais leur instrument. J’accueillais cela avec un grand bonheur. Avec les mots, j’allais dans le silence. Mais, l’on me dit : Tu seras absente de la scène publique. Alors, j’acquiesçais. La vie a le goût puissant de la vie. Point besoin de regard, point besoin de compagnon. De toutes les façons, le compagnon arrive, tôt ou tard. S’effacer est un long apprentissage. Alors, mon ami, je suis d’accord avec vous : l’essentiel nous a dépassé. Il nous tient avec vigilance dans le véritable monde. C’est en lui que l’on découvre l’enseignement, la beauté. Nous balbutions, nous tombons, nous nous relevons et nous continuons. En cette intention, notre cœur devient un miroir. Il nous révèle notre être. J’ai vécu ma vie de femme, ma vie de mère, ma vie au sein de la vie. Mais, le milieu était le seul fil conducteur. Il a écarté les branchages. Il a montré le ciel.

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Ecriture

L’écriture incisive,
Son pouvoir de me mener,
Vers l’autre dimension.

Pourtant, Je vais vous dire ceci : l’écriture est transcription de ce qui frappe jusqu’au cœur et le cœur est un livre éveillé dont les mots précèdent la forme. Les branches se sont agitées et j’ai tremblé avec elles. J’étais ces bruissements au son vert et lumière. Dieu a semé les sons et l’essence et l’homme s’émerveille. Faut-il accepter de ne plus manger ni de boire pour que cet espace apparaisse ? Si l’autre dimension n’existait pas, nul ne trouverait le passage pour y accéder, et nul n’en parlerait.

Ecoute la femme

Ecoute la femme,
Il est un secret ,
Dont la puissance immanente,
Jaillit et radie,
Le monde entier.
Ecoute la femme,
Son cœur, tel un trésor,
Ses yeux écorchés de douleur,
Rondeur palpable ;
Ecoute son murmure,
La pudeur éthérée,
Ses pas légers,
Ecoute la femme,
Sa fragile beauté,
Son âme aimée,
Mais écoute donc,
Son silence,
Sa discrétion,
Les gestes faits de gracilité,
Dans la lenteur d’un regard élancé.
Ecoute la femme,
Du parfum au souffle inépuisé,
Quand chante la pluie,
Son cœur a pleuré,
Et la terre féconde
Des paroles de sa veillée,
Fendent la lune de ton secret.
Mais écoute donc, te dis-je,
Entends battre ton cœur,
Au mystère de sa présence,
Laisse-toi enivrer,
A la nuit des temps,
Ton épousée,
Celle qui s’endort,
Au creux d’une vague,
S’éveille émerveillée.
Mais écoute donc,
Car l’Amour d’une femme,
Est plus fort que l’étreinte,
Plus fort que ton silence,
Plus dense que ton absence,
Puisqu’il contient l’éternité,
Et son calme de toute évidence,
Son évanouissement à la lumière,
T’ont depuis longtemps fasciné,
Alors vois cette femme,
Elle est ta réalité, ton échappée,
Ta promenade,
Le long voyage, l’épopée,
Ta démarche musquée,
Quand teintent inépuisables,
Les voix de ta destinée,
Alors, écoute le rappel,
Depuis les tréfonds de ta mémoire,
Mon Aimé,
Quand je tournais mon visage,
Le bleu ciel de mon épousé,
L’iris et le châtaignier,
La rose et la roseraie,
Comme je t’ai regardé !

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Peinture de Frank Weston Benson

Océan

Au fil des années,
Le cœur n’a cessé d’aimer,
Et l’océan d’être beau.

Un matin, il m’advint cette pensée qui m’amuse encore : Il faudrait être Bouddha pour devenir Bouddha. Je me voyais au milieu d’une prairie et les fleurs dansaient. Alors, je lançai à la nature : je veux bien être Siddhârta, chercheur libre et goûter à la folie de la migration et je veux bien trouver Brahman comme Il veut que je sois. Je veux bien tout ce que Tu voudras, car Tout est Beau ! Ceci est l’ivresse d’un parcours qui ne s’arrête pas.

Toujours

Parfois, je suis perdue,
Non, que dis-je,
Je suis perdue pour toujours.

Il me faut vous dire que cela me plait au-delà de la raison, ce chemin du cœur et je n’en voudrais pas d’autres. Si vous vous promenez par ici, si vous lisez vraiment ces mots, alors, je vous serre très fort la main. Sans doute, êtes-vous aussi, tout comme moi, perdus et heureux de vous étonner dans un monde, celui qui s’ouvre en vous, à l’infini.