Il y a quelque chose

Il n’est aucun ennemi, sinon en nous-mêmes et il n’est aucun remède, sinon en nous-mêmes. Le plus difficile est de commencer à se voir. Celui qui fait le travail en lui est sur le point d’échapper à la surface opaque qui s’est apposée sur sa réalité. Celui qui fait le travail en lui est sur le point de briser un écran d’illusion.

Il y a quelques années, j’ai rencontré un homme de plus de quatre-vingts ans, qui avait vécu, comme on le dit communément. Il était d’origine italienne et m’avait confié, non sans émotion, que sa famille avait beaucoup souffert lors de leur installation en France. A l’école, il avait subi la vindicte des enfants. On l’appelait le « rital ». Sa famille faisait l’objet d’une ségrégation quasi outrancière au village. Il avait très tôt quitté l’école et était devenu maçon, un dur métier. Sa famille habitait le sud-ouest de la France. Cet homme, qui n’avait pas pris une seule ride, était un très bel homme, et cela en dépit de son âge. Son épouse avait quelques années de moins que lui, mais elle semblait avoir tout juste la soixantaine, malgré son lourd handicap (elle avait plusieurs fois subi une intervention chirurgicale au niveau des hanches et elle marchait à l’aide de deux béquilles). Nous étions assis sur un banc, dans le jardin qui faisait face aux vignes, car, cet homme, après avoir été, maçon, menuisier, coiffeur, avait hérité des biens de son beau-père et était devenu viticulteur. Son fils, proche de la retraite, avait pris la relève. Nous étions venus à parler du sens de l’existence, de la réalité du monde et de la vie. Je les avais invités à partager nos après-midi et ils ne se firent pas prier, puisqu’ils vinrent, durant mon petit séjour dans cette région (non loin de Marmande), quasi chaque jour. L’homme était intrigué par mon discours. Il se déclarait agnostique, voire athée, mais respectait la foi de son épouse qui se rendait, chaque dimanche, à l’église. Un jour, cet homme, assis près de moi, me déclara avec beaucoup d’émotion : De toute ce que nous avons évoqué ensemble, je crois que vous avez raison. Il y a quelque chose plutôt qu’il n’y a rien. Car, s’il n’y avait rien, il n’y aurait jamais quelque chose.

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