Océan

Au fil des années,
Le cœur n’a cessé d’aimer,
Et l’océan d’être beau.

Un matin, il m’advint cette pensée qui m’amuse encore : Il faudrait être Bouddha pour devenir Bouddha. Je me voyais au milieu d’une prairie et les fleurs dansaient. Alors, je lançai à la nature : je veux bien être Siddhârta, chercheur libre et goûter à la folie de la migration et je veux bien trouver Brahman comme Il veut que je sois. Je veux bien tout ce que Tu voudras, car Tout est Beau ! Ceci est l’ivresse d’un parcours qui ne s’arrête pas.

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Nouveau-né

J’ai préféré courir,
Semblable à la mémoire,
Dont l’amnésique miroir,
Venait cogner tout contre mon intrépidité.

J’ai préféré tout abandonner,
Et rire des dunes de sable,
Etourdie par le monde enchanté,
Quand le soleil rougeoyait.

J’ai préféré courir,
Comme une va-nu-pieds,
Jetant les livres au panier,
Tout découvrir comme un nouveau-né !

La grève

# أبو تمام de Kh.hosny

L’amour a parcouru une rive, puis a flotté au-dessus de la terre, comme hésitant, puis une nouvelle fois a fredonné un vieil air perdu sur l’écume blanche des vagues altières. Une main s’est levée, inlassable main, constante dans sa prière, et par simple boutade, s’est amusée de la mouette. L’oiseau s’est emparé de l’ivresse titubante de la jeune fille. Un coquillage dans la poche, offert, il y a bien longtemps par un pêcheur aux yeux bleus, les grains crissants de chaque algue sur sa peau. L’oiseau s’est envolé avec la petite fille dans la hauteur des nuages. Il y pleuvait quelques grises larmes et des rayons de fou rire. La mouette est une compagne peu commune et ses ailes s’étendent aussi loin que les bras de l’enfant. La voici qui valse dans le ciel et plus rien ne compte. C’est là-haut que l’on se sent le mieux dans la froidure du vent qui nous glace. C’est là-haut que le froid nous ranime et il y fait bon vivre étourdi de tournoyer à l’infini. Entends-tu mon cœur, ce cri sur la grève ? C’est un écho écorché de bonheur…

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Peinture de Jeremy Lipking

Insigne

Insignes étreintes,
De mémoire de pluie,
Rive de notre révérence soumise,
De grâce et d’implicite,
Insignes instants,
D’eau gorgée de surprenantes questions ;
Les délicates dentelles,
Infimes dans l’arc-en-ciel,
Que boit un horizon.
Eurythmie du luminaire,
Au diapason crépusculaire,
Insigne bonheur,
Le tison d’un tremblant cœur,
Deux mains qui glissent,
De palpables douceurs,
Sur la terre promise,
Et la beauté nullement ne brise,
Mais par la lenteur acquise,
S’enchante de l’indéfini,
Perpétuel être,
Toi m’as suffi,
Et c’est ici,
Dans le miroitement de notre félicité,
Les luxuriances réponses,
D’une divine beauté,
Sans qu’aucune inconvenance,
Pèse sur ce qui s’énonce,
Plume qui se pose,
D’insignes insignifiances
Sur la jetée qu’écume en silence
Le rouge d’une fleur.

Entrelacs

Image prise ce jour, quelque part en Gaule profonde…

Chaque grain avait sa grappe, et chaque grappe avait son soleil tandis que nous nous émerveillions des entrelacs du givre. Le soleil argenté, l’auréole de ton blé sur les buées de la lune, car la brume annonce l’automne dont je me souviens, nos pas légers sur les feuilles, au sol embaumé, non loin des rigoles. J’étais ivre de ta présence, comme la connaissance du fond des âges, profondément ressenti à travers la particularité d’une odeur que la terre nous rappelle avec toute la puissance d’un mois de septembre. Quand tes yeux plongent avec cette intensité dans notre regard, mon âme de femme étreint la nuit et je remonte tous les courants, sans que ne cesse un seul instant mon élan vers toi. Puis la femme marche sous le parapluie des arbres et par volute les pins s’épanchent et les montagnes vaporeuses s’élancent prestigieuses. Ô notre entrelac !

Notes marines

Il existe un effet puissant quand les doigts effleurent et s’imprègnent des touches, que les sons deviennent des envolées intenses au flux des vagues et que le corps vibre entier jusqu’au pâleur du jour, quand se suspendent ces promenades devenues âme éprise. Les mains répètent inlassablement le même morceau attrapé dans les cordes d’un appareillage. Le vent file la voile et hisse haut les effluves. Puis, les mains épousent l’écume tandis que l’ivresse atteint son apogée et que dans l’intense silence les chèvrefeuilles attisent l’envolée du corps. L’azur nous a conquise.

Peinture de Luann Walsh

Correspondances XXXVIII

Très cher,

La seule nostalgie que j’éprouve est le présent perpétuel, comme s’il ne savait jamais passer. Est-ce lenteur sur les ruissellements de chaque goutte magnifiée ? Je pose un pied puis un autre comme apprenant à marcher et le pas est aussi titubant que la première fois, mais aussi léger, tel du coton se posant sur la douce terre de notre regard. Ce matin, j’ai touché la terre, l’ai caressée tandis que je la sentis soudain frémir et me parler. Le soleil l’avait réchauffée et comme elle sentait bon ! J’ai entendu alors la terre pousser un cri d’amour. Oh ! rien d’horrifiant ! Bien au contraire, il s’agissait d’une explosion lente délivrant mille délicieuses complicités. Je ramasse souvent les fleurs fanées et les dispose en petits tas. Elles vivent encore et me réchauffent les mains. Elles prononcent, à ces moments, des phrases qui m’invitent à les écouter. Alors, je comprends que rien ne meurt. Absolument rien ! La magie est là, dans le regard du cœur. Même les couleurs pastelles, délavées par le soleil, sont interpellatrices. Tant de murmures dans la vie ! Tant d’apprentissages ! Et si la vie passe, elle ne passe pas vraiment puisque le vivant ne meurt pas. Le vivant est une continuité. Elle nous parle où que nous soyons et par où nous passerons. Ne le pensez-vous pas ? La matière est une grande phrase poétique qui nous révèle une infinité de choses. Cher ami, je vous regarde par moment et vous êtes assis sur la chaise en bois, tandis que vous écrivez quelques notes sur votre précieux carnet. Nous avons tous un petit carnet qui nous accompagne fidèlement, un crayon qui sert de transcripteur de notre voix intérieure…

Bien à vous,

Votre B.