Soleil d’or

_____

Illustration de Elin Manon


Feuilles rousses

___

Les yeux vagues

Les yeux parlèrent, et les yeux voulurent s’exprimer par les mots, tandis qu’ils se noyaient dans l’incandescente lumière, tandis que les yeux embrassaient mille soleils à l’horizon. Est-il révolu le temps où je me laissais glisser dans les couleurs de l’automne, lors que les rayons s’étendaient jusqu’au cœur ? Est-il révolu le temps où je glissais, glissais dans la profonde lumière et, est-il révolu le temps où mon âme, inlassable, voguait dans l’insondable ? Mon corps disparaissait, les gens autour n’étaient plus, et le cognement de l’indicible me submergeait et il m’était totalement indifférent que les yeux vagues, le soleil m’absorbât. Où allais-je ainsi ? Où étais-je totalement engloutie ? Est-il révolu le temps insouciant où je me laissais être, anonyme dans la foule, et le cœur chantait sans gêne ? Est-il révolu le temps qui ne compte pas le temps et où l’on a tout le temps de se laisser inonder de lumière et même de disparaître ? Absorption étonnante et, l’on s’assoit face au déclin du jour et l’on voit venir encore le soleil, baigné de son propre mystère. Mais que j’aime, Oh ! que j’aime cette perdition au plus profond du cœur, et que j’aime la lente marche dans le regard qui se noie au crépuscule du rêve.

Automne

La mer est salée,
Quand crisse le sable,
Au milieu des rochers,
Par millier,
La voix s’est envolée,
Le vent l’a poussée.
Le soleil sur les branches,
Les feuilles époustouflées,
Ne t’occupe pas de dimanche !
Les jours, sans compter,
Puis, le levain, la croute orangée,
Le soleil du pain,
La peau mordorée,
La blancheur d’une main,
Telle une demi-lune,
Le raisin épanché,
Confit et prune,
Soulève un moment,
Et plonge tout entier !

___

Aquarelle de P. Jamot