Vagues

Quand déferlent les vagues,
Mon cœur les reçoit sans heurt,
Et je vais avec elles.

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Peinture attribuée à Ary Scheffer.

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Chevauchée

Je me souciais peu de devenir ceci ou cela. Cela était. Nous regardons ce qui est, simplement. Nous arrivons au monde et soudain, la flèche nous atteint. Nous ne savons pas véritablement ce que cela peut bien être, mais sans cette flèche, y aurait-il ce regard, qui, suspendu, balaye alentour, puis se trouve au creux même d’une noyade ? Une percussion en ondes sismiques. Il en existe plusieurs, et il en existe de toutes sortes. L’onde parle. L’onde se prolonge au-delà de la secousse. L’onde se matérialise de diverses manières. Puis, elle vous attrape. Elle vous tient dans ses bras et vous relie à toutes ces choses qui sont les étapes d’une secousse atemporelle. Je ne me souciais pas d’entrer, forcenée, dans le monde de la compétition. Quelle sorte d’insertion et quelles sortes de négoces ? Je ne voulais pas marchander la vie. Je ne voulais pas être une marchandise. Quelle sorte de rendement ? Je n’étais ni homme, ni femme, et pourtant, quelque chose me maintenait en cette subtile conscience. Conscience !

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Taureau

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Temps irrésolu,
La force d’une troublante idée ;
Je lui prenais les cornes,
L’agitait dans tous les sens,
De velours noir et féroce,
L’animal se cabrait,
Lumière dans son regard,
La bête fulminait !
Mais je m’aperçus que l’idée persistait,
Sous le olé, l’arène en feu,
Je saisissais encore le taureau,
Devenait soudain femme :
La bête bousculait mes mots,
J’étais fragile et forte tout à la fois,
N’avais qu’un vieux lasso,
Olé ! Olé ! le temps me narguait.
Sitôt le soir venu, la bête s’affolait,
Il s’agissait d’une lutte entre ciel et terre,
Comme elle fulminait,
Je m’accrochais à ses yeux,
L’instant d’après,
Le taureau m’hypnotisa,
Je devins lui et il devint moi.

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Peinture de Thierry Bisch

A l’intérieur

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A l’intérieur, douceur,
Le cœur, ces pas vers Toi,
Chemin taillé dans la nuit.
A l’intérieur, lenteur,
Ivre d’avoir bu les roses
Pétale de fleur,
Infime,
Et ta voix qui creuse,
Me saisit :
Parfum de cerises,
A l’intérieur, libre,
Retenue par mes pas, bien retenus
Comme tu tournoies !
Gorgée de pluie,
Les simples fruits,
Laisse-moi T’aimer,
Sur le chemin de nos pas,
Tandis que les hautes herbes,
S’étonnent,
Le ciel vacille au-dessus,
Dis-moi,
Libre, je le suis !
Vol d’un papillon,
Libellule bleue,
Je ris et je pleure :
L’âme d’une femme n’est plus
Qu’une main,
Sur la joue rugueuse,
D’un soir et d’un matin,
La pendule et l’horloge,
Le cœur étreint
Mon Être Un.

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Peinture de Leon Frederic 1894

Arbre

Le corps à l’âme, uni,
Le corps à l’écorce vive,
La sève plus encore.

J’aimerais étendre mon âme au corps de Tes branches, ne jamais cesser d’élever le saisissement de Ta Rencontre, ne jamais faiblir dans les dédales du Ciel, ni même dans ceux de la tourmente. J’aimerais me coller aux parures de la Voûte, jusqu’au Dôme, essoufflée, écartelée du voyage vers Toi, arriver à l’Empyrée, aimante du chemin en Toi.

Héron

D’une segmentation s’amplifie la démonstration. Que l’on n’aille pas d’un morceau d’une étoffe saisir l’envergure d’un tissu. Pièce par pièce, le tableau se réduit. Quelle est donc la vue d’ensemble ? L’élargissement de la conscience.

Un Héron avait coutume de se tenir, longtemps, bien droit sur l’étendue d’eau, et du paysage auscultait la moindre herbe avoisinante. Depuis la ride que traçait l’eau, son regard façonnait tout un monde ; mais lorsque son amie la Sterne revenait des pays lointains, elle lui faisait le récit d’un voyage plutôt singulier. Alors, l’infime ride du miroir, où baignaient ses pattes, lui apparaissait, tantôt étriqué et tantôt d’une immensité incroyable, tout simplement parce que cette unique ride était l’interstice où plongeait son âme. Le Guêpier se posait sur la branche d’un arbre, à proximité de son frère le héron, et celui-ci s’étonnait d’être toujours aussi sensible aux couleurs chatoyantes du bel et distingué oiseau. Une abondance de textures, de sensations, de légers frémissements, le menaient inévitablement à l’immutable expression de la Beauté révélée et il levait sa patte avec une douce et grande élégance, tandis que l’univers entier s’écoulait, telle une couronne argentée, à la sommité d’une incroyable unité.

Secret d’une horloge

Peinture de Isabelle Dhondt

Il est advint une chose inouïe qui se voulut s’arrêter sur les rives d’un monde encore inconnu, et c’est une horloge qui le nomma : temps. Une sérénité sans pareille submergea l’étrange cadran où l’on apercevait le reflet d’un vaste océan. On raconte que le secret de la vie n’est certes pas contenu dans sa dimension linéaire. Un simple d’esprit se demanda enfin pourquoi deux aiguilles se chevauchaient dans ce cadran et même se poursuivaient, comme rivalisant en permanence, l’une après l’autre. Il les observa sans discontinuer. Il vit qu’au centre, un point les unissait. Celui-ci était immobile et semblait être leur gardien. Cela l’intrigua longuement.

Frère et soeur

Si je ne suis que femme, alors, même le chemin des étoiles ne me suffit plus et ce sont les confidences de la lune qui me retiennent, mais si je suis esprit alors les rayons du soleil ont transpercé les vagues de l’océan et la nuit est soudain sertie de ta présence. Anticipation, je m’évanouis dans la perle turquoise. Rêve, je surgis de ton jour. Si je ne suis que femme, je m’évade à l’aurore de ton absence. Si tu es homme, je n’ai pas peur. Le crépuscule est devenu un corps. Mais si tu es mon frère, je suis éternellement ta soeur. Je m’assois et mon coeur devient ta lune.

Trouve-moi

Si tu veux me trouver,
Entre en ce cœur brisé,
J’ai tenu les morceaux,
Puis j’ai dansé.
Si tu veux me voir,
Entre en mon étreinte,
Puis serre-moi de tes bras,
Sans compter
L’instant.
Si tu veux me connaître,
Observe l’hanneton, la fourmi et même l’oie,
Suis la légèreté du papillon sur la voie,
Puis sème au vent le chant Aimer.
Tu me trouveras dans les déchirures,
Aux soupiraux de nos rêves à Trois,
Entre l’églantier, la rose et le mimosa,
Tu me trouveras dans une larme,
Puis dans la voix qui s’exclame,
Au sein d’une longue invocation,
L’apesanteur sans douleur,
Le cristal d’une pleine lune,
L’écho du vent de douceur,
Et nous nous verrons, alors.
Qu’importe les brisures,
Voici que la voix est un pont,
Sur les coteaux aux grappes mûres,
Je cours sur le chemin,
La joie dans les bras…
M’entends-tu dans le la la la ?

Nuée

La grâce et la vertu,
De légèreté accrue,
Qui donc est venu,
Ce soir où la lune commence ?

Nous voilà traversée d’insolites
Souvenances ;
Les prairies ont chanté,
Et racontent une épopée :

Le ciel couvre la terre,
Quand la nuit étoilée,
Efface,
La trace d’une nuée.