Mouettes

L’usage de la dérobade,
Les clairsemés inévitables,
L’insouciance des fustigés,
Les serments de technocrates,
Les buveurs d’âpreté âpre,
Les considérations notables,
Des serveurs de la folie,
Quand le faux contient la lie.
Piètres attitudes irréversibles,
Quand à l’accueil du jour,
L’insoupçonnable défaite,
Des falaises en sucre insurmontable…
Nenni, que de fables et de mauvaise foi !
Bien sûr, il y a des coupables,
Mais qui est qui quand la lâcheté est de mise ?
Quand il n’a plus rien, l’homme s’invente des fables
Puis s’ensevelit de mots insoutenables
S’efforce de guérir sa blessure ineffable.
Quelle est donc la pluie
Qui efface ?
Sur la blanche coursive,
La mouette t’appelle,
Mais tu ne vois que tempête de sable,
Les vagues de tes vagues,
Homme indigne,
Déchu de tes nobles jours,
Aigri par tes lacunes !
Mouettes rieuses, venez !
Nos ailes infatigables
Nous n’avons avec le faux aucune excuse valable,
Vols émerveillés ont tranché dans le ciel affable
Et c’est ainsi que nous avons tout laissé.

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Joie

La joie ne dépend de rien, ni ne vient par hasard, puisqu’un bouquet de genêt s’offre soudain telle une embuscade, sur la pente des montagnes printanières, épanché de soleil gracieusement juteux, et puis n’oublions pas ces œillets qui nous enlacent de leur parfum tenace, évoquant mille secrètes latitudes puissamment viriles que l’on retrouve le soir alors que la chaleur cède son lourd voile pour entamer une drôle de danse avec les pois de senteur. Certains chèvrefeuilles hantent notre odorat et s’inclinent dans les effluves du feuillage amical. La joie ne manque jamais son rendez-vous, quand même il semblerait que le monde disparaisse comme par enchantement, loin des souvenirs vagues que nous raconta le père, les fameux soirs d’hiver. Aurai-je honte de vivre le moment présent et vaincre l’inertie des ouragans que l’on voit sombrer dans les turpitudes infâmes ? Ma joie ne dépend pas de moi, et le colibri caresse avec la pointe de son corps la sauge fleurie. Tel est le jardin de notre vie. Mais la joie ne dissipe jamais complétement notre lucidité et l’orage gronde pour nous rappeler sa force dans les profonds et rougeoyants paysages. Qu’ai-je fait ? la vie nous parle. Je lui réponds.

Résistance

Sur les hauteurs, le ciel bleu, étonnement bleu, d’une profondeur vertigineuse, d’une clarté limpide et solaire, vaste champ imprenable, couleur dont l’unité nous laisse irrémédiablement perplexe, acuité qui nous inonde de lumière vive et mes yeux épousent ce bleu, aspergé d’océan, dilatés par les esprits turquins et enjoués des vagues infinies. Puis, vient le vent léger caresser, d’une onde princière, le chêne. Allongée dans l’herbe d’un pré sauvage, où serions-nous le mieux ? Quelques pensées médiévales qui dévalent des rondes montagnes et le temps bascule. Nous avons oublié l’absurde, l’infâme absurdité d’un monde qui choisit de croire à l’absurde et qui se laisse manger le visage par l’absurde. Serons-nous des résistants face à ces moitiés de visages ?

Élévation et maturité

Élever, non pas imiter, ni éduquer, ni non plus se servir de béquilles. Marcher, libéré de toute influence. Cela est vacuité. Celle-ci est un saut dans le vide, sans peur. Mais la plupart du temps, les hommes sont effrayés. Ils ont même peur d’être eux-mêmes. La vacuité est la seule garantie d’être. Je m’étonne de la frilosité des hommes. Ont-ils gardé finalement les instincts claniques du monde qui leur apparaît comme dangereux ? Les uns s’accrochent aux autres avec la détresse pour cordage. Est-ce un manque de maturité ? Des paravents, des paratonnerres, des barrières, des masques et je ne sais quoi encore.

Grâce et souplesse

Quand donc sommes-nous responsables ?
Quand donc avons-nous fauté ?
Quand l’éternité a fui nos carnations,
Tout le monde s’est mis à éternuer.

Pour tout réintégrer, il faut certains labyrinthes.
Sommes-nous en prison pour l’éternité ?
Je préfère, quant à vivre toujours,
Choisir un nid nimbé d’amour.
Il y a bien longtemps, quelqu’un me confia ce secret.
Mais de quel amour parle-t-on ?
Celui qui dure un jour
Ou bien ou bien l’amour de toujours ?
S’il fallait butiner, j’irai ça et là
Et je ramènerais des légèretés.
Quant à mourir, mourons noblement.
Libre comme le vent et éternuons de nouveau :
Grâce et souplesse d’une question.

Le siècle

Ce monde offre toutes les possibilités infinis du voyage ; rien ne nous empêche de le vivre pleinement, et après des années de balbutiement, comme immature du brouillon hoquetant, déversant sur les murs les couleurs de nos manteaux, nous voici délivrée de tous les événements. Est-ce inconséquence ? La beauté vient lentement, très lentement, comme le temps qui retient son souffle, qui nous donne à la seule nécessité de vivre libre. Il est libre ce souffle, libre de ne croire qu’en lui-même et de rire devant tous les conditionnements. Je crois que le siècle va nous libérer de la bêtise. Nous serons libres comme le matin, jouant à la page du soleil levant, dans le vide, exempts de toute prétention, libres, gratuitement libres de lire à la page de la vie, ourlets ricochant au vent, libres sans peur, sans chercher. Juste l’instant. Mais savons-nous ce qu’est l’instant ? Non, il ne s’agit pas de la bonne question. Je suis allée trop vite. C’est plutôt celle-ci qui m’interpelle : savons-nous ce qu’est la liberté ?

Ce monde

La peur provient de la prison de notre âme. Nos corps nous alertent et nous parlent. L’inéluctable n’est pas une fin en soi. Il y a bien longtemps, très longtemps, les hommes avaient compris comment ce monde fonctionnait. Les uns sont devenus des pirates et les autres des bêtes de somme.

La paix, à quel prix ?

Les hommes ont toujours tué d’autres hommes, pour une raison ou pour une autre. Il me semble qu’il n’y a aucune raison pour tuer son semblable. Aucune cause n’est assez bonne pour justifier cela. Je me suis penchée sur la question depuis mon adolescence. J’ai lu tant d’ouvrages d’idéologies différentes qui ne m’ont jamais donné envie de me battre. Le seul combat est en soi. Tous ceux qui n’ont pas mené ce combat sont de potentiels tueurs. J’ai fréquenté beaucoup de gens et dès que j’ai senti la couardise, la méchanceté, les langues de vipère, j’ai marché de l’autre côté, sans regret.

Béatrice le 24/02/2020

Négoce

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Certains marchands
Ont la vilenie de la négoce :
Ils volent féroces,
Dans la maison des gens,
Et chaque vol,
Est une étoffe,
Falsifiée de leurs mains.

Mais frusques et babioles
Ont raison de leurs appâts.
Sans honte,
Et sans vergogne,
Ils se font passer,
Pour ce qu’ils ne sont pas.
Aux brigands des chemins,
Certains ressemblent à s’y méprendre,
Mais un brigand est un brigand,
Il ne trompe personne,
Tout au plus,
Il se dandine,
Devant femmes et enfants.

Hérésie 異端 (Yìduān)

Du burin des estropiés
Des roches calcinées
Des éventrements charriés
Des puanteurs venues du fiel vengeur
Des meurtrissures équivoques
Du pompeux à l’obscur
Des ravins sinueux et glauques
Quand la gloire est un pourrissement
Sur les enchevêtrements noueux
Des combinaisons purulentes

Des âmes dépravées
Dont la damnation évidente
Poursuit inlassablement
La vénale acidité,
Du heurt de l’amnésie,
Mais quand les temples
Deviennent l’hérésie
Alors annonce au monde
La fin immonde
Des tentacules de l’hypocrisie
Des veules supercheries
Et quand les cœurs mûrissent
Sous les vestiges de l’aspiration
Quelque part, il n’est plus de leurres
Et dans les ténèbres brillent
Les visages émaciés par les larmes
Quand de l’égoïsme charognard
S’inverse le sens et la lueur
Devient beaucoup plus qu’un espoir,
Le véritable bonheur.