
Il n’aima pas devenir fou, car de cette folie, il voyait une entrave à la raison. Il regardait le godet, mais elle voyait une coupe. Le monde changeait, il s’y enfermait. Que lui fallait-il ? Pas grand-chose. Du moment qu’il pouvait de temps à autre s’occuper à quelque bricole. Il ne supportait pas la poésie. Il ne s’ouvrait pas à ce qui était autre. Il n’écoutait jamais la radio, ni ne perdait son temps devant la télévision. Il lui semblait qu’on lui volait ainsi sa vie. Il n’avait pas non plus une pratique très poussée du téléphone. Un balbutiement ici ou là. Des nouvelles à l’emporte-pièce. Quand il était adolescent, il avait vainement penché pour le parti communiste. Mais, au bout de quelques lectures de Marx, il s’en était royalement désintéressé. Depuis, il haussait les épaules quand on abordait avec lui des sujets politiques. Il s’était fait siennes les paroles de Platon. Personne ne lisait Platon. Personne ne lisait les grands métaphysiciens, les vrais philosophes. Il s’ennuyait à mourir quand il entendait les inepties des penseurs d’aujourd’hui. Il bâillait sans discontinuer face au mimétisme ambiant. Il trouvait ses contemporains très peu cultivés. Les académiciens, les théoriciens lui semblaient pompeux et sans consistance véritable. Il faisait une pichenette sur tout cela. Tout s’écroulait. Il se rendit compte qu’il n’aimait rien, que la vie était insipide. Quand il la rencontra, elle dansait avec les mains. Elle riait de ses airs taciturnes. Il ne comprit jamais pourquoi elle vint vers lui.