
Voulez-vous savoir pourquoi je n’ai pas su partir ? Le voulez-vous savoir pourquoi je n’ai pu quitter cet endroit qui fit de moi l’apprentie ?
Ce sont les scènes enjouées des petites gens qui m’ont retenue et je les aime comme on chérit ceux qui n’ont rien à perdre, ceux qui vous tendent leurs bras et vous convient au plus intime de leur maison. Ils sont sans bla bla bla et puis un peu bla bla bla. La plupart d’entre eux vivent la sagesse que vous ne trouvez nulle part ailleurs. J’étais gourmande de leur silhouette et de tous leurs gestes. Vous ai-je parlé de cette prostituée-courtisane qui avait fini par tout quitter et vendait dans les rues des petits pains chauds ? Vous ai-je parlé d’elle qui avait un cœur d’or et qui me faisait pleurer ? Vous ai-je parlé de cette autre femme qui en ce Temple, dressé tout en haut de la colline, nous avait offert à manger et sous le soleil torride, nous avait conté une histoire émouvante, celle d’un homme qui remerciait inlassablement le Seigneur en dépit de son handicap ? Mais un jour, son voisin communiste lui avait lancé avec beaucoup d’âpreté : ton Seigneur a fait de toi un impotent, il t’a enlevé tout l’usage de tes membres et tu le remercies encore ! Et ce brave homme plein d’amour et de gratitude, de lui répondre sans la moindre hésitation : aujourd’hui, plus que jamais, je Le remercie de ne pas m’avoir enlever le fait de Le remercier. Ce sont ces instants de douces courtoisies, de simplicités, de moments partagés chez les petites gens que j’ai aimés le plus durant mes périples ici ou là. C’est chez eux que j’ai le plus appris. Je les remémore sans cesse et ils sont lumineusement présents, semblables à une oraison perpétuelle. Mon cœur bat à leur rythme. Je suis de ce peuple-là. Je leur appartiens tout entière. Ils ont chez moi la place royale.