
L’ayant suivi discrètement, me faufilant entre les arbres, le cœur débordant de cris sauvages, souhaitant me glisser entre le décor, juste un instant, ouvrant une brèche, devenir le vent qui s’habille de transparence, légère et invisible, je l’ai suivi comme l’on aime, car cet amour est une longueur d’avance avec le silence. L’ayant suivi avec le cœur malade de douleur et ivre tout à la fois, frôlant son ombre pour s’accrocher à l’instant encore trop bref, l’ayant suivi comme dans un rêve, celui de l’effleurement, absurdement, incapable de lui dire les mots qui se glacent, suspendus dans le halo des lèvres. L’ayant suivi, la vie entière, sur un chemin, tantôt de pierres et tantôt de sanglots silencieux, l’ayant suivi dans la douceur du printemps qui nous surprend, au bout de l’allée qui l’attend. Je l’ai suivi, comme l’on dessine un amant, l’amant du rêve que devine le prochain rêve. Je l’ai suivi, pourchassant une histoire que l’on écrit à force d’entendre un son étrange. Durant ce temps, j’entendais la rivière et surprenais les fleurs voler au vent, éprises de ciel. Durant ce temps, les mains inventaient encore la rencontre, de celui qui marche lentement et s’arrête comme pétrifié de douceur muette. Là-bas, il m’attend.