Mouche

La mouche se cogne à la vitre
Quelle est donc son opiniâtreté ?
Sait-elle qu’elle est enfermée ?

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Miroir 鏡子 (25)

Deux sortes d’Eden

Je marchais à la recherche d’une source vive, et vous vîntes, m’offrant ce puits de chaleur. Il ne brûlait pas ; il ne provoquait pas non plus de tension. Il était serein et semblable à lui-même. Au bout d’un moment, je ne savais plus si j’étais le puits ou si le puits était moi. Mais, il me tint serrée, m’enveloppant de sa bienveillance. Ensuite, il en vint à me faire le récit des longues et patientes traversées au travers de la roche, de ses voyages au sein de la terre. Il me fit découvrir les inépuisables effluves de celle-ci, les lumières impressionnantes contenues dans le cristal de la roche. Il me submergea du prodige des gouffres et ceux aussi des chants mystérieux de l’eau. L’odeur vive des entrailles de la voie souterraine produisit en moi une étourdissante impression, et lors que le puits me livra au secret de sa réalité, je demeurais un long moment sans bouger. Les sueurs de la pierre ruisselaient sur les parois et toutes les gouttes chantaient, se parlant avec la plus parfaite des harmonies, se renvoyant les tonalités musicales les plus étranges. C’est ainsi que le puits devint ma forme et ma propre chaleur. J’entendis le vent lointain danser dans les cavités les plus éloignées de notre monde et, le vent chantait et, le vent ondoyait. Il me révéla des beautés insoupçonnées. Elles venaient se fondre aux gouttelettes des pierres lors que je fus surprise par le sens des paroles : il existe deux sortes de paradis, l’un étant celui des sens et l’autre, celui de la gnose.

Koala

Rien hors d’ici,
Tout encore là,
Qui parle ?

Il était une fois, un ver, une tortue, un koala. J’appris que chacun parlait une langue. Je leur demandai de faire un tour avec moi, mais ils me regardèrent avec beaucoup de circonspection. Leur regard me fit m’esclaffer. Que dis-je, je finis par les surprendre et voilà que le soleil se leva. La nuit n’était pas sombre et le jour se découvrit. Le ver verdit ; la tortue rentra ; le koala resta.

Milan

.

Au-dessus des toits,
La majesté neutre des ailes,
Le regard d’un oiseau.

Il fallut beaucoup de temps pour ne plus se perdre, les méandres des dix milliers de voix, quand il fallut beaucoup de temps pour l’entendre et la reconnaître. Il fallut du temps pour voir l’homme, pour voir le monde, pour être saisi par les ailes d’un milan. Combien de temps pour redevenir un homme, combien de temps pour l’être ?

Secret d’une horloge

Peinture de Isabelle Dhondt

Il est advint une chose inouïe qui se voulut s’arrêter sur les rives d’un monde encore inconnu, et c’est une horloge qui le nomma : temps. Une sérénité sans pareille submergea l’étrange cadran où l’on apercevait le reflet d’un vaste océan. On raconte que le secret de la vie n’est certes pas contenu dans sa dimension linéaire. Un simple d’esprit se demanda enfin pourquoi deux aiguilles se chevauchaient dans ce cadran et même se poursuivaient, comme rivalisant en permanence, l’une après l’autre. Il les observa sans discontinuer. Il vit qu’au centre, un point les unissait. Celui-ci était immobile et semblait être leur gardien. Cela l’intrigua longuement.

Singe 猴子

Quand ce singe, quelque peu vieilli, parvint aux abords du Nil, il fut fatalement vaincu par la beauté, celle reflétée par les doux miroirs éclatés du fleuve. Il s’allongea parmi le fameux parchemin des roseaux circulaires et scruta, l’air un peu vague, le non moins vieux crocodile et le salua avec le geste lent de ceux qui se reconnaissent. Ce singe-là appartenait à une espèce en grande voie de disparition. Le clapotis ancestral des bords d’Assouan lui fit une élégante révérence. Il semble qu’ils reconnurent en lui quelqu’un de bien. Quant aux luxuriants palmiers, ils s’étonnèrent de sa présence, mais n’y prêtèrent guère plus d’attention. Le vieux singe opina de la tête et se résigna puis émit un long soupir, un soupir qui remontait à ses vénérables aïeux. Il avait parcouru le désert afin d’arriver en ce lieu magique. Il s’était contenté de peu et avait survécu à la faim et à la soif. En ce qui concernait les hommes, ceux-ci n’avaient pas vraiment changé. L’animal les observa un moment. Ils marchaient, comme flottant dans leurs vêtements couleur de sable. Un petit passereau s’approcha de lui et se lova tout contre sa poitrine. Le vieux singe s’endormit. Il se revit en rêve, alors qu’il était jeune, beau et facétieux. Quand il se réveilla, il se dit : dans le fond, j’ai vécu une vie de singe...