Autour

Le lait nourricier en abondance dans un monde asséché par l’outrance, je suis née pauvre. Mes deux mains dansaient autour avec la plus grande des confiances. Je ne pleurais pas. Les yeux étaient grand ouverts. Parfois, le plafond faisait une danse. Je suis née pauvre, nue et démunie. Mon corps frêle sur la peau nacrée d’une mère et ses bras comme un berceau. Je suis maintes fois née pauvre. J’observais autour de moi les ombres et les lumières. Mais je suivais la merveille et tandis que je marchais autour, la lumière se planta en moi si profondément, tel un glaive, que je fus saisie par la béance d’une blessure effusive. Il ne s’écoulait guère de sang : de la plaie ruisselait une eau miraculeuse. Elle fusait depuis la terre et le ciel et je demeurai stupéfaite. J’étais née pauvre et pourtant l’on m’abreuvait. Je marchais autour mais on me plaçait là où tout danse. J’étais née pauvre, et l’on m’ôtait la peur, un caillot purulent. Je pouvais vivre avec quelques amandes dans la poche, me laisser mourir de faim et de froid, une chaleur douce s’emparait de mon âme. J’étais née pauvre et l’on me vêtait d’un manteau. Je marchais encore autour, mais le milieu m’absorbait. L’on m’y tirait inéluctablement et je me mettais à rire. Le monde n’avait aucune prise sur mon être et je continuais de marcher autour, suivant les sillons d’un cercle qui amplifiait son cercle et je riais. Un jour, le monde aussi valse autour…

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Peinture de Serge Marshennikov

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Nouveau-né

J’ai préféré courir,
Semblable à la mémoire,
Dont l’amnésique miroir,
Venait cogner tout contre mon intrépidité.

J’ai préféré tout abandonner,
Et rire des dunes de sable,
Etourdie par le monde enchanté,
Quand le soleil rougeoyait.

J’ai préféré courir,
Comme une va-nu-pieds,
Jetant les livres au panier,
Tout découvrir comme un nouveau-né !