Montagne

Le milan doré,
Au ciel turquin,
A embrasé un arbre,
Montagne enserrée,
Que dis-tu de cette envolée ?
Au monde s’élève,
La continuité.
De ses ailes ensoleillées,
L’étreinte a chaviré.
Que nous montre cet arbre isolé ?
L’on sait la montagne,
De l’avoir épousée,
Puis le ciel descend,
Jusqu’à l’enchâssement,
L’anneau et la destinée.
Le corps disparaît,
Tout s’efface et le mot,
Vient heurter,
Le milan mordoré.
A nos yeux,
Le cœur s’entrouvre,
Un toit et un discours,
Bien plus bas,
La maison aux bleus volets.
Est-ce un écho ?
Est-ce un sursaut ?
Je m’en vais.

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Photographie de l’auteure

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L’île

Il est une île ;
S’est-elle soulevée ?
Je vole.

Un héron passe au-dessus des nuages et le ciel s’éclaire. La blancheur évanescente de ses ailes et son long cou deviennent une montagne. Que vois-je ? Qu’est-ce donc que tout ceci ? La huppe toque à la fenêtre et je vois les deux yeux d’une créature impressionnante. Est-ce un ange ? Il se tient sur le toit du monde et s’exprime par le regard pénétrant. Chose étonnante, je comprends son langage. Mon cœur tumultueux devient cette île et le ciel s’y introduit comme le puissant faisceau d’un au-delà.

Miroir 鏡子

Montagne

Mon cœur est un burin qui cisaille les montagnes, et je ne vois plus que L’Un, saisissant de Ses deux mains toutes les étoiles, les comprimant contre Son Cœur, faisant jaillir des myriades de constellations, des nébuleuses endormies, des nuages galactiques, dans l’immensité intersidérale. La montagne est une plume légère comparée aux sombres voiles de nos images, mais voici que Montagne s’assoit et veut nous parler. Sais-je L’écouter ? Elle attend. La terre palpite et s’émeut. Une sauterelle verte s’envole telle la réalité effervescente d’une féerie. Elle était posée près de moi et je remarquai son ventre qui respirait au rythme étourdissant d’un cœur étonnamment puissant. A qui appartenait cette force ? J’observais cet abdomen vert strié dont la couleur devenait quasi surnaturelle. La vie révélait son intensité présente et je touchais le ventre de cet orthoptère, je le touchais doucement et lui parlais. Montagne souriait. De floconneuses et blanches fleurs dansaient.

Entrelacs

Image prise ce jour, quelque part en Gaule profonde…

Chaque grain avait sa grappe, et chaque grappe avait son soleil tandis que nous nous émerveillions des entrelacs du givre. Le soleil argenté, l’auréole de ton blé sur les buées de la lune, car la brume annonce l’automne dont je me souviens, nos pas légers sur les feuilles, au sol embaumé, non loin des rigoles. J’étais ivre de ta présence, comme la connaissance du fond des âges, profondément ressenti à travers la particularité d’une odeur que la terre nous rappelle avec toute la puissance d’un mois de septembre. Quand tes yeux plongent avec cette intensité dans notre regard, mon âme de femme étreint la nuit et je remonte tous les courants, sans que ne cesse un seul instant mon élan vers toi. Puis la femme marche sous le parapluie des arbres et par volute les pins s’épanchent et les montagnes vaporeuses s’élancent prestigieuses. Ô notre entrelac !

Correspondances XXI

Cher,

Il vint ce matin en disant : je n’ai pas peur de l’absence, mais j’ai peur de la perte. Cet homme s’était arrêté sur le chemin et je le surpris comme le rare joyau que l’on rencontre. Chaque fois qu’un oiseau rencontre un autre oiseau, ils se reconnaissent et j’ai pu assister aussi à certains messages pour le moins assez incroyables, ceux qu’ils s’adressent avec une joie non retenue, d’arbre en arbre. Vous rappelez-vous avec quelle surprise, alors que nous nous trouvions dans ce fameux parc, nous avions découvert un immense arbre, vert d’oiseaux ? Ils étaient tous éparpillés sur ses branches et remuaient de façon singulière. Ils semblaient tous honorer l’arbre, avec vénération et beaucoup de lenteur. Comme nous n’étions assurément pas à nous trouver dans une quelconque forêt tropicale, ces oiseaux verts nous apparurent pour le moins insolites. Vous rappelez-vous comme ils prirent ensemble leur envol et créèrent une féerie dans le parc ? Cher, je me suis rendue jusqu’à cette petite et charmante maison, aux abords du bois. J’ai revisité nos pas sur cette allée, j’ai respiré les champs, et les montagnes alentours. La rivière coule égale à elle-même, presque irréelle. Cet homme m’a accompagnée durant un moment et m’a dit : de nos jours les gens ont peur. Mais j’ai bien vu que je pouvais vous parler sans détour. Je regardais à ce moment, en pensée, ce renard qui nous avait fixé de son regard, l’été dernier, puis avait disparu dans les hautes herbes. Les renards n’ont pas peur des hommes. Les renards reconnaissent les vrais hommes. Ils ne sont pas malveillants comme on le croit. J’écoutais cet homme puis je lui dis : je n’ai pas peur, parce que j’ai tout perdu.