Fil d’antan, Les jours de laine, Fil à l’azur, La porte et son pêne, Précieuse à la gâche ! Ruban de coton, Blancs moutons, Mais défile les nœuds, Le rêve s’élève, Grâce des Cieux. Puis, Dame à l’ouvrage, Combien de feuilles valsent ? Je tins une page, Ton livre est un gage. Comme une flambée, Sans même retombée, La tour des âmes, Le tambour proclame, Une pomme verte ! Il n’est pas de peine, L’aube souveraine, L’été s’effaçant, L’heure est suprême. Souviens-toi : je t’aime !
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Nous étions trois, et nous chantions, les soirées longues de nos quinze ans ; puis une année passe et le chant reste ; nous rions et nous continuons : (Petit clin d’œil.)
Es-tu venu,
Pourquoi partir ?
- C'est ainsi que je verrai.
As-tu enfin perçu ?
- Le début m'a beaucoup révélé.
La transparence à l'aurore.
- Qu'es-tu devenu ?
Le jour s'est levé.
- M'aimes-tu encore ?
L'étreinte n'a jamais cessé,
- Es-tu sûr ?
Oui, oui, les gouttes de rosée.
- Comment m'as-tu aimé ?
Un homme aime sa Bien-Aimé,
Je t'aime d'une essence virile,
D'une sève si féminine
La source a dilaté,
Le cœur n'a cessé de te parler,
Ai-je bien aimé ?
Il nous souvient certains moments d’âpre conscience, évadés du rêve, crucialités de la nuit, près de la grande fenêtre du salon. La petite fille n’est pas vraiment une enfant, car la conscience est au-delà même de nos âges. Maintenant, elle le sait. Quand la conscience submerge l’être, il ne reste plus ni espace, ni enclos du temps. L’intense regard, le profond ciel de notre âme, vogue au-dessus de sa propre conscience. Ni question, ni énigme, ni même trouble : la réponse est aussi limpide qu’un éclair dans la nuit. Il s’agit d’une réminiscence, d’une synthèse de tous les âges, d’une goutte nacrée de la mémoire. Elle est aussi chaleureuse que la main d’un ami, peut-être, bien plus encore, car cette présence écarte tous les voiles de l’oubli. Il n’est aucune rébellion, aucun heurt, aucune espèce d’affrontement. Cette présence nous submerge, puis elle se met à parler. Son langage semble étranger et pourtant si familier. L’on aimerait se retourner et l’enserrer avec l’Amour d’un corps, bien piètre corps qui appréhende soudain un hors-espace illimité. Mais le cœur se met à rire, car le langage presque inaudible envahit le ciel de notre âme, puis, c’est la présence qui nous enlace. Cette nuit n’a plus aucun nom, n’a que son instant, uni seulement à la clarté. Celle-ci, ni ne heurte, ni ne contrefait les aspérités. Elle est la limpidité de l’âme retrouvée, la joie profuse de son dialogue intime, de son audible et sustenté enseignement. Oh ! la fenêtre n’est plus une fenêtre. Quel est donc ce scintillement perlé des larmes de la conscience ? Quel est donc cet épanchement, suinté de la force vive d’une vérité éclose à la pointe du jour ? De l’autre côté, la petite fille sourit à l’enfant et lui dit : Enfin, le monde se révèle tel qu’il est. L’aube des connaissances jaillit. Il a dit vrai…
Quand je le vis, j’entrai dans une demeure. Elle pouvait être perçue semblablement à l’immensité, dans un lieu si paradoxalement exigu et pourtant, l’espace le contenait tout entier. L’écho vibrait longtemps, révélant les feuillets d’une phrase infinie. En cette résonance, tout s’immobilisait, et tout s’activait dans un bruissement à peine perceptible. Il se passait cette chose incroyable : le coeur éclosait en une myriade de rosées. Chaque rosée était un univers complet. L’image était plus qu’une image. Elle était un corps ; elle était une infinité de corps. Cela ressemblait à des étoiles, mais il s’agissait, en vérité, de larmes hébétées, devenues des constellations de cristaux musicaux. Chaque larme était un son et chaque son était un mot. Cela tintait et riait. Je les suivais et l’enchantement s’étendait sans discontinuer. L’éternité devenait un rire cristallin, un centre concentrique et une spirale épandue de joie et de beauté.
L’intelligence ne meurt pas, puisqu’elle se cache là même où les pierres restent muettes. Tentez de la saisir et voici qu’elle vous rit au nez. L’intelligence a des milliards d’années, mais que dis-je, elle ne relève plus d’aucun nombre et se tient droite sur la citrouille, comme un homme qui marche lentement sous les étoiles. Elle a les allures fières d’un têtard, que dis-je, plutôt celles d’un lézard. Elle s’inscrit partout où vous semblez ne rien voir, puis elle vous vient par derrière tel un enfant qui vous surprend avec ses deux bras vigoureux et qui ne veulent plus vous lâcher. Elle trébuche sur le caillou d’un très implicite sentier et l’on voit passer un énorme cheval qui vous montre ses dents. Cheval de trait, dans un pré dont on ignore l’âge. Cette intelligence se glisse sous l’oreiller, puis rafraichit les rêves que l’on tarde à oublier. C’est un peu baroque, je vous le concède, mais que dis-je, la sauterelle vient de me confier quelque bonne nouvelle et peut-être que je suis sur le toit d’un parapluie qui vous dit merci comme l’on dit bonsoir, sans jamais se lasser, puisque le vent du large vous taquine et que la petite mélusine s’endort sagement dans un lit de mousses sauvages. Je rêve enfin de t’étreindre et de ne plus jamais desserrer mes bras fous de toi.
Le sillage est intemporel et je me souviens, et je me souviens, alors que je gisais sur la terre d’un autre monde, et lors qu’au creux d’un lit d’éther, mon souffle continuait, continuait, à Te mémorer dans l’antre d’une caverne, Tu es venu me donner au Rappel, Tu es venu me donner au Rappel, et c’est là, dans le désert que la pluie a son sens, et c’est là que je respire sans discontinuer, pour absorber Ton accord, celui en ré majeur. Chaque couleur avait son ciel et chaque ciel avait sa merveille. Comment puis-je l’oublier alors que de Ta main, l’océan s’ouvre encore ? Tu peux me dire des choses, tu peux m’en dire d’autres, je fais « oui » de la tête, le sourire aux lèvres. Tu m’as chantée et je T’ai chanté, mon corps devenu celui qui aime. Je marche encore dans la ville, le soleil éclaboussant son indolence, et la brise murmure dans l’étroite ruelle. Je meurs à chaque instant, et chaque instant me réveille. Ai-je bien clamé le vol d’une trentaine de tourterelles par-dessus le clocher vermeil ? Cette blancheur, est-ce la mouette qui vient des mers lointaines, m’invitant au voyage torrentiel ? Je suis morte à chaque souffle du puissant et magistral écartèlement. Ne sens-tu pas vibrer l’Amour d’une multitude de jours ? Comment vivre et mourir d’Amour ? C’est ici, c’est ici, c’est encore, c’est l’élan d’une création entière, alors que tout commence, dans la nuit la plus obscure.
Si tu veux me trouver, Entre en ce cœur brisé, J’ai tenu les morceaux, Puis j’ai dansé. Si tu veux me voir, Entre en mon étreinte, Puis serre-moi de tes bras, Sans compter L’instant. Si tu veux me connaître, Observe l’hanneton, la fourmi et même l’oie, Suis la légèreté du papillon sur la voie, Puis sème au vent le chant Aimer. Tu me trouveras dans les déchirures, Aux soupiraux de nos rêves à Trois, Entre l’églantier, la rose et le mimosa, Tu me trouveras dans une larme, Puis dans la voix qui s’exclame, Au sein d’une longue invocation, L’apesanteur sans douleur, Le cristal d’une pleine lune, L’écho du vent de douceur, Et nous nous verrons, alors. Qu’importe les brisures, Voici que la voix est un pont, Sur les coteaux aux grappes mûres, Je cours sur le chemin, La joie dans les bras… M’entends-tu dans le la la la ?
La sagesse consiste à prendre le temps de peser toutes choses et de se laisser irriguer des réalités de la vie profonde. Vivre au rythme du pouls terrestre, regarder les nuages, les fleurs, tout cela ne peut être une anecdote en passant. Quand je le vis, je me lançais à corps perdu, à corps abandonné dans les bras de son étonnante magnanimité, dans les confins de sa préciosité. Cela peut sembler aussi fin qu’un cheveu, cela peut ressembler à un proton, l’effet d’une touche précise et délicate. Cela peut aussi ressembler à des milliers d’années-lumières, à une myriade de constellations, aux vents les plus improbables de millions d’étoiles. Tant que le soleil suit sa lune, que voulez-vous qu’il advienne ? Tant que la lune suit son soleil, que voulez-vous qu’il advienne ? Tant que l’Amour est la plus puissante des lumières, et qu’un orbite se met à poursuivre ce qui le poursuit, vous ne craignez rien et vous êtes forts de cette Joie incommensurable qui vous saisit perpétuellement. Celle-ci est le plus grand de tous les boucliers. Voyez comme la lune rit aux éclats, et comme le soleil est fidèle à son amante !