L’île

Il est une île ;
S’est-elle soulevée ?
Je vole.

Un héron passe au-dessus des nuages et le ciel s’éclaire. La blancheur évanescente de ses ailes et son long cou deviennent une montagne. Que vois-je ? Qu’est-ce donc que tout ceci ? La huppe toque à la fenêtre et je vois les deux yeux d’une créature impressionnante. Est-ce un ange ? Il se tient sur le toit du monde et s’exprime par le regard pénétrant. Chose étonnante, je comprends son langage. Mon cœur tumultueux devient cette île et le ciel s’y introduit comme le puissant faisceau d’un au-delà.

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Héron

D’une segmentation s’amplifie la démonstration. Que l’on n’aille pas d’un morceau d’une étoffe saisir l’envergure d’un tissu. Pièce par pièce, le tableau se réduit. Quelle est donc la vue d’ensemble ? L’élargissement de la conscience.

Un Héron avait coutume de se tenir, longtemps, bien droit sur l’étendue d’eau, et du paysage auscultait la moindre herbe avoisinante. Depuis la ride que traçait l’eau, son regard façonnait tout un monde ; mais lorsque son amie la Sterne revenait des pays lointains, elle lui faisait le récit d’un voyage plutôt singulier. Alors, l’infime ride du miroir, où baignaient ses pattes, lui apparaissait, tantôt étriqué et tantôt d’une immensité incroyable, tout simplement parce que cette unique ride était l’interstice où plongeait son âme. Le Guêpier se posait sur la branche d’un arbre, à proximité de son frère le héron, et celui-ci s’étonnait d’être toujours aussi sensible aux couleurs chatoyantes du bel et distingué oiseau. Une abondance de textures, de sensations, de légers frémissements, le menaient inévitablement à l’immutable expression de la Beauté révélée et il levait sa patte avec une douce et grande élégance, tandis que l’univers entier s’écoulait, telle une couronne argentée, à la sommité d’une incroyable unité.

Le Héron

Un jour, j’interrogeai muette, le calme héron,
Qui, au milieu de l’eau, semblait irréel.
Je tournais furtif mon regard vers le ciel,
Et l’oiseau s’envola vers une haute branche ;
Sans doute avait-il entendu ma question ?
Son corps blanc avait déchiré ma nuit,
Le silence comme déconfit de spasme,
En mon âme subjuguée, et je découvris
La réponse irénique que son aile avait tracée.
Alors je remerciai ce noble et grand oiseau.
Tels sont les secrets qui nous bouleversent,
Ceux qui font de la vie, la splendeur d’un tableau.

Image : Héron Gravure by Mikio Watanabe, 2012