Correspondances XLII

Très cher,

Nous ne venons pas en ce monde par hasard. Je pense même que c’est injuste de penser ainsi. Vous avez souvent fait mention d’un paradigme qui nous est propre. Je ne sais même pas si cela est dans l’absolu une vérité. Il me plaît de laisser cela agir. J’ai appris à écouter mes proches. Ils sont d’abord notre réalité immédiate. Sommes-nous alors une sorte de satellite et gravitons-nous autour d’une multitude d’univers ? Un lien étonnement révélateur se met en place et nous voyons qu’il existe un immense puzzle cohérent. Non seulement nous sommes un puzzle, mais chaque pièce de ce puzzle gigantesque renferme à elle-seule une multitude d’autres pièces. Certes, nos conversations restent secrètes pour la plupart et nous avons nous mêmes appris à entrer dans le jeu. Ou plutôt, ce jeu nous apprend à avancer. Il s’agit purement et simplement d’une magnifique danse, merveilleusement écrite. Une chorégraphie vivante. Une fois que nous sommes compénétrés par cet ordre cosmique savamment organisé, nous pouvons enfin regarder sans hâte, et nous glisser hors du temps. C’est à ce moment-là aussi que nous apprenons à voir réellement, sans que rien ne manque à la vision. Cette prodigieuse intelligence de la vie est une surabondance d’informations. Sans être perdus dans la multitude et l’éparpillement, comme le sont les gens qui cumulent des données de façon artificielle, nous vivons l’exception en chaque instant. Il n’y a pas de mélanges. Le hasard est une réalité qui prend sa dimension dans l’unité. Alors, il n’est plus aucun hasard. Combien de fois, lors de nos promenades, ne vous ai-je pas dit : observez et vous serez compris. C’est à dessein que j’écris ces mots, de cette façon précise et non autrement. Je vous quitte pour vous retrouver tout à l’heure. Ce soir, nous recevons du monde et il me faut préparer quelques petites choses pour nos convives.

Votre B.

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