Taureau

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Temps irrésolu,
La force d’une troublante idée ;
Je lui prenais les cornes,
L’agitait dans tous les sens,
De velours noir et féroce,
L’animal se cabrait,
Lumière dans son regard,
La bête fulminait !
Mais je m’aperçus que l’idée persistait,
Sous le olé, l’arène en feu,
Je saisissais encore le taureau,
Devenait soudain femme :
La bête bousculait mes mots,
J’étais fragile et forte tout à la fois,
N’avais qu’un vieux lasso,
Olé ! Olé ! le temps me narguait.
Sitôt le soir venu, la bête s’affolait,
Il s’agissait d’une lutte entre ciel et terre,
Comme elle fulminait,
Je m’accrochais à ses yeux,
L’instant d’après,
Le taureau m’hypnotisa,
Je devins lui et il devint moi.

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Peinture de Thierry Bisch

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Regard

Le ciel s’ouvre,
Au loin s’étendent les montagnes,
Puissance d’un regard.

Les nuages forment un cadre, et l’ombre frémit sous un vent léger. L’éternité, Ô combien émouvante, est apparue subrepticement, et le cœur a failli exploser. Je lançai à voix haute : « Je T’aime ! » et le ciel entier a étreint mon âme. L’arbre, d’à côté, a chancelé. Je T’aime encore plus fort. Que dire si ce n’est aimer ?

Belette

Si la belette, Dame Schöntierlein, nous prête bien d’étranges intentions, c’est qu’à la lumière de nos enfantillages, elle crie presque au désespoir, mais, te rends-tu compte de son étrange propos, arrondi aux angles de sa solitude ? N’aie crainte de voir son petit museau, car dans le fond, elle se détourne des allocutions douteuses. Dans les plaines, au loin, elle s’en va quérir une force mystérieuse auprès du sieur Bison de Péonie. A lui, elle doit tout, même de courir énergiquement, sans éprouver la fatigue. Mais, après de bien longues années de mûrissement, la belette sait remercier ce qu’il advient en dépit des querelles anciennes. Auprès de Bison, Belette a appris la force tranquille des certitudes qui donnent à l’âme, une paix incommensurable et surtout inébranlable. D’où lui vient-elle ? Dans la blanche couverture de nos âmes endormies, le diamant d’une épopée a conquis la grâce, et je vous conte ici, un peu de sa douce beauté. Ne l’oubliez pas ! Son regard s’est exercé depuis une autre rive. Il enveloppe les gens esseulés.

Vivre

Mourir de faim, trébucher sur la souche de notre crucialité, se tordre de douleur comme le pauvre linge que l’on essore, se jeter dans l’océan de l’aspiration et ne plus en revenir, ne plus même oser regarder en arrière, en cet instant, car cet instant nous prend en otage et nous jette sur les flans d’une mer forcenée. Mais rire à s’étourdir, à ne plus lâcher le sort, trépassement du moi inquisiteur et comme nous emporte une vague, puis une autre et encore et encore ! Mourir de soif, les lèvres exsangues de ta secrète attente, mais qu’attendre, qu’attendre, enfin dites-le moi donc, pour que s’apaise mon insolite florilège, élancé par-delà la raison, car, aucune raison ne raisonne l’Amour et l’Amour, tout comme la mort, prend tous les visages et en Lui, je me noie sans jamais résister à sa puissance. Et rire, encore une autre fois, des éclaboussures de l’écume vaporeuse, et ressentir l’étroitesse d’une poitrine, et puis rire encore et voler, comme certains matins, des ailes de nos élans d’Amour, car seul l’Amour nous vainc et rien d’autre, ici, ne nous empêche d’étreindre la folie à bras-le-corps et surtout, surtout, ne plus regarder les cœurs frigides, les cerveaux insipides, la prison des banalités, s’élancer de nouveau ivre et se laisser vivre dans la force de notre Aimé.

Peinture de Charles Courtney Curran

Tourbillon

Ce tourbillon m’a faite invincible et quelque part, au-delà de ce qui est connu, au-delà de la force, c’est là, qu’à tout jamais, je Te trouve. Qu’est-ce qu’être ravagée, si de la tourmente, une autre fois, il naît l’élan incessant de Ton souvenir ? C’est Lui ma destinée. Tourbillon, je n’ai plus peur. Par Toi, je suis aspirée, et par Toi, je renais.

Femme

La plume est incisive des lucidités que l’on préfère taire quand la femme délivrée du narcissisme, des volontés de plaire, de son abîme, quand elle s’extrait des mains du marionnettiste, en elle, en ses jougs inopportuns, quand son âme s’épure des luttes sans fin, quand la parole volubile des babils s’étourdissent des asservissements du corps sous l’emprise, et que libre, libre, libre du regard destructeur, finalité sans fin, sens sans essence, de celui qui l’emprisonne, l’esprit en elle respire et jouit du flux de son être, quand l’âme virile n’est plus annihilée en son besoin de séduire, ni de dominer, quand la femme marche semblable à l’homme, devenu lui-même la femme des principes de gestation et de réception, son souffle devient le filet libérateur des jours de plénitude, des jours de son orchestration, ivre et nullement aux abois. Je ne suis pas ton objet, je suis ton autre toi…