Etonnement

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Tournoiement des Anges,
L’immensité s’ouvre,
Une danse, une ronde,
Nous vîmes le ciel s’activer,
Le vent en rafale ordonnée,
Aux branches du chêne,
Les herbes assoiffées,
Et la voix des nuages nous chante,
Et les ailes à la cime, une offrande,
La force d’une vague,
L’orage, une puissante entité,
Vision vibrant de l’intensité,
Tandis que le rire éclate,
La gorge d’un vallon exalté,
Et que j’aime, que j’aime cette heure féconde,
Le ciel ébaubi d’Amour enchanté,
Les corps s’élancent vers la vastité,
Et nos âmes entremêlées,
Parlent la même langue,
Le cri d’une victoire assurée,
Tandis que le rire continue de dévaler,
Notre complice immensité,
Ta venue s’annonce sans discontinuité,
Et l’on aimerait voler, voler,
Jusqu’à ne plus rien comprendre,
L’on aimerait se jeter,
Sur les flancs de Ton apogée,
Notre journée surprenante,
La pluie telle une nuée.

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Douceur d’un ami

La douceur d’un ami, exceptionnelle douceur, réunit toutes celles qui sont en nous, puis au-delà, cette douceur devient la manifestation du muet étonnement, langage universel de l’âme. Nous sommes ce monde que nous percevons à travers une seule palpitation, celle qui nous donne à l’union. Ardemment, durant mon enfance, j’en avais le pressentiment. J’épousais ciel et terre, mais la terre et le ciel m’épousaient aussi. Il n’y avait aucune sorte de séparation, aucune. Certes, il fallait courir rejoindre un drôle de monde, franchir le portail de l’école, s’assoir avec les autres enfants, écouter l’instituteur ou l’institutrice. Enfant, il me fallut déployer de grands efforts pour ne pas m’échapper par la fenêtre et voler vers les nuages. Il me fallut résister une multitude de fois, face à la puissante attraction d’un autre monde, celui qui jouait avec mes sens. Paradoxes se chevauchant, j’aimais beaucoup apprendre et me concentrer sur le tableau noir, les traces d’éponge se mêlant à la craie. Je regardais l’adulte qui se tenait debout, face à nous et l’écoutais presque religieusement. Mais, je retrouvais l’ami, surtout au milieu de la nature. Il dilatait mon âme et je me sentais littéralement disparaître dans ces sensations étranges, me fondre avec quelque chose que je ne nommais pas. Il n’y a quasiment pas de violence en nous, ni de sentiments de révolte, ni de désirs de conquête. Tout est là. Tout est extraordinairement là.

Insigne

Insignes étreintes,
De mémoire de pluie,
Rive de notre révérence soumise,
De grâce et d’implicite,
Insignes instants,
D’eau gorgée de surprenantes questions ;
Les délicates dentelles,
Infimes dans l’arc-en-ciel,
Que boit un horizon.
Eurythmie du luminaire,
Au diapason crépusculaire,
Insigne bonheur,
Le tison d’un tremblant cœur,
Deux mains qui glissent,
De palpables douceurs,
Sur la terre promise,
Et la beauté nullement ne brise,
Mais par la lenteur acquise,
S’enchante de l’indéfini,
Perpétuel être,
Toi m’as suffi,
Et c’est ici,
Dans le miroitement de notre félicité,
Les luxuriances réponses,
D’une divine beauté,
Sans qu’aucune inconvenance,
Pèse sur ce qui s’énonce,
Plume qui se pose,
D’insignes insignifiances
Sur la jetée qu’écume en silence
Le rouge d’une fleur.

Les esprits

Tous les esprits peuvent se rencontrer, mais quelques-uns ressemblent indéfiniment à deux vagues qui dans un élan extatique, se touchent, du bout de leur blancheur écumée, comme se cherchant avidement, comme affamées l’une de l’autre dans le désert de leur solitude, s’entrechoquant, se fracassant même dans les flux de leurs improbables rencontres, mais transpirant suavement des flux de leur intime retrouvaille. Vagues, qui se mêlant dans le tumulte de leur aspiration, forment à elles-seules le bouillonnement d’un océan. Quels sont donc ces esprits vigoureux, inépuisables, ces esprits trempés dans les fleuves de leur intégrité, de facture semblable, et qui échappent à la rumeur du siècle ? Libres sont ces âmes qui s’élancent ensemble, sans jamais se disjoindre, dans les violences mêmes de leur nature irréductible, s’écartant sans le vouloir de toutes les dissociations et s’unissant dans la plus grande joie afin de s’élever dans l’ivresse de leur incandescence. Deux vagues échappées des sentiers battus. Deux vagues dansantes, ne bravant plus les dangers, ceux-ci même dissipés dans la puissance de leur union. Exaltation pure qui vit, comme ici, comme là-bas, sans faillir à sa réalité.

Notes de piano

Par moment, je ne peux m’empêcher de vivre cette emphase, ces gouttes d’eau perlée sur le plus suave des claviers. Il est comme une sorte de pluie fine sur les temporalités de notre moment qui s’évade dans la légèreté et les yeux subjuguent la lenteur du geste. L’union des souffles tempèrent à peine la gamme des touches et si nous courbons la tête, le corps épouse le corps à corps du noble instrument. Des heures entières qui s’écoulent au rythme incessant des bras voguant avec la précision d’un amant, qui du bout des doigts, chante les rivières mystérieuses du souffle caressé. Insaisissabilité d’une évasion quand ruissellent les vagues de l’exaltation. Doux et imprenables moments. Voici qu’est scandée ma fragilité au bord du rêve quand dispose d’un instant, la lucidité.

Peinture de volegov vladimir

Correspondances XXXIX

Très cher,

Quand nous n’avons plus aucun désir, l’expansion arrive. Il s’agit à proprement parler d’une ouverture qui vient au moment propice. Celui qui goûte à cela ne peut plus y échapper. A ce moment-là, nous ne comprenons pas plus, mais nous sommes saisis par ce qui ravit notre cœur. Pour certains, cela ne vient jamais ; pour d’autres, le cœur est en permanence en cette légèreté et ils ne peuvent désormais plus vivre autrement. Oh ! ils savent sans aucun doute faire les gestes de tous les jours, mais jamais ils ne s’adaptent à ce qui n’est pas cet émerveillement. D’ailleurs, ils marchent précautionneusement sur la terre, ils se promènent en ville de la même manière. Ils ne songent pas un seul instant que le bruit furibond des voitures leur ôte la vision exquise d’un moineau égaré dans les tourbillons citadins, ni n’exclut la lecture des signes qui palpitent comme le cœur venu au monde. Rien, ni personne ne peut leur enlever la mémoire vivante des choses. Ce sont les yeux qui se transforment en une multitude de papillons évanescents. Le visage d’une femme que l’on croise, celui d’un moribond qui suffoque de fantomatiques gestes dans la lenteur de la marche, l’enfant qui geint par caprice, le vent qui saisit les branchages et ces parfums subtils du langage intérieur. Quand nous ne connaissons rien, l’univers devient une page infinie et le corps s’arrête et les bras se lèvent, sans complexe, alors que le corps chante au milieu de la foule, en volutes d’amour. Plus rien n’est ombre, ni même incertitude, mais effervescence de sens que la dilatation ne sait retenir. Les perceptions de cette exaltation enveloppe chaque chose, alors qu’en réalité, nous savons que le monde périt de la séparation. Un jour, l’encre sera asséchée, mais quelque chose de juste, de beau, de pur, de vrai, d’amour nous sera révélé.

De tout coeur,

votre B.

PS : vous confierai-je ceci ? Sachez que ce qui nous semble injuste, cruel, voire laid, ne l’est absolument pas.

Ravissement

A force de voir les couleurs semées aux quatre coins du monde, ces évasements de sonorité complexe, ces étreintes vives et palpables, transfiguration des corps de beauté, sensibilité des terres ivres, libres de toute pensée, que se passe-t-il dans la suspension du regard ? Que se passe-t-il quand le cœur s’oublie dans les abîmes de l’envolée jubilante ? S’appartient-il encore ?

Correspondances XXXVIII

Très cher,

La seule nostalgie que j’éprouve est le présent perpétuel, comme s’il ne savait jamais passer. Est-ce lenteur sur les ruissellements de chaque goutte magnifiée ? Je pose un pied puis un autre comme apprenant à marcher et le pas est aussi titubant que la première fois, mais aussi léger, tel du coton se posant sur la douce terre de notre regard. Ce matin, j’ai touché la terre, l’ai caressée tandis que je la sentis soudain frémir et me parler. Le soleil l’avait réchauffée et comme elle sentait bon ! J’ai entendu alors la terre pousser un cri d’amour. Oh ! rien d’horrifiant ! Bien au contraire, il s’agissait d’une explosion lente délivrant mille délicieuses complicités. Je ramasse souvent les fleurs fanées et les dispose en petits tas. Elles vivent encore et me réchauffent les mains. Elles prononcent, à ces moments, des phrases qui m’invitent à les écouter. Alors, je comprends que rien ne meurt. Absolument rien ! La magie est là, dans le regard du cœur. Même les couleurs pastelles, délavées par le soleil, sont interpellatrices. Tant de murmures dans la vie ! Tant d’apprentissages ! Et si la vie passe, elle ne passe pas vraiment puisque le vivant ne meurt pas. Le vivant est une continuité. Elle nous parle où que nous soyons et par où nous passerons. Ne le pensez-vous pas ? La matière est une grande phrase poétique qui nous révèle une infinité de choses. Cher ami, je vous regarde par moment et vous êtes assis sur la chaise en bois, tandis que vous écrivez quelques notes sur votre précieux carnet. Nous avons tous un petit carnet qui nous accompagne fidèlement, un crayon qui sert de transcripteur de notre voix intérieure…

Bien à vous,

Votre B.

L’étudiant

Tu marchais avec dans les yeux l’ultime et perpétuelle exaltation, frêle dans un corps flottant au vent, tu marchais, enfant encore en ta juvénile adolescence, tenant le livre, et quand le ciel devenait une branche, tu tendais la main. Etudiant, au seuil des longues nuits, quand te berçaient les musiques d’orient, ces notes venues de l’Inde, je les entends dans ton regard rêveur.