Bénédiction

La pluie grâcieuse,
Chantonne chaude et douce ;
Une eau bénite.

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La fourmi

Quand il n’est plus aucune issue, j’entends le roseau souffler sur l’eau. Il danse sur des plissements infinis de vie, et si la tristesse s’attarde sur les côteaux, il suffit de s’y arrêter et la douceur nous prend dans ses bras. Parfois, l’on entend rugir le lion et parfois, l’on écoute la sauterelle. Tant de différence dans la forme, dans le poids, dans les couleurs, et malgré tout, au loin, j’entends le chuchotement de la fourmi. Une seule fourmi, et le ciel se remplit.

La maison 房子

Deux âmes douces et bienveillantes,
Dans les profondeurs subtiles,
Quand leur geste est éloquence,
Voici leurs visages graciles.

Du cœur à cœur,
Sans nulle aspérité,
Faite de révérences,
Que trahit leur silence.

Chacune se parle,
Chacune se repose,
L’ébauche d’un sourire,
La maison, l’une de l’autre.

Le châle

Portrait de Thomas Gainsborough, Angleterre

J’ai coupé le laurier,
Arrondi la lavande,
Soupiré devant la sauge,
Adouci le romarin,
Effeuillée d’automne fugace,
Un instant bleuie par la montagne,
Quelques morsures involontaires,
Sur la chaste bruyère,
D’une vérité qui m’enlace,
Sans encombrantes treillis,
Je marche seule,
A la lune ombrage,
Quand tremble le murmure,
La solitude m’attrape,
Le châle d’une promenade.

Les engins

La lenteur d’un long chemin, celui que l’on ne souhaiterait jamais quitter est en dehors de tout espace et de tout temps, quand même nous serions née ici, je ne me reconnais pas dans les violences conjuguées des engins motorisés. Je suis née avec ces rugissements, mais je reste toujours inadaptée et ces routes de fer et de béton me sont intégralement et définitivement étrangères.

Liang 亮

Dans la petite maison, le feu crépitait et même ronronnait grâce à la théière en fonte qui se trouvait toujours placée sur le feu, jour et nuit, à diffuser une chaleur rassurante. Souvent accroupie, Māmā préparait le repas. Elle lavait dans une bassine les légumes, puis les découpait en fines lamelles sur la planche. Quand il faisait trop froid, elle cuisinait à l’intérieur. Mais la plupart du temps elle aimait être dehors sur la petite terrasse et s’activait avec une telle souplesse que la jeune fille en restait sans voix. Tandis que la marmite faisait son office, Māmā s’activait à la lessive. Comme elle aimait la regarder, trop jeune encore pour mettre les mains dans le bac à eau. Sa mère tordait le linge, le frappait avec une pelle en bois. Puis, elle rinçait le tout dans un autre grand récipient en versant dessus une belle eau transparente et lumineuse. Liang, je sais pour quoi je suis venue au monde. J’y ai réfléchi. Je crois que nous venons tous pour une ou plusieurs choses. Nous devons bien le faire. Nous devons accomplir avec beaucoup d’amour tout ce que nous sommes venus faire. Nous devons ressembler à nos actes. Liang, je sais que je suis venue au monde pour toi. C’est cela ma mission.

Image associée

La muse

De ce vœu,
Jailli du fond d’un tiroir,
Quand même s’essouffle le soir,
Quand galope la nuit,
Sur des coursiers qui traversent,
Les derniers lambeaux ;
Du vœu
Assise, libre
Libre, te dis-je
Libérée
Des collectives pensées
Mémoires effacées
Libre des lourdeurs digestives ;
Du vœu,
Comme l’immensité d’un regard
Incisif et surpris
Du vœu,
Le matin quand tout dévoile,
Le poète boit à la cascade,
Ivre,
De douces heures,
De beauté éprise,
Gouttes suaves,
Au nectar d’or,
Le cœur juteux
Sans amertume
Aux commissures des lèvres,
Jusqu’à la fin,
Le cœur étreint,
Poète qui a vu la muse,
Ô bonheur !
Instant à jamais empreinte,
Quand la muse parle
La mort est saveur
Quand l’homme dort
Le poète pleure
Mais quand l’homme ouvre les yeux
L’encre du poète est une fine sueur.