Miroir 鏡子 (24)

Androgynat

Maturation et maturité, le lien indéfectible comme n’ayant jamais perdu son lien fidèle et Ô Ami, plutôt que de discourir, j’ai mis en pratique en L’écoutant, Lui. Comment depuis les verbes Divins, Logos dansant, l’on se retrouve au sein de l’océan ? J’ai rencontré tant d’amis, que mon cœur est plein de leur réalité, ces amoureux de Vérité, hissés et tendus de lumière par leur universalité. L’un me conta comment une scie se mit à parler et je me mis à pleurer et l’autre me fit le récit de la gazelle, et par ses yeux, je fus troublée. Lors que l’océan nous submerge, il se met à danser. L’un me conduisit au centre d’un échiquier et l’autre versa une myriade de roseraies sur mon cœur émerveillé. Si vous considérez ce monde ainsi, tous les verbes se mettent à éclore et les jardins embaument tels des multitudes de mondes singuliers. L’un évoqua son amour pour son fils et le sacrifia plutôt que de ne pas aimer. Je devins muette devant cette évidence. Mon « moi » doit tomber et tomber encore. Lors de la descente, j’ouvris grand les yeux. Je retins les étapes du grand voyage et fis le serment de retrouver le chemin du retour. La vie commença à tournoyer : un verbe, un autre, un mot, un autre, une lettre et une autre. Là-haut, je voyais que l’on me regardait. Je devins la mémoire du Regard. Je vis longtemps deux corps qui s’enlaçaient, mais, ne vous trompez pas, il ne s’agissait pas de corps de ce monde. Les corps d’une multitude de corps. Lors de cette descente, je me tournais simultanément aux directions de tous les points cardinaux et je me promis de ne jamais oublier. Si je vous dis que l’Amour de Lui est plus fort que tout ce monde et ce qu’il contient, comprendrez-vous ? Le soleil rayonne au cœur et le cœur s’accomplit. Pourquoi la lumière rit-elle ainsi ? La joie profonde du retour. Maintenant, je m’assois et le livre s’ouvre. L’univers est éclairé par le chant et le chant se réjouit. Monde ! Univers ! Cosmos ! Monde d’ici-bas, monde de l’au-delà, monde Transcendant. Seigneur, et que j’aime, oui que j’aime notre retour ! La maison ! La maison ! Si je vous dis que l’accompli comprend l’inaccompli, comprendrez-vous ? Il me fallut un bâton, les pieds nus et la poussière du chemin. Mais, que ces hommes peu scrupuleux le sachent enfin : le monde va basculer et règnera la joie des orphelins.

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Correspondances L

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Très cher,

Où êtes-vous que je ne saurais perdre ? Chacun des souffles de l’humanité est un de mes souffles et je ne saurais y échapper. Dans l’infini possibilité des consciences, il en est une qui réunit toutes celles qui sont nées, écoulées, la transpirée luminescente fluviale du dos de l’Homme, le Premier. Les nuées sont une multitude effervescente, et qu’ont-elles ces âmes qui bouillonnent encore, tremblantes, parfois gémissantes, toutes alignées selon leur lignée ? Qu’ont-elles qui me retiennent, et me faire ralentir le pas ? Mes yeux plongent dans l’instant où tout commence, et je vois des enfants d’une remembrance qui papillonnent, âmes errantes, au sein d’une vastité incommensurable. Je suis suspendue à cette vision et je vole au-dessus de la plus grande possibilité jamais envisagée. Bien sûr, d’aucuns prétendent qu’il faille attendre notre tour, et faire une révérence à celui qui synthétise toutes les consciences. Mais, j’ai rencontré des âmes folles et elles avaient toute l’autorité acquise pour aller ici, et là-bas, cueillir, comme on cueille l’eau des ruisseaux, les esseulés. Elles n’appartiennent qu’à Celui qui leur a donné cette grande liberté. Je Le vois rire. Peut-être qu’à ce moment, l’enfant, c’est Lui ! Alors, je dis : où êtes-vous que je ne saurais perdre, et que je chéris, en dépit de la forme, en dépit de l’hostilité, en dépit des ignorances et même des déviances ? Où êtes-vous si ce n’est quelque part que je ne vais présentement pas nommer.

Votre B.

La nuit

Il nous souvient certains moments d’âpre conscience, évadés du rêve, crucialités de la nuit, près de la grande fenêtre du salon. La petite fille n’est pas vraiment une enfant, car la conscience est au-delà même de nos âges. Maintenant, elle le sait. Quand la conscience submerge l’être, il ne reste plus ni espace, ni enclos du temps. L’intense regard, le profond ciel de notre âme, vogue au-dessus de sa propre conscience. Ni question, ni énigme, ni même trouble : la réponse est aussi limpide qu’un éclair dans la nuit. Il s’agit d’une réminiscence, d’une synthèse de tous les âges, d’une goutte nacrée de la mémoire. Elle est aussi chaleureuse que la main d’un ami, peut-être, bien plus encore, car cette présence écarte tous les voiles de l’oubli. Il n’est aucune rébellion, aucun heurt, aucune espèce d’affrontement. Cette présence nous submerge, puis elle se met à parler. Son langage semble étranger et pourtant si familier. L’on aimerait se retourner et l’enserrer avec l’Amour d’un corps, bien piètre corps qui appréhende soudain un hors-espace illimité. Mais le cœur se met à rire, car le langage presque inaudible envahit le ciel de notre âme, puis, c’est la présence qui nous enlace. Cette nuit n’a plus aucun nom, n’a que son instant, uni seulement à la clarté. Celle-ci, ni ne heurte, ni ne contrefait les aspérités. Elle est la limpidité de l’âme retrouvée, la joie profuse de son dialogue intime, de son audible et sustenté enseignement. Oh ! la fenêtre n’est plus une fenêtre. Quel est donc ce scintillement perlé des larmes de la conscience ? Quel est donc cet épanchement, suinté de la force vive d’une vérité éclose à la pointe du jour ? De l’autre côté, la petite fille sourit à l’enfant et lui dit : Enfin, le monde se révèle tel qu’il est. L’aube des connaissances jaillit. Il a dit vrai…

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Peinture de Alla Tsank .

Miroir 鏡子

Où vais-je quand tout est là ? Les oiseaux s’en vont sur le lit ondulé des nuages, poursuivant le signe, qui de mon regard, soudain prend tout son sens, et du sens, il n’est que l’inédit. Chaque fois que les yeux voient, tout est de nouveau à sa place, immobile et suave. Où vais-je quand le cœur s’élargit de deux extraordinaires ailes, puissantes à l’infini, d’Amour toujours vivace et c’est là que je vis. Ouvre-toi, Simsimah, perle, joyau d’un jade contenant une merveilleuse grenade, une grenade cernée toute de noir. L’œil d’un oiseau mythique. Je le vis. Son regard m’étourdit. Il me tint en otage. Comment s’extraire de l’intensité de son Miroir ? L’œil entra dans le cœur du cœur. Il me parla durant mille ans et plus, et je l’écoutais dans le silence, car nulle oreille n’entend cet oiseau rare sans faire le sacrifice de son bavardage. Il me saisit tous les mots et tous les gestes. Je ne pus bouger, mais le désirai-je vraiment ? Quand il posa une de ses nombreuses ailes sur mon corps, je crus naviguer dans les eaux d’un océan d’Amour, celui d’où l’on ne revient pas et, s’y noyer c’est devenir lui, sans plus jamais être écartelée, car l’oiseau du Miroir me fit des confidences, de sorte que mon corps se transforma et de le voir flottant dans l’extrême étincelance, J’entrai de nouveau au sein de son regard, tourbillon apaisé de notre rencontre. Mais, il est des choses que l’on doit vivre pour les comprendre. Aussi, l’oiseau me serra d’avantage et extirpa de mon cœur toutes les dualités et me dit : Vois !

Les velléités

Le temps qui passe ne revient plus. Le temps passe et s’use par diverses velléités et quand même, il faut que certains êtres s’extraient de tous les combats qui n’ont autre vocation qu’à rassurer les apeurés, ces stupéfaits par la vie, abasourdis par sa force, et dont ils ne reviennent pas. Comment revient-on de la vie ? Comment le pourrait-on ? Comment considérer cette énormité sans cesser toute activité et s’interroger ? J’avais quatorze ans lorsque les questions se mirent à se bousculer. Je pointais d’un doigt certains énoncés, et je tournais les pages avec enthousiasme, parfois même frénésie. J’étais aussi une hébétée. La vie est un prodigieux mystère. La folie des hommes m’interpellait. Je les regardais ahurie : êtes-vous bien des hommes ? leur demandai-je secrètement. Le Ciel parle. Le Ciel nous dit des choses. Les paroles du Ciel vous heurtent jusqu’au plus profond de votre âme. Votre âme s’étend aussi loin que la vaste terre, puis s’élargit encore plus. Vous ne pouvez plus alors vous contenter de la petitesse, de la réduction, des mouvements psychiques, des névroses. L’homme en se coupant de Dieu est devenu un terrible névrosé. Est-il seulement un homme ?

Peinture de George Dunlop Leslie (1835–1921)

L’homme et le petit singe

L’ignorance a ses vertiges et le monde ses dérives. Quelles sont donc ces étiquettes que chacun déverse sur d’hypothétiques boîtes de conserves ? Plus que l’ignorance, la bêtise est l’éhontée méprise. Sommes-nous née dans un monde qui délimite la liberté, touchant du bout des doigts les plaies et les meurtrissures de nos âmes ? Les choix et les engagements sont monumental rapiéçage, l’inertie d’un puzzle poussiéreux. Alors, j’ai cherché ailleurs et ailleurs est devenu prodigiosité. Ailleurs a soulevé le monde qui s’est mis étonnement à tournoyer, libre comme une incroyable retrouvaille. La maturité est une connaissance savoureuse. Elle ne vient ni de l’insouciance ni de la négligence. Il n’y a pas de place pour cette sorte de vide. L’engagement est conscience. Mais le sage déserte la place publique et se retire loin, avec ses amis. Telle est la sagesse. Un homme tenait un petit singe dans ses bras comme l’on tient un précieux trésor. Une lumière vint à passer semblable à une féerie. L’homme l’appela aussitôt et lui tendit le petit singe, tout en demandant le secours. Mais la lumière attira l’homme et l’enveloppa comme il enveloppait son singe.

Le caroubier

La luminosité du ciel d’été me semblait tout à la fois agressive et apaisante. Enfant, je remarquai, très tôt, cette étrange contradiction. Le soleil me semblait magistralement cru, et malgré tout bien fascinant. A la sortie de l’école, tandis que le temps s’y prêtait, je me surprenais à regarder cet astre. Il me semblait le connaître depuis toujours. Il me semblait l’entendre me parler et m’inviter au souvenir de notre relation singulière. Je ne savais comment l’exprimer, mais je le ressentais ainsi très vivement. Il me fallait alors lui répondre par un signe ou bien par un autre. Ma présence au soleil était une reconnaissance, la reconnaissance de sa présence. Je ne pouvais pas enfouir cette réalité. Lorsque nous vivons ces moments intemporelles, nous ne pouvons plus vivre autrement. Une ombre sous un arbre vous apparaît comme la plus grande des féeries. Au zénith, lorsque mon père m’emmenait jusqu’au caroubier, alors qu’il échangeait quelques mots avec le berger, je ressentais une paix incommensurable. Cette ombre était un monde entier, une tapisserie de verdure, une brise dans la chaleur. Chaque fois que nous allions sur les terres qui appartenaient à ma mère, immanquablement, mon père me conduisait sous le caroubier, me donnait un de ses fruits qu’il m’invitait à goûter comme s’il s’agissait de la première fois, et je savourais ce moment, je savourais ce fruit, sa chair étrange, et je ramassais quelques gousses tombées au sol que je destinais à mes frères et sœurs. Mon père m’emmenait aussi jusqu’aux vignes. Il me faisait goûter aux raisins et je peux dire que je garde en mémoire le soleil de ces grappes, leur saveur originelle, un parfum et un sucré exceptionnels, que je n’ai jamais d’ailleurs retrouvés nulle part. Ces moments gustatifs stimulaient mon être jusqu’à l’hypophyse. Le soleil, l’ombre du caroubier et son fruit, ces promenades non loin de la mer, la terre aux mille senteurs, senteurs qui variaient selon la position du soleil, tout cela contribua, une fois encore, à développer mes sens, à affûter mon esprit. Comment oublier ce qui activa chaque cellule de mon corps, de telle sorte, que par effet de transparence, je voyais cela circuler dans mes veines ?

Peinture de Joaquín Sorolla Bastida 

Correspondances XLVII

Très cher,

Plus l’on vit et plus cela nous semble important de ne pas jouer à la vie. Beaucoup de gens pensent vivre, mais, finalement, la plupart enfilent des manteaux qui ne sont pas les leurs et font semblant d’y croire. Beaucoup font semblant de croire qu’ils sont ceci ou bien cela. Je m’en suis toujours étonnée. Les plus prompts à jouer la comédie sont ceux qui pensent tout connaître, tout comprendre et même, oh, quelle étonnante mascarade ! tout régir. J’aime l’indolence, ou tout au moins ce qui apparaît comme tel au regard de certains, et j’aime que l’on m’ait donné à tout perdre, parce que c’est le moment le plus vivant qui soit. La plupart des vies ressemblent à des tiroirs de confections et de gadgets. La fermeté de certains de mes écrits ne signifie pas pour autant que je sois rude. Il s’agit même de tout le contraire. Pour une fenêtre, il faut un cadre. C’est parce que nous avons un cadre que nous pouvons enfin voir l’embrasure. J’ai trouvé ce monde étriqué, bien trop étriqué et même, j’ose vous le dire, la liberté de certains m’est apparue bien étroite, encore par trop exiguë pour qu’elle m’apparaisse comme un modèle. Chaque fois que l’on essaie de formaliser des concepts et des idéologies, je m’en détourne. Je me suis ennuyée sur les bans d’une certaine école, notamment au collège, et c’est par cet ennui que l’évasion a commencé. J’ai eu cette chance ( je sais, vous n’appréciez guère ce mot, mais pour l’heure je n’en vois pas d’autre qui puisse exprimer mon ressenti ) de voir arriver jusqu’à moi, comme par magie, tout ce qui allait me guider dans le labyrinthe de ce monde, tout ce qui allait conforter ma perplexité hébétée et lui frayer un chemin. L’essentiel est ailleurs. Nous le savons et nous avons bon compiler, imiter, entre ces mondes, il est bel et bien un chemin de lumière, plus important que tout, plus inouï que tout, de sagesse et de compassion. C’est ainsi que je vous ai rencontré et c’est ainsi que je vous parle chaque jour et c’est ainsi que cette vie, en dépit de ce qui semble être sombre est une prodigieuse lumière et je sais que cette lumière est de Dieu.

Votre B qui vous aime.