Le monde

J’ouvris les yeux :
Le monde fut ;
Celui de la durée.

Qui es-tu qui fus avant mes yeux ? Mon cœur te trouva et s’y aventura. Tu étais inconnu et connu tout à la fois. J’entendis ce petit bruit au plus profond de moi. Nous dansâmes alors tout le long des jours et des nuits. Nous nous retrouvâmes et dimes : « Est-ce bien toi ? » Le monde fut, celui de l’autre monde, aussi.

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Peinture de Anelia Pavlova

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Temporel

Chaque instant, nous mourons ;
Chaque instant, nous renaissons ;
Chaque instant se perd dans le continuum.
D’où vient notre illusion ?
L’enfant tisse au pôle réfractaire, son propre rêve.


Nous nous sommes accrochés à une projection temporelle. L’enfant s’assouvit dans l’inachevé. Il cristallise la matière, solidifie son rêve et fabrique son enfermement. Si nous nous réveillons avant la mort, nous connaissons la présence de l’instant.

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Photographie de Lewis Carroll, Xie (Alexandra) Kitchin.

Lumière auguste

Chaque instant, le non-instant,
Une horloge précise,
Rythme du cœur.

Il est soudaineté de Lumière, la vie émue d’un petit pas, notre Dame. Que ta Sainteté drape nos âmes ! Femme du tout-instant. Femme du non-instant. Station virginale du repos et de l’élévation. Quintessence de connaissance.

Rêve d’une horloge

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Une horloge pivote, cligne des yeux et le balancier sursaute. Il lui vient des bras et des pieds, des pupilles pour regarder. Elle s’étonne tout rond d’un drôle de monde et s’immobilise l’instant d’un vol d’épervier. Son cœur s’élance dans une course-poursuite, le temps d’un pigeonnier. Plus loin, elle prend ses jambes à son cou et se met à voler. Ne lui posez aucune question, elle devient invisible et rougit à l’heure qui cogne fort tout contre ses aiguilles. Cette horloge n’est pas de ce monde, vous en conviendrez, mais chut, le sablier la vient compagner. Il lui fait le récit d’un voyage jusqu’aux dunes d’un fabuleux désert, et savez-vous ce qui lui est arrivé ? Il a rencontré le célèbre marchand de sable et une créature ailée. Cette dernière lui révèle le secret des montagnes, pourquoi elles s’agitent le soir et comment elles attendent l’heure. Alors, l’horloge l’interroge sur leur secret, mais, la créature ailée s’envole dans un ciel parsemé d’églantiers. Les pétales rougissent et plus loin, l’horloge voit s’effacer mille océans, tandis que sont déversées des flammes tentaculaires et le monde de s’écrier : Comment ferons-nous si les océans disparaissent ? L’horloge pivote de nouveau et tremble de tout son balancier. Le temps s’est-il écoulé ? L’horloge sait que cela n’est rien devant la vérité… Rien de cela n’a vraiment existé. Le monde et ses bruits ; la ville et ses orgies ; la cruauté et les dénis ; les heurts et les combats ; les couleurs et les émois ; Elle n’y croit pas. Elle se plante toute droite, et n’y croit pas du tout. Ces gens sont des fous incarcérés, mais ils ne le savent pas.