Très cher,
Le temps de l’amour ne se compte pas, tout comme le temps des mots ne se compte pas non plus, ni le temps de savourer l’âme des mots. L’écriture est semblable aux mille sucs que l’on pressent dans la plus intime des amitiés, celle qui ne se disperse jamais, car, tel le fil d’Ariane, l’on sait où aller. Ce chemin tracé est une reconnaissance, et cette touche légère de la complicité est de nature à éveiller. Oui, cela est prodigieux, cela est la lumière qui nous parle et nous dit : entends-tu ? Je lui réponds sans hésiter : oui, je t’entends et je perçois même que nos âmes parlent à l’unisson, qu’elles échangent une douce, très douce promesse, entente que je sais être véritable. Bien sûr, cette promesse est un au-delà. L’amitié est un au-delà. Sentez-vous que je suis heureuse comme un pinson, et que je chante comme les gouttelettes de pluie ? La fauvette lance son suave parfum et éclabousse le ciel de sa générosité. Le rossignol entonne un air qui ne saurait altérer les airs printaniers. Quelque chose du lilas et même de la grisaille soudaine me fait remonter au temps de mes marches, alors que j’étais à me promener dans la campagne, un livre sous le bras, ravie de pouvoir communier avec les mots, avec les chants de tous les oiseaux, et, que dis-je, tout l’entourage. Il m’arrivait de partir rejoindre mon frère qui était hospitalisé à une dizaine de kilomètres, à cause d’une lourde fracture du bras. J’étais bien jeune et je connaissais la route par cœur. J’allais lui tenir compagnie, durant les longues après-midi du samedi. Je me sentais aussi légère que le doux lilas, flottant ça et là. J’admirais les beaux jardins, perdus parfois dans d’étranges demeures qui me semblaient féeriques. Une fois arrivée, je serrai tout contre moi mon petit frère, fragile et perdu au milieu des draps blancs. Je lui lisais des petites histoires ou finissais de lui tricoter une écharpe en laine rouge et blanche, pour l’hiver prochain…
Votre B.