Miroir 鏡子

Le centre

Quand je le vis, j’entrai dans une demeure. Elle pouvait être perçue semblablement à l’immensité, dans un lieu si paradoxalement exigu et pourtant, l’espace le contenait tout entier. L’écho vibrait longtemps, révélant les feuillets d’une phrase infinie. En cette résonance, tout s’immobilisait, et tout s’activait dans un bruissement à peine perceptible. Il se passait cette chose incroyable : le coeur éclosait en une myriade de rosées. Chaque rosée était un univers complet. L’image était plus qu’une image. Elle était un corps ; elle était une infinité de corps. Cela ressemblait à des étoiles, mais il s’agissait, en vérité, de larmes hébétées, devenues des constellations de cristaux musicaux. Chaque larme était un son et chaque son était un mot. Cela tintait et riait. Je les suivais et l’enchantement s’étendait sans discontinuer. L’éternité devenait un rire cristallin, un centre concentrique et une spirale épandue de joie et de beauté.

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Miroir 鏡子

Absoluité

L’absoluité fut le lieu du seul possible, le relatif, extinguible de façon continue. Le temps, le prétexte de l’intemporel, le non-lieu d’un mouvement. Le centre invisible, l’aspiration du souffle. Ainsi est la mort. Sans cette inévitable échéance, le possible ne peut naître. L’instant est une mort consciente. En elle est rendu visible l’invisible. En respirant, je connus l’apnée. Entre les deux, l’isthme du silence. Telles furent les éloquentes confidences du scarabée lunaire. Il vécut l’énigme jusqu’au bout et orna le centre du Miroir. Celui-ci reçut les parures subtiles de maître scarabée. Néanmoins, nous savons que le Miroir naquit bien avant le beau coléoptère polyphage. Encore une merveille qui demeurera secrète, excepté pour les amis du Miroir.

Miroir 鏡子

Le Chêne d’argent :

Du peu de chose, du peu de rien, du détail et des lendemains, lors des étreintes vives et des légèretés de nos phrases, car, de ne plus dire, est encore un langage, et de subtilités, nous marchons sans même nous retourner, tel est notre Destin. L’étoile au sein d’une multitude d’étoiles a inspiré l’instant et le ciel, en petites gouttes estivales, parfument nos pas sur le chemin. Quand le livre s’ouvre, lis-tu à l’endroit ou à l’envers ? Lustrales aurores et l’unique segment de lumière arrose le cœur d’un jardin. La Terre respire, la Terre nous livre sa présence au creux de la main, tandis que les hommes craignent sa colère, un enfant s’émerveille de sa grandeur. Un elfe des grandes forêts primordiales sème à l’horizon une guirlande de pétales, tandis que parle sagement le dernier vestige d’un homme crépusculaire. Nous sommes assis et je l’écoute durant trois jours et trois nuits.

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Paroxysmique paradoxe

Dédié à l’Ami, dédié à tous ceux qui sont cet Ami, car l’Ami a tous les visages des Amis, femmes ou hommes, nous sommes ces Amis mutuels.

Inébranlable forfaiture, mais Ô pur Amour !
A la seconde des ramures qui viennent de naître,
N’ai-je pas consenti à ne plus autrement être
Qu’en la transparente déclinaison d’un noble jour ?

Indéfectible outrance, Ô nitescent séjour !
Dans la clarté de nos gestes et complice Maître,
Nous vivons pour Te magnifier et Te connaître,
Et je gage qu’avant longtemps, arrive Ton tour.

Il n’est point d’instants justes qui ne se lamentent ;
Il n’est plus de remous, ni de larmes violentes,
Car au-dessus, bien au-dessus, se balance un fanal,

Et c’est par lui que les justes suivent le Guide,
Car, quand pleurent les femmes, malheur au vide !
Quelque part, à l’horizon, sombre déjà le mal.

Peinture de John Maler Collier (1850-1934)

Miroir 鏡子

Nam Gye-u | Butterflies and Peonies | Korea | Joseon dynasty (1392​–1910)

L’Orient virginal s’élève par le feu éthérique, celui qui ne brûle pas, et les bêtes le savent, celles mêmes qui, parfois aussi fines qu’un cheveu, vous font mille et une salutations secrètes. Bercée par le songe, aussi scrupuleux qu’un crépuscule hybride, se lamentant des sèves descendantes d’une plante, voici que l’âme voyage. Elle pose une main sur la vision et comprend que l’invisibilité est de l’autre côté, du côté du véritable rêve. Le rêve s’éveille et les multitudes opaques se brisent comme un verre de cristal. En allant de ce côté, la vision est éclatante et l’âme parle. Ce ne sont plus les bruits insolites, ni non plus les fissures d’un ancestral mur, mais bien d’un univers qui plane. Est-ce au dedans, est-ce à l’extérieur ? L’âme fait quelques pas. Peux-tu nous confier, Ô Cristal, le secret d’un tel passage ? Alors, les formes informelles se rangent toutes devant elle et font une révérence. « A la rosée lustrale, il est un feu ardent. Celui dont le cœur est touché par sa lumière, connaît toutes les tourmentes, mais parvient au monde des connaissances. Substratum. Tel est doux aussi le frôlement d’une sauterelle, ou bien d’une libellule. Tel est l’indice d’une pluie estivale. Chaque seconde est une réponse au substratum. »

La licorne et l’âne

Tapisserie : La chasse à la Licorne

Un prince avisé et éclairé parlait à une Licorne. Elle était farouche et peu encline à la conversation, ayant vécu, jadis, une expérience assez douloureuse. Il lui avait fallu plonger dans les plus improbables mondes, ceux des merveilles qui se traduisent, la plupart du temps, par de la musique selon l’entendement des mortels, les mots s’étant transformés en symboles essentiels. Il lui avait fallu remonter des abysses que l’on traverse durant plus de soixante dix mille ans. Divers bassins s’étaient ouverts, chacun portait un nom spécifique. La licorne blanche et éthérée avait retenu les noms de tous ces prodigieux bassins. Ils étaient gravés en elle de la façon la plus incroyable. Pourtant, sa virginale robe était à l’image même de son âme. Elle avait trempé dans tous les éléments de la création et avait connu une infinité de mondes et autant de ponts. Il serait long ici de conter son périple, mais la licorne ne dédaigne personne. Sa nature, présentement, est ainsi, et lors qu’elle apparaît, il faut y voir le plus doux des présages et ne projeter sur elle rien du monde actuel. Elle n’appartient plus à la nature éphémère. Elle est au seuil, accueillante et bienveillante. Le sage prince lui parlait jour et nuit, et savait se tenir à distance. Il comprenait la Licorne et la saluait chaque matin. Il la remerciait d’être là. Elle avait mis du baume à ses plaies. Un paysan qui passait par là, avec une grossièreté déconcertante, demanda subrepticement : A qui donc parlez-vous ainsi, Ô prince de cette contrée ?

Je parle à l’être le plus féerique qui soit, lui répondit-il, avec beaucoup de simplicité.

Alors, le paysan regarda alentour et aperçut un âne. Il se mit à rire et se moqua du prince. Celui-ci lui répondit par une plate indifférence. A travers les yeux de l’ignorant, la licorne se montre semblablement au petit âne dans un pré.

Histoire de la carpe et de la grenouille

青蛙和鯉魚

Il était une fois une petite grenouille qui regardait le monde avec beaucoup d’étonnement. Il arrivait qu’elle se confiât à sa belle amie la carpe. Celle-ci lui fit découvrir une petite margelle sur laquelle venait s’assoir une jeune femme. Cette dernière aimait dessiner discrètement les poissons et les grenouilles. De fait, elle aimait les points d’eau ainsi que la verdure. Ce monde lui semblait enchanté. Assis sur la margelle, elle observait le vent léger et les insectes. Il est vrai que la carpe et la grenouille l’attiraient beaucoup. Sans doute par elles, la jeune femme apprit à dessiner les couleurs chatoyantes et vives du printemps. Cela remontait à son enfance, quand la beauté devenait silence. Le silence n’est pas à l’extérieur, mais plutôt à l’intérieur. Le silence est une paix infinie, une certitude. Ce sont deux amies inséparables qui me l’ont confié, avec toute leur délicatesse et leur générosité . 他們的謙虛適合我和衣服我

Edelweiss

La paix vient du lointain pays.
Un Roi marche,
Le cœur étrangement épris.
Quelle est donc sa rêverie ?

La paix l’enlace,
Ses genoux fléchissent,
Le monde glisse,
Une main le bénit.

Un Roi devenu sage,
Sur le flanc d’une montagne,
Son cœur edelweiss,
Caché dans un écrin.

Combat

Le soubresaut de ton corps ne désire pas s’extraire des fougères de tes nuits et l’ombre menaçante est semblable au dragon qui poursuit sa chimère, et c’est bien lui qui rêve de l’épaule adjacente, où repose sa tête tremblante. Quand le soleil brûle de mille feux, triste et ravageur incendiaire, il vient de ses yeux embrumés de sueur chanter rauque sa prière. Dans l’infinie solitude de ses transports meurtriers, accablé au fond des vallées endormies, il s’affale au crépuscule et son chant est semblable à un gémissement fragile. Le Fleuve Jaune ne saurait l’emporter loin, mais il le regarde avec l’indifférence des morts, quand du bouillonnant sort, la bête sombre au fond de ses écumes amères. Il se voit franchir les obstacles de la torpeur, puis tournoyer au dessus de tous les leurres. Alors, sa peau devient vocable et au ciel, il voit soudain un éclair. Mais est-ce bien ce que ses yeux pourchassent ? Quand s’exclame alors du feux de ses entrailles, sa ruine, le soleil est jaune du torrent de ses larmes. Le fleuve l’emporte violemment, charriant les limons de son corps éventré, et lorsque les rives l’encerclent de leurs bras convulsifs, la bête n’est plus la bête. Au milieu des roches, un cœur rougi par les larmes, un cœur que les lambeaux ont déchiqueté sans pitié, un cœur sur la grève échoué qui s’enflamme, des puissances d’un amour douloureux et secret.