Coquelicots

Les coquelicots consanguins à la terre nourricière,
Cœurs en volée sur les fines tiges vertes,
Telles rougeurs incisives et légères,
Du carmin vif à bout de pinceau,
Touches volubiles librement offertes,
Jusque dans l’expiré de tes gouttes d’eau.

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Lilas

Le lilas me suffit dans le vent ensoleillé.
Si les arbres courtisent les saisons,
Je m’en vais sans sourciller.
– Combien as-tu dans ton panier ?
– Aujourd’hui, je n’ai rien ramassé,
Mais le cœur est bien rassasié.
Il fait bon.
Puisque je sais me contenter de quelques lilas,
Et mourir de vivre doucement.

Histoire d’ange

L’ironie n’est pas de douter,
Quand le rire n’a jamais aimé,
Le cœur n’est pas un allié,
Mais que dire du forcené,
Puis de celui qui s’est invité ?
Dans l’ingratitude. Or, nous marchons
Dans les prairies indomptées,
Écorchée du rocher ,
Puis du ruisseau abreuvée.
Je ne pleurerai pas la vie qui s’est ainsi offerte,
Quand même les moutons broutent dans les prés.
J’ai vu danser les pluies de poussière,
L’âme est bien plus forte,
Que ces mots qui n’ont pas saigné,
Mais ils ont volé avec la légèreté :
Nous marchons, et si la mort rôde…
Quelle mort quand les morts sont somnolence ?
La vie les a simplement rattrapés.
Dans la montagne, l’aigle a tournoyé,
Tout près d’une colombe, exalté,
L’air des cercles de son amour,
Dans les campagnes, nous marchons.
Même le diable s’est effrayé,
Dans les décombres désencombrées,
La vigne mûre des joies de nos envolées,
Je l’ai vu s’enfuir dans les brumes,
Tandis que l’ange a chantonné ;
Il nous a trouvé à la cime d’une branche :
Je lui ai dit : je te lègue une réponse…
Je suis heureuse puisque je t’ai aimé.

L’audace

L’audace d’aimer langoureusement,
L’audace de l’amour sans cesser ;
L’audace de vivre l’épanchement,
L’audace de ne jamais s’arrêter ;
Aimer sauvagement,
L’amour à bras révélés,
Aimer dans sa charpente,
Aimer dans l’audace d’aimer,
Puis dire : j’aime de ne jamais cesser d’aimer,
Quand aimer a commencé.

Châteaux imprenables

S’évader des châteaux imprenables,
Comme d’irisés jardins,
Sous les blanches tonnelles,
Quand la sauge et le romarin,
Courtisent les nouvelles,
Les amitiés que l’on sème,
Dans le vent du doux printemps,
L’abeille et le bourdon,
D’irréductibles compagnons,
Dans le soleil de notre violoncelle,
Les vertes fragrances de l’instant,
Que dis-tu de notre beauté fraternelle,
Résistante, et que font donc tous les moutons ?

***

La peinture est d’Anna Bilinska-Bohdanowicz.

Le monde rêve

Le monde rêve,
A rêver derrière un rideau de sable,
Emmuré de lichen, de beauté naturelle,
Bien souvent coupable,
Puis de joie sans trêve,
Quand le piano s’en va,
Sur les marges de la grève,
Entends-tu le rêve,
Désormais uni à toi ?
Sur les ailes de notre sommeil,
Nous irons par deux,
Comme les touches légères,
Suspendus, aux douceurs incertaines,
Évitées, comme de notre émoi,
Le monde rêve,
Je sursaute des étreintes,
Noyée dans le rêve,
D’un certain matin,
Quand tu murmures sans fin,
L’indécise querelle,
La brume de ton parfum,
Au pied des jeunes boutures,
Ton poème, sans contrainte,
Comme une aube nouvelle
Ma douce parure,
Je cherche ta main.

Ironie du sort

L’on voudrait se suspendre,
A l’amour frileux,
Au milieu des bois,
Perdu,
Dans je ne sais quel scénario,
Puis rire de joie,
Comme ne pas…
Quand il n’est aucun sens,
Il n’en est pas.
C’est alors qu’un monstre surgit,
Du fond des gorges mendiantes,
Et le fin mot fut de surcroît.
Quelques ombres nécrophiles aux abois,
Quel jeu dans la perdition de narcisse,
Ou bien est-ce la dérision du moi ?
Ne jamais se moquer des friandises.
Je ne dis pas que le macabre,
Dans le fond est une horreur,
Mais cela me surprend,
Quand de sens il n’en est pas,
Alors, par où dois-je aller ?
Non, non, ne me le dites pas,
Ça ne se fait pas.
J’ai rencontré le sort.
Croyez-moi !
Il ne joue pas.

Neige

Je suis morte d’avoir vécue,
Et je porte l’espoir de ne jamais mourir,
Puisque dans la vastitude d’une seconde,
Je vis d’être morte sans avoir franchi l’éternité ;
Mais d’elle, peu connue, vient le souffle de liberté.
Je suis vivante d’avoir saisi l’odeur,
D’une feuille gisante,
Dans le bleu ciel d’été,
Mais que l’on me rattrape,
Je cours aussi vite, sans être brisée,
Vivre le monde et n’avoir jamais été,
Quand le vivre devient une note effusive,
Sur les touches d’une neige endeuillée,
Des myriades de touches libres,
Libre d’aimer et de rêver.
Je meurs encore chaque flocon esseulé.

Le mot juste

Le désir d’écrire,
Comme bu dans le silence,
Évanoui dans la présence,
Par nos désirs unis ;
Deviner le mot juste,
Éperdu de satiété,
Quand le monde est serein,
Du cœur qui vient hébété,
Le violon s’éteint qui danse,
Au vol frémissant d’un aigle passager,
Mais la plume trempe lentement,
Dans la valse surprise en transe
Alors que l’éternité éclot de réjouissance
Puis s’émerveille du cœur de ton essence.
J’ai ensuite entendu les croches noires et blanches,
Aux ruisseaux vibrant de ta voix,
Quand de nos heures proches,
J’ai respiré ta bienveillance,
Sans que ne soit perdue la moindre sentence,
Puisque l’amour toujours ensemence.