Vol

Ô ce vol, mon cœur,
Tu en as fait un voyage,
Cet indice que tu traces.

Serons-nous délivrés du rêve ? La joie ineffable d’une trêve et le couloir de nos pas, voici la lenteur du geste, le regard s’en va.

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Peinture de Federico Infante

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Perle

Quoi que l’on dise,
Quoi que l’on pense,
Elle partira avec Amour.

Pensez au dernier souffle ; voyez comme il vous enveloppe et vous arrache d’ici. Que restera-t-il si ce n’est la perle ? Elle avait ce projet de s’étendre, de vous révéler, puis, de recentrer votre âme lors du départ, lors de la continuité. J’entends les voix. J’entends les corps. La perle vous visite sans relâche et vous étreint. C’est cela qui nous émut. C’est cela qui nous tint droite sur le socle terrien.

Essence

Voix élévatrice,
Le cœur répond :
Ai-je jamais été séparé ?

Là, mon ami, là, nous nous sommes rencontrés et depuis le là nous parlons. Nous rions aussi. Nos mains jointes, nous reconnaissons ce long et beau voyage. Chaque jour, nous avons cueilli un fruit bien mûr et chaque jour, nous avons été émerveillés. Mon ami, quelle joie ces douceurs qui se sont élevées jusqu’à l’essence ! Ou bien est-ce l’inverse ?

Les ailes

Le rougeoiement du cœur,
Semblable au désir insatiable,
Les effluves d’un voyage.

Où s’en est allé le bruit furtif des ailes,
Noyé par les rougeurs du ciel ?
Et où s’en est allé le regard incertain,
Aux sillons brefs du matin ?
Où s’est donc alangui le soleil,
Quand les oiseaux s’échappent au firmament vermeil ?
Les a-t-on suivis sans que rien ne nous retienne,
Ou bien s’est-on appesanti sur ce que crayonne
Un cœur tout étourdi ?
Reviendront-ils nous donner quelques nouvelles,
Là où leur bec pointe ivre et, l’étendard qui flotte
Au sommet d’un autre monde ?
Je vais avec eux sans plus attendre,
Ces ailes frémissantes et haletantes
Sont de loin mon périple favori.

L’eau

L’eau glisse,
Mes pas l’effleurent,
Ou bien est-ce mon cœur ?

La sérénité est semblable à un lac. Le miroir est aussi stable qu’une montagne. Pourtant celle-ci voyage si loin que le cœur a tressauté. Était-ce ici ? Était-ce ailleurs ? Le miroir s’entrouvre et l’âme est semblable au Miroir.

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Tableau de Johan Fredrik Eckersberg (16 June 1822 – 13 July 1870)

If

Réverbération intense,
Au secret du limon,
La prunelle des ifs.

Saisir ou être saisie ? L’instant frémit tout éternellement, et le pas allégé, comme surpris, s’exclame de tant de beauté. J’aimerais ne jamais oublier, ne jamais oublier, ne jamais oublier, la grâce et la légèreté. J’aimerais ne jamais m’assoupir, l’instant de la visite de mon Bien-Aimé.

Milan

.

Au-dessus des toits,
La majesté neutre des ailes,
Le regard d’un oiseau.

Il fallut beaucoup de temps pour ne plus se perdre, les méandres des dix milliers de voix, quand il fallut beaucoup de temps pour l’entendre et la reconnaître. Il fallut du temps pour voir l’homme, pour voir le monde, pour être saisi par les ailes d’un milan. Combien de temps pour redevenir un homme, combien de temps pour l’être ?

Vallée

Ayant posé deux pieds,
La vallée se souleva,
Friches aux abois.

Les lettres commencèrent à danser, à élever des arcs et des ourlets. Le mystère est entier, mais mon cœur peut le chanter. La geste sacrée des montagnes suspendues, nos entrelacs, le chemin tracé.

Ecriture

Je cherchais l’écriture,
Plongeai dans l’abîme :
Les mots se mirent à parler.

C’est elle qui me trouva et me façonna. Elle cogna fort tout contre ma poitrine, et la coque s’ouvrit dans le plus grand des fracas. Je gravis une montagne, puis une autre. Je courais à travers la blancheur aveuglante, et j’allais dans l’encre noire de la nuit. Qui me guida ? Les mots furent des flèches et me transpercèrent. Il en plut un ciel, que dis-je, un univers ! Je cueillis les flèches et le carquois. Tous se transformèrent et devinrent les profondeurs d’un grand voyage.

Aimer

Dans la simplicité,
Aimer, sans la multitude,
Aimer par l’unité.

Au centre, la convergence ; l’essieu, le milieu. Dissolution n’est pas union. Avec mon ami nous parlons longtemps. Nous nous aimons. Nous buvons un café ou deux. Nous contemplons les étoiles et nous remontons jusqu’à Platon. Distillation du temps, recueil ouvert au diapason. Nous aimons ceux que nous visitons et nous leur disons : « Nous vous aimons ! » Le sanctuaire est la rencontre possible. Pour parvenir au véritable sourire, connaître. Pour parvenir au parfait sourire, s’asseoir. Pour parvenir au sourire rayonnant, écouter et recevoir. La rencontre est un long temps, longtemps. L’Amour mûrit hors de la quantité. Comment aimer un à un, sans que ne soit briser le Temps ? « J’aime la rareté », me dit mon ami. – Et qu’est-elle donc ? Le temps de la transformation, le temps de l’in-fusion… Chaque être mérite d’être aimé en sa quintessence. Chaque être mérite que l’on se recueille longtemps avec lui.