Mâdad

La force de la plainte,
Ô plaine !
Libre comme l’aube,
La force de la voix,
Au creux de tes propos,
S’éloigne…
La force de ton cri,
Ô danse !
La puissance
De ton chant,
Mâdad !
La force de ton élan,
Ô Silence !
Je marche et l’éclose,
Dans la savante révérence.
La force de ton audace,
Ô Sagesse !
Céleste envol,
La force d’une percussion,
Ô corps !
Du vivant de tes mots,
Le rythme de notre oraison,
Mâdad !
Lointaine marche,
La rive la plus proche,
Les feuilles qui passent,
Les continuités de ta persévérance,
Les ébauches sur le sommet,
La montagne nous enveloppe,
Mâdad !
Floraisons de l’échappée,
Le tambour,
D’une vigoureuse cadence,
L’éprouvante montée,
Aux écorchures automnales,
Il n’est que Lui !
Je tiens la perlée
Enchevêtrement de nos liens,
La cuisson de l’Empyrée,
Tandis que le chant vibre encore,
Si haut et si tenace !
Mâdad !

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Depuis tout ce temps

Depuis tout ce temps,
Les uns me poursuivent,
Les autres me tourmentent,
Mais ce cœur tendu,
A tantôt fui.
Quand s’est-il jamais appartenu ?
Voici qu’il file,
J’ai beau le saisir,
Mille fois,
Il m’échappe,
Le voici à mille nues,
Le voici flamboyant,
Le voici cuisant,
Le voici au tréfonds,
Le voici disparu,
Mon corps entier, l’a pris.
J’ai mangé d’un fruit,
Ni d’ici,
Ni défendu,
Mon cœur, qu’as-tu fait de mes nuits ?
Est-ce un raisin,
Est-ce une figue,
Est-ce plutôt miel inconnu ?
Depuis tout ce temps, l’on me blâme,
Depuis tout ce temps,
Que suis-je devenue ?
Bien, bien !
Il me plaît d’être ainsi,
Il me plaît d’avoir perdu,
Le sens et la raison,
D’être en la loi de ceci,
Je n’ai pas même les haillons d’une vie.
Depuis tout ce temps,
L’on me reproche,
Mais mon cœur, je cours après lui.

Le sage

Rive à la dérive,
Place à la déclasse,
Bien calé et décalé,
Plantureux puise à l’eau,
Il y a démence,
Et puis folie,
De rive en dérive,
A dos d’un bœuf,
Disparaît du monde :
Le délire est grand,
File au bras du vent,
Quand il est doux,
Ne pas sauter du pont,
Traverser les eaux en silence !
Le sage change sa monture en âne,
Mais le bœuf tressaute,
Sa joie d’être la bête de somme,
Tel disciple frémit de perdre le sage,
Quelques propos, je gage,
L’homme vient et surgit de loin,
Je l’ai vu assis sur un nuage,
Il fit ce simple rappel :
Seuls les pauvres et les démunis,
Vide besace,
Gardent le cœur loin des conjectures.
Quoi ?
Le sage se tait,
N’en prenez pas ombrage !

Montagne

Le milan doré,
Au ciel turquin,
A embrasé un arbre,
Montagne enserrée,
Que dis-tu de cette envolée ?
Au monde s’élève,
La continuité.
De ses ailes ensoleillées,
L’étreinte a chaviré.
Que nous montre cet arbre isolé ?
L’on sait la montagne,
De l’avoir épousée,
Puis le ciel descend,
Jusqu’à l’enchâssement,
L’anneau et la destinée.
Le corps disparaît,
Tout s’efface et le mot,
Vient heurter,
Le milan mordoré.
A nos yeux,
Le cœur s’entrouvre,
Un toit et un discours,
Bien plus bas,
La maison aux bleus volets.
Est-ce un écho ?
Est-ce un sursaut ?
Je m’en vais.

___

Photographie de l’auteure

Encore

Si je devais te répondre,
Je te répondrais.
Le rythme,
Mon pouls sur le rocher,
Je ne serais plus ici,
Je viendrais,
Le pas sur la grève.
Je n’ai plus de temps
Stupéfait !
Ni coursier,
Ni chevelure,
Ni même stature,
Ni encore sourcier,
Car, si je devais marcher,
Je marcherais,
Le flanc au vent,
Les yeux collés à la lecture.
Mais, si je devais lire,
Je lirais,
La plume
Et l’encolure,
Submergée au levant.
Et, si je devais me lier,
Je me lierais,
Les poignes d’une césure,
L’aube,
Eloquente !
Et, si je devais te faire le récit,
Je m’envelopperais d’un ruisseau,
Je saisirais la rose des mots,
La bouture des montagnes imposantes,
Le charme de la lenteur,
Et, si je devais te le dire,
Je te le dirais,
Sans jamais finir,
Je te le dirais encore.

___

Peinture de Félix Mas

Temps

Tu n’étais pas encore,
Mais qui donc te révéla ?
Le temps se plia puis se concentra.
Ne t’ai-je pas dis que cet abîme,
Oui, cet abîme est source de joie ?

Quand il n’était ni lieu, ni espace,
J’accourrai déjà jusqu’à l’unique instant,
Et jouais avec le Temps.
Qui donc s’en souvient encore ?
Chaque grain,
Chaque eau,
Chaque air,
Chaque lumière,
Chaque feu,
Me tinrent en leur secret,
Et je m’évanouissais.
L’instant était en eux et j’étais en leur instant.

Ô mes bien-aimés amis, comme vous me rappelez notre rencontre !
Comme vous me révélez le tout-commencement !
Comme vous êtes ce regard qui n’est pas de ce Temps.

Existence

Existes-tu vraiment ?
Je ne le crois pas.
Quant à moi, je n’existe pas.
Un tremblant murmure devenu l’écho de nos voix,
Qu’as-tu fais de son cœur en émoi ?
Aux fracas de l’indifférence,
J’ai puisé ma foi.
Sur une monture solitaire,
Le cheval se cabre,
Défait le silence,
Ces beaux rêves d’autrefois.
A la cime d’un parcours,
La crinière s’insurge,
La peau transpire,
Notre course sauvage.
Existes-tu vraiment ?
Je ne le crois pas.
J’ai ouvert une trame,
Un sillon, une trajectoire,
Mais, je n’existe pas.
Je file les ans au bruit de nos peines,
Et comme éprouvée,
Je plante un sabre, ou bien est-ce plutôt une épée ?
Car, ce cœur saigne,
De larmes acérées,
Quand es-tu né ?
J’observe un corps hébété,
Une lune, une flamme,
Un sourire effronté,
Sur la jetée opale,
Surgie des blancs coquillages,
D’écumes et de nacre bleutée,
Je n’ai pas existé.

Etonnement

.

Tournoiement des Anges,
L’immensité s’ouvre,
Une danse, une ronde,
Nous vîmes le ciel s’activer,
Le vent en rafale ordonnée,
Aux branches du chêne,
Les herbes assoiffées,
Et la voix des nuages nous chante,
Et les ailes à la cime, une offrande,
La force d’une vague,
L’orage, une puissante entité,
Vision vibrant de l’intensité,
Tandis que le rire éclate,
La gorge d’un vallon exalté,
Et que j’aime, que j’aime cette heure féconde,
Le ciel ébaubi d’Amour enchanté,
Les corps s’élancent vers la vastité,
Et nos âmes entremêlées,
Parlent la même langue,
Le cri d’une victoire assurée,
Tandis que le rire continue de dévaler,
Notre complice immensité,
Ta venue s’annonce sans discontinuité,
Et l’on aimerait voler, voler,
Jusqu’à ne plus rien comprendre,
L’on aimerait se jeter,
Sur les flancs de Ton apogée,
Notre journée surprenante,
La pluie telle une nuée.

Âme

Par le Souffle inné,
A l’aube où frémit la voix,
Par l’incandescence des sons retrouvés,
L’abîme d’un océan de clameur,
Epandues de lumière et de vérité,
Entends la nostalgie qui pleure !
Par le Souffle incantatoire !
Voici le corps hébété,
S’élevant d’un tire-d’aile,
Puis de surgissements soudain et de vagues éternelles,
A la source de la présence,
Ton Nom jaillit sans briser le Silence,
Aux oreilles émerveillées du cœur.
Là-bas, l’instant effleure l’espace réel,
Baigné de certitude palpable et de toute beauté.
Comme s’abolissent nos aspérités,
Montagnes aplanies par notre constance !
Comme sont vaines les hostilités !
Nous sommes nés puis nous sommes morts ;
Quant à l’âme, elle, Reine de majesté,
Vénérable et noble Amour,
S’émerveille encore de l’infini voyage,
Demeure si proche et si belle,
En rapporte ici ou là quelques nouvelles,
Après avoir saisi le secret de l’éternité.

Cent ans

Pour cent ans,
Je fais la promesse,
Pour cent lieux,
Je fais des milliers de fois,
Le chemin,
Et quand je me noie,
Ta voix,
Dans les profondeurs de notre émoi,
M’entraîne.
Pour mille ans,
Je fais la promesse,
Un million de fois,
D’être à Toi,
Si Tu me rejettes
Je remonte encore,
Ces périples, tant de fois,
Les voyages de l’Amour,
Un milliard de fois,
Dans les larmes, dans la joie.
Pour l’éternité,
Ton regard me ravit,
La flamme d’une voix,
Je ne suis plus moi,
Mais que serais-je sans Tes yeux,
Le cru du cœur en trépas ?
Pour un jour de plus,
Je fais la promesse,
De n’aimer que Toi,
Et si me prend l’envie de trahir,
Mes mots,
Ô Toi, ne m’abandonne pas !
Dans Ton Appel,
Qui cogne fort, si fort tant de fois,
Je Te trouverai,
Sans comment, ni pourquoi,
En dépit de moi,
J’irai, j’irai encore.