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Un petit homme était assis sur un banc, les paupières closes, le monde en lui, telle une fabuleuse légende retenue au plus profond de son cœur. Il se balançait et chantait en silence, compagnant ses amis. Ses épaules s’étaient voûtées avec le temps, son corps était semblable à celui d’un enfant et pourtant, il s’agissait d’un vieil homme aux cheveux blancs, aux mains ridées. Son gilet ouvert sur la poitrine, la tête baissée, il dévoilait ainsi la profondeur de son instant. Était-il devenu un balancier dont l’accord ne dépendait plus du monde environnant? Je l’observais de loin, cachée par un arbre et j’écoutais son silence. L’âge l’avait vêtu d’une parure de lumière, d’une sagesse incontestée. Son chant me submergeait et je suivais son balancement avec une joie que je ne maîtrisais pas. Il était mon père, mon frère, mon ancêtre. Il était mon fils, mon compagnon, mon être. Il renaissait à chacun de ses mouvements et son cœur semblait flotter au-dessus du monde entier, semblable à un tournoiement. Autour de lui, des hommes criaient, entraient en une étrange frénésie, mais lui, les yeux fermés, continuait de danser avec les épaules et son torse faisait des va-et-vient, accordé à son balancier intérieur.
Sa force était son âge avancé. Il avait la blancheur incandescente d’une trame existentielle que la vie avait condensée. Je le saluais en lui faisant une révérence. C’était ma manière de lui rendre hommage, de lui transmettre ma déférence, de proclamer sa beauté. C’est à ce moment qu’il ouvrit, de ses deux mains, son gilet et il fit un geste en ma direction en me faisant comprendre que j’étais en lui. Tout ce temps, il m’avait vue et tout ce temps il m’avait de même entendue. La transparence de son âme était semblable à un cristal de roche. Les paupières se soulevèrent et ses yeux étaient lumière. Lumière Divine. Il m’attira vers lui par la pensée, ou ce que je supposais alors être la pensée. De fait, il ne s’agissait nullement de cela. C’était bien plus que la pensée. Il s’agissait d’un pouvoir transcendant, surnaturel. Mon cœur s’emplit de sa douceur infinie, de sa paix et il déversa en mon âme un océan d’Amour.
Tout d’abord, je crus mourir. Ma mort dura des milliers d’années, mais il ne s’était écoulé qu’une seule seconde en tout et pour tout. Une goutte dans l’immensité de la Création m’avait submergée. Un basculement notoire dans l’autre monde. Je compris alors que je ne mourrai pas, que je n’étais pas morte. J’avais les yeux grand ouverts et je perçus cet autre monde comme je percevais celui-ci. Je le traversais de part en part et revisitais l’ensemble de ma vie. Cela s’étiolait, se densifiait, apparaissait dans sa vérité la plus rude, la plus violente aussi. Il n’y avait aucun rempart, il n’y avait nulle part où se cacher. Puis, il ne restait rien de tout cela, des instants, des jouissances, des rires et des pleurs. Il ne restait rien de ceux que nous avions connus et avec qui nous avions tissé des liens. Il ne demeurait que la lumière, une lumière crue. Une lumière provenant de l’Amour effusif. Mais, l’Amour est puissant, dévastateur pour qui n’est pas Amour. Il se révéla ainsi : il ne demeurait que l’instant Divin. Quand je revins à notre monde, le petit homme avait disparu. Il avait laissé sur le banc parsemé de feuilles, roussies par le soleil, son gilet de laine blanche et un turban noir.
Merci pour ce moment de « rêve poétique «
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Merci beaucoup Veronelle…
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De rien, il y a 20 ans j’écrivais aussi et cela me renoue avec un monde que j’avais occulté
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Le monde intérieur…
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Merci pour ce beau texte.
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Merci à vous Daniel d’avoir reçu cet instant, le temps de la rencontre.
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Touché !
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Un moment lumineux. Joliment écrit! Amitiés
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Merci beaucoup… Amitiés.
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Seuls les bancs sont de tous les chemins les gardiens instructeurs. Ils accueillent, prêtent une clef du mystère et laissent une sensation avant de repartir
C’est comme une étape…
Bonne journée.
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Oui, les bancs parlent. C’est vrai et ceux qui s’y asseyent aussi. Merci beaucoup…
Bonne soirée à vous.
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Il avait le plus beau des caractères et le plus bel aspect. Il n’était pas petit, il était plutôt grand mais pas excessivement, il avait les épaules larges, il était d’une couleur blanche teintée de rougeurs. Son visage était lumineux. Rien ne lui était semblable ni avant ni après lui.
Il s’exprimait avec éloquence ; peu de mots contenaient beaucoup de sens. De ses paroles découlaient de nombreuses sagesses dont les significations étaient toutes en harmonie.
Il rendait visite à ceux qui rompaient les liens avec lui, il prodiguait à celui qui le privait. Il pardonnait à celui qui était injuste avec lui, il ne se vengeait pas, bien qu’étant capable de le faire, il patientait face à ceux qui lui nuisaient. Par son comportement, il forçait le respect et inspirait l’émerveillement.
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Très belle, vénérable et profonde description. Merci beaucoup Ahmed.
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Je t’en prie Béatrice. J’aime cet homme plus que moi-même.
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Je te comprends et je dirais oui, idem.
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Quel magnifique texte me faisant penser à une sortie du corps! Peut être est ce plus vaste que ce sentiment… En tout cas, quelle beauté lumineuse!
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Sortie du corps ? Une forme encore duelle. Entrer en… Oui. La Traversée, cette vie, Transcendance… Merci Emorizo.
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J’apprécie vos mots. Parfois me manquent les mots…
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Merci d’apprécier. De fait, si vous n’étiez pas, quelle importance les mots ? Pourtant, les mots n’ont de réalité que s’ils viennent du coeur du coeur. Nous écrivons par l’écriture de l’âme. Et vous êtes cette âme. Tout le reste m’importe peu.
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A chaque étape un banc pour s’asseoir .
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🙂
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