
.
La nouvelle se voulait nouvelle. Elle n’avait pas d’autre but que d’être l’agent libre qui allait converser sous une forme condensée. Elle se soupesait avec une mesure inexpliquée. Il s’agissait de trouver l’élément fondateur, sans pour autant tout divulguer. Elle savait qu’elle allait puiser dans les profondeurs incalculées d’une nouveauté. Poignante et resserrée, la nouvelle était à s’introspecter. Où trouver l’inspiration ? Où puiser l’encre sauvage et la dompter ? Où bâtir sa constance et où fonder son intransigeance ? Le narrateur pouvait être aussi bien une femme, un homme ou même une horloge – d’ailleurs, celle-ci s’est tue depuis ton départ. Le secret d’une élocution dépend de l’auteur et de son inspiration. Mais, il avait décidé de ne point devancer la nouvelle. Il la voulait totalement libre de son propre jugement, de son passé et même de son présent. Entre temps, il était à siroter un peu de café et respirait l’arôme d’un pur enchantement.
Le voyage s’organise avec une précision chirurgicale. Il est assis sur le siège d’un compartiment de train. Les voyages, par ce moyen de locomotion, ont quelque peu sa prédilection. Ce train va à une allure raisonnable. Le siège est relativement confortable. N’a-t-il pas traversé tous les lieux, tous les siècles ? Depuis la première bête rugissante qu’avait été le train à vapeur jusqu’au train de banlieue ? Ce dernier, au sortir de Paris, totalement fou et imprévisible, faisait du rodéo sur les rails. Il semblait être pris d’impatience, sursautait de manière irrationnelle, voulait frénétiquement parvenir plus vite à destination. Alors que ces brusques vagues se faisaient sentir, tous les passagers demeuraient impassibles, se fuyaient même du regard comme gênés de paraître si incongrus. Mais lui se mettait à rire sans pouvoir s’arrêter. C’était si drôle ! Comment se prendre au sérieux ? Comment se réduire à être de simples pantins ? Je présume que le train était un rien provocateur. Je présume aussi que la majorité du monde agit sous une impulsion mimétisée. Mais, la nouvelle ne faisait que débuter. Elle cherchait la forme cruciale, le toucher vrai, la mélancolie, la joie, l’impassibilité, le discernement, la scène la plus marquante. Soudain, la nouvelle devint une image estompée, celle d’un visage, celui d’une femme dont les yeux regardaient défiler un paysage irréel. Elle portait sur ses cheveux lissés, un petit chapeau à voilette, à peine visible, qui descendait sur son doux visage nacré, empreint de rêveries. Elle avait surgit de nulle part. Elle tenait en ses mains un livre qui avait dû être fréquemment manipulé, la couverture visiblement défraîchie. Quand le train entra en gare, la femme se leva. Il la suivit longtemps du regard. Quand le train reprit sa marche, il vit, à son grand étonnement que le livre, où avait été assise la femme, était resté là. Il se leva rapidement pour s’en emparer, mais ce qu’il découvrit le stupéfia. Le livre, dont la couverture était jaunie, et sur laquelle était reproduite l’image d’un train, s’intitulait : La nouvelle.
Voir
J’aimeAimé par 1 personne
Merci pour ce voyage Béatrice!
J’aimeAimé par 1 personne
Merci à toi, Filipa, d’avoir pris le temps de voyager avec nous. Bon et lumineux dimanche !!!
J’aimeAimé par 1 personne
À toi aussi Béatrice !
J’aimeAimé par 2 personnes