
Etions-nous hantée par le mot ? L’on y touchait avec le doigt, juste de l’encre noire sur une page blanche. Mais, était-elle si blanche cette page ? Notre corps disparaissait. Nous n’avions pas d’âge. Nous avions un an, puis deux, puis trois, mais nous n’avions pas d’âge. Une main nous serrait très fort. Était-ce un étau, était-ce autre chose ? Le mot pouvait bien être un point, ou bien une mouche, pourquoi pas ? Celle-ci dansait avec ses drôles de petites ailes vitraux. La mouche se frottait à la page blanche, y traçait un sillon et il était noir. Beau noir de l’accomplissement, le parfait, la couleur sans nuance. La mouche voletait ici ou là. A bien considérer les choses, nous n’avions véritablement pas de corps, ou bien le corps avait-il été façonné dans une matière inconnue ? En y pensant longtemps, je le crus possible. En cette réalité de l’instant, tout était possible, n’est-ce pas ? La mouche effaçait les mots, en traçait de nouveaux ; parfois, cela était de petites tâches, très bénignes au demeurant, de si petits points et il fallait pouvoir en trouver le décodage. Pourtant, le mot avait bien commencé quelque part. Il avait dû apparaître dans l’obscurité des temps reculés. Ou peut-être en pleine lumière ? Les mots ont toujours gigoté. Ils ne tenaient pas en place. Il fallut beaucoup de temps pour les voir enfin s’aligner. Néanmoins, lors que vous remontez jusqu’à l’origine du mot, vous comprenez que ceux-ci ne vous appartiennent absolument pas. Ils viennent d’un monde bien précis, bien probable. C’est la mouche, voyez-vous, qui me le confia alors que je lui donnais à boire…
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Par ce texte chère Béatrice, tu as fais mouche ! Merci.
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