Epopée

Tandis qu’Erato remonte vers le premier Ciel de l’effusion poétique, Melpomène se dresse devant un vieux libertin, poète à ses heures perdues.

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Acte II

Scène I : Melpomène et le libertin (silencieux, à genoux devant la Muse qui brandit son poignard sanglant)

Jeter la coquille,
Fouler aux pieds,
L’immonde,
Immondice palpable,
Jeter les débris,
L’extrême du vice,
Les brûler au feu du dissolument,
Jeter le masque derrière soi,
Hurlant, puis rire de joie,
Courir pieds nus,
Sans plus se retourner,
Déchets d’un rêve pullulant,
Pulvérisé dans le râle du deuil,
Puis courir plus loin encore,
Franchir tous les seuils,
Défait des putrides sorts,
Renoncer à ces tristes vêtures,
Se laisser mille fois engloutir,
Chasser les vains parjures,
Tenir en sa main,
Le miroir sans faille,
Poignard qui brise le regard,
Trempé dans les flammes du repentir,
Puis courir encore,
Saisir l’océan,
A bras le corps,
Déversant la gangrène et ses blessures,
Dans le regret des impostures.
Ô homme, je t’ai vu gémir,
Courbé dans la traîtrise infâme,
Que n’as-tu arraché tes yeux, cette fêlure,
Pour avoir violé l’extrême pudeur,
Jette donc cet œil et puis cet autre,
Comme ils anéantissent ton cœur et ton âme !
Quand cesseras-tu de plaider l’innocence,
Lors que tu flagelles celles de ces femmes ?
Pourquoi n’en as-tu pas fait des sœurs ?
Pourquoi n’as-tu pas cherché à voir,
Qu’en elles, gît le gouffre d’un désespoir ?
Que n’as-tu jeté ta pupille dans la fange !
Ne cours-tu pas vers la rédemption ?
J’ai vu l’exsangue venin des succubes,
S’emparer de ton âme, la dévorer cruellement.
Que n’as-tu coupé ta main,
Corrompant mille fois la vie !
Que n’as-tu plongé plutôt dans les bouillonnements,
D’un brasier sans fin,
Et que n’as-tu versé l’amertume des âpres larmes !
Sache que la damnation ne réjouit que les démons,
Et je gage que tu ne comprennes aucun de mes propos,
Quelque chose en toi qui te ravage !
Voici l’enfer et ses terrifiants maux !
Fosse des malheureux, gouffre des obsessions.
Que n’as-tu donc pleuré cette vie d’esclavage !

5 réflexions sur “Epopée

  1. Voici la Muse sous son aspect « verdict », ou bien « remontrance » ? En tous les cas, cette muse n’est pas dans le leurre. Oui, le libertin éprouve l’amertume du libertinage. Cela n’est pas faux. Le fruit défendu devient très amer à la fin. J’aime la véracité et l’authenticité de Melpomène. N’est-ce pas le regard du sphynx sur la condition humaine ? Seuls les hommes sincères vous l’avoueront. La luxure est une véritable destruction.

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    • Merci Basile pour ces paroles d’homme. Je suis même étonnée que vous soyez à le dire. De nos jours, on oublie assez aisément ce que signifie détruire et se détruire du même coup. Tout le monde se croit libre, mais que l’on n’aille pas confondre liberté et licence. Combien de mort avérée à laisser la luxure se répandre comme une normalité. Derrière ces macabres forfaits, on oublie que beaucoup de gens deviennent la proie de la concupiscence des uns et des autres. Des ténèbres sans fond…

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