Très cher,
La seule nostalgie que j’éprouve est le présent perpétuel, comme s’il ne savait jamais passer. Est-ce lenteur sur les ruissellements de chaque goutte magnifiée ? Je pose un pied puis un autre comme apprenant à marcher et le pas est aussi titubant que la première fois, mais aussi léger, tel du coton se posant sur la douce terre de notre regard. Ce matin, j’ai touché la terre, l’ai caressée tandis que je la sentis soudain frémir et me parler. Le soleil l’avait réchauffée et comme elle sentait bon ! J’ai entendu alors la terre pousser un cri d’amour. Oh ! rien d’horrifiant ! Bien au contraire, il s’agissait d’une explosion lente délivrant mille délicieuses complicités. Je ramasse souvent les fleurs fanées et les dispose en petits tas. Elles vivent encore et me réchauffent les mains. Elles prononcent, à ces moments, des phrases qui m’invitent à les écouter. Alors, je comprends que rien ne meurt. Absolument rien ! La magie est là, dans le regard du cœur. Même les couleurs pastelles, délavées par le soleil, sont interpellatrices. Tant de murmures dans la vie ! Tant d’apprentissages ! Et si la vie passe, elle ne passe pas vraiment puisque le vivant ne meurt pas. Le vivant est une continuité. Elle nous parle où que nous soyons et par où nous passerons. Ne le pensez-vous pas ? La matière est une grande phrase poétique qui nous révèle une infinité de choses. Cher ami, je vous regarde par moment et vous êtes assis sur la chaise en bois, tandis que vous écrivez quelques notes sur votre précieux carnet. Nous avons tous un petit carnet qui nous accompagne fidèlement, un crayon qui sert de transcripteur de notre voix intérieure…
Bien à vous,
Votre B.