Correspondances XXX

Cher,

Nous étions sur les sentiers printaniers de la France ; les ruisseaux courtisaient les pervenches, les violettes, fleurs préférées de ma tendre et douce mère et les herbes encore bien juvéniles. Nous avons fait les premiers bouquets de l’ail des ours. Plus loin, les jacinthes s’évaporaient des souvenirs odorants de notre enfance. Le fleuve bouillonnait et le vent valsait comme de coutume avec les branchages. La rumeur des villes semble nous parvenir avec l’effroi d’une froide indifférence. L’avez-vous constaté ? Quand même, les gens sont là à se ruer dans les brancards des magasins dévalisés, ils n’ont pour la plupart que le vide de leur cœur et le regard s’étonne du durcissement. Sur les bords de l’eau, quelques promeneurs avec le sourire et les mots bienveillants. Quel contraste ! Le vent nous a encore surpris et la liesse des jours que nous cultivons nous envahit et si nous devions mourir, nous aurons le cœur plein de reconnaissance éternelle. Je vous écris ces petits mots juste après que nous ayons enfin regagné notre maison. Le merle et la mésange nous accueillent avec le beau printemps au fond de leur chaud gosier. Que pouvons-nous faire si ce n’est garder l’âme légère et laisser jaillir les effets de la douceur ? La vie nous réserve encore bien des surprises. Venez vite nous rejoindre. Je vous attends patiemment.

Votre B qui vous affectionne.

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A bientôt…

Il vient le temps de s’absenter durant quelques temps pour un voyage sans réseau internet, sans connexion possible. Je prends avec moi quelques ouvrages dont celui de Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra que j’ai commencé à lire, en vertu d’une promesse faite à « Un promeneur solitaire » qui se reconnaîtra. Je vous souhaite une belle continuation et ne vous oublie pas. Je remercie tout ce qui ont accepté de faire un petit bout de chemin ensemble. Tous, vous m’avez apporté une belle part et je vous aime.

Béatrice D’Elché, le 08/03/2020

Je ne les oublie pas

Les soubresauts, saugrenus des formols d’un laboratoire outrecuidant, quand j’ai vu l’enfant marcher tel un guerrier au milieu des jungles de la folie des hommes et dormir dans le froid des étoiles et la nuit lui apprendre la résistance du corps. La chaleur venue à la lumière du soleil, à la liesse de l’aurore, lors que les bouvreuils sautent, libres, indomptables, reproduisant les sauvages échappées d’une brumeuse gelée. Dans la pénombre de la forêt, les mille bruissements hivernaux près de l’arbre qui danse, mon cœur connaît l’étendue des espaces que l’extérieur élargit depuis l’intérieur de notre âme, et voici que le courage supplée à l’insaisissable, lors que la mort rôde, comme un basculement. Cet homme m’a parlé, l’homme venu des contrées de l’est, sa Pologne, durant plusieurs heures et lui de s’exalter des épousailles d’un voyage que l’on reconnaît comme l’universalité et qui le libère. Il m’a offert le gite et le couvert, dans l’étrangeté d’une rencontre, moi l’inconnue. Puis, cette femme qui m’a prise tendrement dans ses bras, la sœur, près du sentier, me donnant la chaleur de l’instant. L’enfant est sauvage de ses pérégrinations, et les pas nous mènent à l’ivresse du fraternel aimant. Je n’avais pas un sou en poche, juste le temps aux aguets, affûtant les récifs de l’inconfort, oubliant la ville, plongeant au cœur de la solitude hivernale. Chacun de leur visage, de leur silence, chacun de leur cœur, de leur yeux aussi profonds que notre émoi, je ne les oublie pas. La force du voyage vient du dénuement. J’ai eu froid, j’ai eu chaud.

Ces choses

J’aimerais te dire ces choses,
M’entends-tu ?
J’aimerais des bras qui te parlent,
Sans cœur émietté,
Sans même les secondes hébétées.
Le temps qui passe,
Vole sur les ailes,
Du temps qui n’a jamais passé,
Quand surprenantes liesses,
Le parcours sans distance,
Suspend la présence,
Qui vient de basculer.
J’aimerais frôler les pas en cadence,
Te dire que je suis partie,
Sans jamais te quitter,
Puis, j’aimerais aussi te dire,
Ces élans que l’âme n’a pas refréné,
Parce que je suis déjà venue,
Tout te raconter.

Cœur ouvert

Cœur ouvert,
Signifiant sens.
Cœur fermé,
Tout à l’envers.
Atome particulaire,
Tout en vers,
Mais contre tout,
Immatérialité.
Quand naquit l’univers,
Exquise banquise,
Je m’en vais envers,
Les aspérités,
Retrouvant toute stabilité,
Mais quand l’un s’exaspère,
Le vent a tourné,
Depuis l’étrange sphère,
Le pli se révèle d’équité.
Quand l’un dit vert,
Je vole sans discontinuité.
Ce que les yeux s’accommodent
De tant de lumière !
Puis arrive l’obscurité.
Viens donc boire ce verre,
N’en dis pas plus !
Au bon endroit,
Me suis amusée,
Ni plus ni moins,
Le cœur se répand sans sourciller,
La maison joue,
Puisque rien n’est consommé,
L’atome m’a envoûtée,
Si succombe,
La vie a tout à gagner,
Si péris, qu’ai-je à t’enlacer ?

Mars

Aime apporte le frisson,
L’échine hivernale,
Au gris d’une moisson.
Quelques fleurs qui se pâment,
Tourbillons de sensations
Dans l’esprit séminale,
Au cœur d’une fermentation,
Long et mousseux,
Sur les rondeurs,
Savamment rustiques,
Au creux du moelleux,
Et ce corps tranquille,
Aime, le mois nouveau.
Certains fleuves massif au palais,
Alors que jaillit l’imperceptible note,
Riche des parfums d’un écho,
Fin et palpitant comme un souvenir languissant,
Aux saveurs persistantes qui dénotent,
Aime le renouveau.
Qui abdique ?
Des saisons transforment les mots.