Il y a très longtemps, je connus une dame, qui déjà depuis son plus jeune âge, bousculait sans cesse le monde des lettres, celui des mots, des phrases, des dialogues et même celui des soupirs. Elle développait cet art, presque à son insu. En toute bonne foi, je pense que je n’ai jamais rencontré de femme semblable à elle, ni même qui pût lui être comparée. Quand je la voyais venir, alors que je me promenais dans la ville, je me sentais souvent à devoir la fuir en tournant subrepticement dans une rue avoisinante, afin d’éviter ses interminables conversations. Pourtant, tout ce que cette brave dame disait n’était pas sans intérêt. Il fallait juste être en ces dispositions particulières, que l’on a en soi, pour accueillir ses propos. Je l’invitais alors à prendre un thé à la maison. A cet effet, je prenais soin d’avoir toujours en réserve quelques sablés, petits fours et galettes de maïs qu’elle affectionnait tout particulièrement. Son thé préféré était un thé vert parfumé à la bergamote, peu courant au demeurant, ce qui m’obligeait à aller très loin pour en trouver. Une fois que notre chère Emily Kaitlyn frappait à la porte, et qu’elle se fut installée dans le salon, nous étions parties pour un après-midi entier de confidences métaphysiques et d’échanges sur nos lectures d’ouvrages ésotériques. Elle avait étudié en long et en large toutes ces étranges histoires pour le moins insolites, avec une prédilection, ce me semblait, pour l’égyptologie. Je l’écoutais avec une grande attention. Outre ces centres d’intérêts très marqués, Emily Kaitlyn était passée maître dans l’art de la psychologie humaine. En quelque sorte, cette dame évoluait à mi-chemin entre le personnage d’Indiana Jones et celui de Sherlock Holmes.